La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/1998 | FRANCE | N°96-86623

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 1998, 96-86623


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me Y..., de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Louis,

- MARTIN Z..., contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3

ème chambre, en date du 26 novembre 1996, qui a condamné le premier, pour abus de con...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me Y..., de la société civile professionnelle de CHAISEMARTIN et COURJON et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Louis,

- MARTIN Z..., contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 26 novembre 1996, qui a condamné le premier, pour abus de confiance et corruption active, à 1 an d' emprisonnement avec sursis, et le second, pour corruption passive, à 15 mois d' emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean-Louis X... et pris de la violation de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, de l'article 207 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985, de l'article 26 du décret n°85-1390 du 27 décembre 1985, de l'article 27 de la loi n°85-99 du 25 janvier 1985, des articles 177 et 408 du Code pénal, applicables à l'époque des faits, des articles 314-1 et 433-1 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Louis X... à la peine d'1 an d'emprisonnement avec sursis, de même qu'à payer diverses sommes au titre de l'action civile ;

"aux motifs adoptés que Jean-Louis X... et René Martin soutiennent que ce dernier a été rémunéré dans le cadre d'une véritable consultation confiée par la CRCAM de la Dordogne antérieurement à sa nomination judiciaire, dans la perspective de trouver la meilleure solution possible à un problème de recouvrement de créances sur un débiteur en cessation de paiements ou sur le point de l'être;

que l'on admette ou non cette version des faits, la solution recherchée est passée par l'ouverture d'une procédure collective et la désignation de René Martin comme représentant des créanciers, administrateur, commissaire à l'exécution du plan ou liquidateur;

que les prestations offertes par René Martin se sont poursuivies après sa désignation;

qu'ainsi ses prestations consultatives sont indissociables du rôle de mandataire de justice qu'il savait lui être réservé;

qu'en réalité, René Martin a été payé par Jean-Louis X... pour des diligences effectuées dans l'intérêt professionnel de la CRCAM de la Dordogne, diligences qui ont été facilitées par ses fonctions de citoyen chargé d'un ministère de service public;

que, s'agissant du redressement du GPOD, René Martin a déclaré que la CRCAM de la Dordogne risquait une action en responsabilité pour soutien abusif;

qu'il ressort des déclarations de René Martin qu'il a géré ce dossier en tant que représentant des créanciers puis commissaire à l'exécution du plan, non pas dans la perspective de l'intérêt de l'ensemble des créanciers, mais dans la perspective du seul intérêt de l'un des créanciers, même si la défense de l'intérêt de ce créancier passait par un abandon de créances;

que, s'agissant du redressement judiciaire de la CELP, la CRCAM de la Dordogne était également menacée d'une action en responsabilité;

que là encore, il a mené son action d'administrateur en ayant pour perspective première de ne pas voir engager d'action en responsabilité contre la CRCAM, ce qui est clairement le motif de la remise, en récompense d'une "enveloppe" de 150 000 francs que René Martin désigne lui-même comme un cadeau;

qu'il en va de même dans le redressement judiciaire de la CABNA;

qu'enfin, et s'agissant du redressement judiciaire de la SA CAVILLE, afin d'éviter un trop important préjudice, René Martin a obtenu de la part de M. Ducourtineux, président de cette société, qu'il rembourse en qualité de caution la créance de la CRCAM de la Dordogne sur cette société, et qu'il a été payé en récompense de cette action;

que la corruption active de René Martin reprochée à Jean-Louis X... caractérise également le délit d'abus de confiance imputable à ce dernier;

qu'en effet, si même il avait le pouvoir de représenter la CRCAM à l'égard des tiers, il n'avait pas reçu, au titre de la délégation, le pouvoir de corrompre un mandataire judiciaire dans l'intérêt de la CRCAM ;

