AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- WANG Sui Y..., épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, du 13 février 1997, qui, pour infractions à la législation relative aux étrangers, l'a condamnée à 1 mois d'emprisonnement avec sursis ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 111-5 du Code pénal, 19 et 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la Cour, après avoir écarté les exceptions de nullités de la défense, a reconnu le bien-fondé de la prévention de séjour irrégulier et de soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière ;
"aux motifs que l'arrêté de reconduite à la frontière est motivé tant sur le droit à la vie familiale que sur les traitements inhumains encourus en cas de retour en Chine;
que c'est à bon droit que l'arrêté critiqué a énoncé que le risque allégué n'était pas établi et qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée aux droits des grands-parents récemment arrivés en France pour visiter leur fille;
que le refus d'embarquement du 16 février 1996 suffit à établir le bien-fondé de la prévention ;
"1°) alors, d'une part, qu'en se déterminant ainsi, sans examen préalable de l'exception de nullité portant sur l'illégalité du refus de séjour qui fondait l'arrêté de reconduite à la frontière, la Cour a privé son arrêt de motifs sur le chef principal de la prévention ;
"2°) alors, d'autre part, que l'appréciation du juge répressif sur le terrain des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde doit être effective et concrète;
que, tel n'est pas le cas, quand l'acte administratif individuel argué d'irrégularité fait l'objet d'une approbation non circonstanciée;
qu'en se déterminant ainsi, le juge répressif a, derechef, méconnu sa compétence" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Sui Y...
X..., de nationalité chinoise, qui est demeurée sur le territoire français, sans avoir obtenu le statut de résident a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière qui lui a été notifié le 16 février 1996;
que, conduite à l'aéroport, le 16 avril 1996, et ayant refusé de quitter le territoire français, elle a été poursuivie devant la juridiction répressive pour s'être volontairement soustraite à l'exécution de cette mesure, ainsi que pour avoir séjourné irrégulièrement en France ;
Que, pour écarter l'exception d'illégalité de l'arrêté de reconduite à la frontière fondé sur une décision de refus de délivrance d'une carte de résident, qui serait, elle-même, illégale, les juges du second degré retiennent que cet arrêté relève, à juste titre, que la prévenue n'établit pas qu'elle serait exposée à des peines ou des traitements contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine;
que la cour d'appel constate également qu'il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressée à la vie familiale, puisqu'il s'agit d'une mère récemment arrivée en France pour rendre visite à sa fille mariée dans ce pays ;
Qu'en cet état, et dès lors que la prévention ne concernait que la période postérieure à l'arrêté de reconduite à la frontière, la cour d'appel, qui n'avait pas à étendre son contrôle de la légalité à une décision administrative antérieure, dont ne dépendait pas la solution du procès pénal, a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen, lequel ne peut ainsi qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Poisot conseiller rapporteur, MM. Guilloux, Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Le Gall, Farge, Pelletier, Mme Mazars conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;