"aux motifs propres que l'existence d'un pacte de corruption est révélée dès lors que les remises de fonds consentis illicitement à René Martin l'ont été de façon systématique pendant la période au cours de laquelle se sont répétés les faits reprochés au corrompu;

que les prévenus ne peuvent davantage se prévaloir de la clôture pour extinction du passif des procédures collectives, cette extinction du passif tenant d'ailleurs généralement à l'abandon par la CRCAM de sa créance ou au rachat par cette dernière de celle des autres créanciers, dès lors qu'une telle issue n'était à l'origine aucunement acquise et que les conditions dans lesquelles la CRCAM avait prêté son concours aux débiteurs laissaient initialement craindre à Jean-Louis X... que la responsabilité de la banque serait recherchée et qu'il avait avantage à s'assurer de l'abstention de l'administrateur ;

"alors que, premièrement, le délit d'abus de confiance n'est pas constitué lorsque le détournement reproché au salarié est fait dans l'intérêt de son employeur;

que les juges du fond ont relevé que Jean-Louis X... n'a agi que dans l'intérêt de la CRCAM de la Dordogne;

qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait retenir sa culpabilité de ce chef ;

"alors que, deuxièmement, le mandataire judiciaire peut exercer une activité de consultation dans les matières relevant de sa qualification;

que cette activité donne lieu à rémunération, même si l'entreprise concernée est dans la nécessité de déclarer la cessation de ses paiements;

qu'en décidant que l'exécution des mandats confiés à René Martin à l'occasion des procédures de redressement judiciaire du GPOD, de la CELP, de la CABNA et de la SA CAVILLE était indivisible des consultations qu'il avait préalablement élaborées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, troisièmement, la corruption passive suppose que René Martin a accepté les paiements de Jean-Louis X... afin de s'abstenir d'engager une action en responsabilité à l'encontre de la CRCAM de la Dordogne;

que s'agissant du redressement judiciaire du GPOD, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession grâce à l'abandon par la CRCAM de la Dordogne de sa créance d'un montant de 3 600 000 francs;

qu'en ne précisant pas à quel titre la responsabilité de la Caisse était susceptible d'être engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors que, quatrièmement, le redressement judiciaire du CELP a favorisé la cession de certains de ses actifs à une société SICA et à une société UCELPA, ce qui a permis de clôturer la procédure par extinction du passif;

que sur ce point encore, la cour d'appel n'a pas précisé à quel titre la responsabilité de la CRCAM de la Dordogne pouvait être engagée;

qu'à cet égard encore, l'arrêt est privé de base légale ;

"alors que, cinquièmement, le redressement judiciaire de la société CABNA a fait l'objet d'un plan de cession, le passif étant payé à parts égales par le repreneur et par la CRCAM de la Dordogne ; que ces circonstances ne permettant de caractériser la responsabilité de la CRCAM de la Dordogne à l'occasion de cette procédure, d'où il suit que l'arrêt manque de base légale ;

"alors que, sixièmement, à l'occasion du redressement judiciaire de la société CAVILLE, la CRCAM de la Dordogne a renoncé à une créance d'un montant de 8 millions de francs;

que cette renonciation, de même que l'intervention de René Martin, ont favorisé l'octroi de la garantie de M. Ducourtineux, président de cette société ;

qu'à cet égard encore, la responsabilité de la CRCAM de la Dordogne ne pouvait être engagée" ;

Sur le même moyen de cassation adopté pour René Martin en tant que de besoin ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour René Martin et pris de la violation des articles 432-11, 433-1 et 433-2 du Code pénal, 177 et 179 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré René Martin coupable du délit de corruption passive et l'a condamné, en répression, à la peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement de 20 000 francs d'amende ;

"aux motifs que c'est également à bon droit qu'ils ont retenu l'existence d'un pacte de corruption, dès lors qu'il apparaît , comme ils l'ont pertinemment relevé, que les remises de fonds consenties illicitement à René Martin, l'ont été de façon systématique pendant la période au cours de laquelle se sont répétés les faits reprochables au corrompu, remises qui, de l'aveu même de Jean-Louis X..., obéissaient à "une politique consistant à récompenser le mandataire";

que les prévenus ne peuvent davantage se prévaloir de la clôture pour extinction du passif des procédures collectives qui ont donné lieu à leurs conventions coupables, extinction du passif tenant d'ailleurs généralement à l'abandon par la Caisse régionale du crédit agricole de sa créance ou au rachat par cette dernière de celles des autres créanciers, dès lors qu'il est constant qu'une telle issue n'était à l'origine aucunement acquise et que les conditions dans lesquelles la Caisse régionale du crédit agricole avait prêté son concours aux débiteurs laissaient initialement craindre à Jean-Louis X... que la responsabilité de la banque serait recherchée, comme il l'a expressément admis et comme René Martin, désigné aux fonctions d'administrateur dans les procédures concernées, l'a également reconnu et qu'en considération de ce risque effectif, Jean-Louis X... avait avantage à s'assurer de l'abstention de l'administrateur;

que l'affirmation selon laquelle les versements opérés au profit de René Martin correspondraient enfin à une légitime rémunération d'actes totalement étrangers à sa mission d'administrateur, procède, comme l'ont relevé les premiers juges, d'une présentation artificielle des éléments de la cause et se trouve notamment démentie par le caractère occulte que les prévenus, chacun pour leur part, se sont employés à conférer à cette rémunération prétendument légitime, dont on retiendra que René Martin a soutenu un temps qu'il s'agissait d'une gratification sans autrement en préciser la cause ;

"alors que le délit de corruption passive n'est constitué que s'il est établi que les dons ou promesses ont été acceptés par une personne en vue d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction;

qu'en l'espèce, la corruption ne pouvait être caractérisée que s'il était démontré que René Martin avait eu pour but de ne pas engager d'action en responsabilité à l'encontre de la CRCAM de la Dordogne, favorisant ainsi ses intérêts au détriment de ceux des autres créanciers de la procédure collective dont il avait la charge ;

"que, d'une part, dans le dossier du Groupement des producteurs d'ovins de la Dordogne (GPOD), un tel dessein n'était nullement caractérisé dès lors que l'intégralité du passif du débiteur avait été réglé, qu'un jugement de clôture pour extinction du passif avait été rendu, et - comme d'ailleurs l'ont relevé les juges du fond - que René Martin avait pu faire homologuer un plan de cession pour 900 000 francs prévoyant l'abandon par la Caisse de sa créance, d'un montant de 3 600 000 francs;

qu'en entrant pourtant en voie de condamnation sans s'expliquer sur ces éléments excluant tout dessein de privilégier les intérêts de la CRCAM de la Dordogne et de nuire à celui des autres créanciers, l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de bale légale ;

"que, d'autre part, dans le dossier du redressement judiciaire de la Coopérative des éleveurs du Limousin-Périgord (CELP) le but, prêté au demandeur, d'avoir entendu s'abstenir d'engager contre la CRCAM une action en comblement du passif de la débitrice n'est pas d'avantage démontré;

qu'en effet, il résulte des propres énonciations du jugement confirmé par la cour d'appel que la totalité du passif de la débitrice avait pu être réglée et que l'achèvement des opérations avait laissé un solde positif;

que toute action en comblement de passif se trouvait donc nécessairement exclue;

qu'en se fondant, dès lors, sur le seul versement, intervenu a posteriori, d'une somme de 150 000 francs au demandeur, impropre à établir à lui seul le but poursuivi par celui-ci, les juges du fond n'ont pas caractérisé le délit de corruption passive ;

"qu'en outre, dans le dossier relatif au redressement judiciaire de la SARL Centre d'allotement de bétail Nord-Aquitaine (CABNA), les juges du fond ont expressément constaté qu'une clôture pour extinction de passif avait été prononcée, la CRCAM de la Dordogne ayant assumé à part égale avec le repreneur la charge du passif intégralement réglé;

qu'en l'état de ces constatations de nature à établir que René Martin avait agi dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers à la procédure collective, les juges du fond ont entaché à nouveau leur décision d'un défaut de base légale en retenant l'existence d'un pacte de corruption ;

"qu'enfin, s'agissant de la procédure collective de la SA Conserveries de Caville, il était constant qu'en raison de l'intervention de René Martin en vue d'obtenir l'exécution normale d'une caution dont bénéficiait ce créancier, la CRCAM avait renoncé à produire au passif sa créance d'un montant de 8 000 000 francs, ce qui avait bénéficié à l'ensemble des autres créanciers;

qu'en l'état de ces éléments, démontrant encore que René Martin avait agi dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers à la procédure, la cour d'appel n'a pu enfin, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, affirmer l'existence d'un pacte de corruption" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, qu'au cours des années 1991 et 1992, Jean-Louis X..., secrétaire général de la Caisse régionale de crédit agricole de la Dordogne (CRCAM), chargé de l'attribution de prêts aux entreprises, a, à l'insu des dirigeants de la banque, versé une somme totale de 485 000 francs, prélevée sur les fonds confiés, à René Martin, mandataire de justice, désigné dans les procédures collectives ouvertes à l'égard de plusieurs sociétés débitrices de la banque, pour éviter que soit exercée contre cette dernière une action en responsabilité fondée sur un soutien abusif apporté à ces entreprises ;

Attendu que, pour condamner Jean-Louis X... pour abus de confiance, les juges énoncent qu'il a disposé des fonds, qu'il avait mandat de gérer, à des fins étrangères à celles qui étaient prévues et qu'il poursuivait un intérêt personnel qui était de dissimuler la mauvaise gestion de son service et de le dispenser de rendre compte de sa gestion hasardeuse, de nature à ternir l'image de l'établissement bancaire et à compromettre sa situation personnelle ;

Attendu, par ailleurs, que, pour déclarer coupables Jean-Louis X... de corruption active et René Martin de corruption passive, les juges retiennent que la rémunération des services de ce dernier a été fixée par des accords conclus avant sa désignation dans chaque affaire ;

Qu'écartant l'argumentation des prévenus qui soutenaient que toute action en comblement de passif était exclue, ils relèvent que les intéressés ne sauraient se prévaloir de la clôture de certaines procédures par extinction du passif, dès lors qu'une telle issue n'était à l'origine aucunement acquise et que, de leur aveu même, la mise en cause de la responsabilité de la banque était un risque réel, de sorte qu'il importait à Jean-Louis X... de s'assurer de l'abstention de l'administrateur ;

Qu'ils ajoutent que René Martin ne saurait davantage invoquer les dispositions de l'article 27 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, selon lesquelles la qualité de mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises ne fait pas obstacle à l'exercice d'une activité de consultation dans les matières relevant de la qualification de l'intéressé, faute pour lui d'avoir fourni une telle prestation ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré coupables les prévenus ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le second moyen de cassation (subsidiaire), proposé pour Jean-Louis X... et pris de la violation de l'article 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Louis X... à la peine d'1 an d'emprisonnement avec sursis, de même qu'à payer diverses sommes au titre de l'action civile ;

"aux motifs qu'il apparaît au regard des éléments du débat que les premiers juges ont très exactement apprécié l'étendue des dommages de la partie civile dont les prévenus doivent solidairement réparation comme en a décidé le tribunal;

qu'il suffit à cet égard de relever l'existence du lien de connexité entre les délits dont ils se sont rendus respectivement coupables, le délit d'abus de confiance n'ayant été perpétré que pour procurer les moyens de commettre les délits de corruption ;

"alors que la recevabilité de l'action civile suppose que la victime ait personnellement souffert d'un dommage directement causé par l'infraction;

que la cour d'appel a cru pouvoir décider que René Martin a accepté de ne pas engager la responsabilité de la CRCAM de la Dordogne;

que faute d'avoir caractérisé le préjudice de la CRCAM de la Dordogne, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard des textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour René Martin, et pris de la violation des articles 2 et 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a reçu la CRCAM Charente-Périgord en sa constitution de partie civile, déclaré Z... Martin et Jean-Louis X..., responsables du préjudice subi par la CRCAM Dordogne, condamné Z... Martin et Jean-Louis X... à payer à la CRCAM Charente-Périgord venant aux droits de la CRCAM de la Dordogne les sommes de 150 000 francs, augmentés des intérêts légaux à compter du 22 mars 1991, 150 000 francs, augmentés des intérêts légaux à compter du 11 octobre 1991, 65 000 francs, augmentés des intérêts légaux à compter du 5 juin 1992, 120 000 francs, augmentés des intérêts légaux à compter du 9 septembre 1992, condamné in solidum Z... Martin et Jean-Louis X... à payer à la CRCAM Charente-Périgord venant aux droits de la CRCAM de la Dordogne la somme de 1 franc en réparation de son préjudice moral ;

"aux motifs propres qu'il apparaît enfin en regard des éléments du débat que les premiers juges ont très exactement apprécié l'étendue des dommages de la partie civile dont les prévenus doivent solidairement réparation comme en a décidé le tribunal;

qu'il suffit à cet égard de relever l'existence du lien de connexité entre les délits dont ils se sont rendus respectivement coupables, le délit d'abus de confiance n'ayant été perpétré que pour procurer les moyens de commettre les délits de corruption ;

"et, aux motifs adoptés, qu'ainsi qu'il a été démontré plus haut, la CRCAM de la Dordogne, personne morale dirigée par son conseil d'administration, a bien été victime d'abus de confiance de la part de Jean-Louis X..., et a subi un préjudice découlant directement des faits de corruption reprochés aux prévenus, à savoir le fait d'avoir supporté la charge d'une rémunération indue;

que le préjudice doit être chiffré au montant des sommes versées augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de versement;

que certes, les actes commis par René Martin, l'ont été dans l'optique de l'intérêt propre de la CRCAM de la Dordogne;

que toutefois, à supposer que les prévenus puissent se prévaloir d'un tel argument compte tenu de leur propre turpitude, il ne peut être constaté que seul le préjudice subi par la CRCAM de la Dordogne du fait des versements indus qu'elle a eu à subir est chiffré;

qu'aucune compensation ne saurait donc intervenir ;

"alors, d'une part, que le droit d'exercer l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction;

qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que René Martin avait commis les actes reprochés dans le but de privilégier les intérêts particuliers de la CRCAM de la Dordogne ;

que cette constatation excluait que la banque, bénéficiaire du délit de corruption passive retenu, puisse être considérée comme en ayant personnellement et directement souffert;

qu'en condamnant néanmoins René Martin à payer à la CRCAM une indemnité correspondant au montant des sommes que celle-ci lui avaient versées en rémunération des diligences précisément effectuées en sa faveur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en retenant qu'à supposer que les prévenus puissent se prévaloir de ce que les actes commis l'avaient été dans l'intérêt propre de la banque se prétendant partie civile, compte tenu de leur propre turpitude, il ne pouvait être que constaté que seul le préjudice subi par la CRCAM de la Dordogne du fait des versements indus subis était chiffré et qu'aucune compensation ne pouvait donc intervenir, les juges du fond se sont déterminés par un motif inopérant, impropre à caractériser l'existence d'un préjudice personnel et direct causé par l'infraction" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour condamner Jean-Louis X... à payer à la CRCAM, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au montant des sommes détournées et 1 franc de dommages-intérêts, en réparation de son dommage moral, les juges énoncent que la banque a subi un préjudice résultant directement de l' abus de confiance ainsi que de la corruption, du fait qu'elle a supporté la charge d'une rémunération indue;

qu'ils ajoutent que René Martin doit être tenu solidairement en raison du lien de connexité existant entre les délits dont les prévenus ont été déclarés coupables ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme, REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger, Mme Mazars conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-86623
Date de la décision : 04/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 26 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 1998, pourvoi n°96-86623


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.86623
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award