Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 1996), que les assemblées extraordinaires des actionnaires des sociétés Hachette et Matra qui se sont tenues le 29 décembre 1992 ont adopté le projet de fusion de ces deux sociétés qui avait été signé le 25 novembre 1992 ; qu'estimant que leur vote avait été acquis par dol, MM. Z..., Malen et Font ont assigné la société Matra Hachette en demandant l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société Matra du 29 décembre 1992, par voie de conséquence, l'annulation de la fusion des sociétés Matra et Hachette et, en outre, la condamnation de la société Matra Hachette à leur payer des dommages-intérêts ; qu'à titre subsidiaire, ils demandaient qu'une mesure d'expertise soit ordonnée ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, sur le deuxième moyen, et sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, réunis :
Attendu que MM. Z..., Malen et Font reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se bornant à affirmer " qu'il était établi " qu'au jour de l'assemblée générale du 29 décembre 1992 le contrat du 18 novembre 1992 relevait du secret défense, sans énoncer les éléments sur lesquels elle se fondait et les raisons établissant que l'existence du contrat pouvait être cachée aux actionnaires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié l'insuffisance des informations qui leur ont été données et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1383 du Code Civil, ensemble l'article 360 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ; alors, d'autre part et subsidiairement, que dans sa lettre du 29 mai 1994 adressée à la société Matra Hachette, la direction générale à l'armement a seulement indiqué que le ministère de la Défense avait demandé à la société Matra de garder le secret défense " lors de la négociation avec Taïwan " tout en lui permettant de faire toujours état en cas de nécessité des " aspects économiques et financiers nécessaires à l'information de vos interlocuteurs ", ce dont il résultait, ainsi qu'ils le faisaient valoir, que le secret défense ne s'était pas opposé à ce que les actionnaires aient connaissance du contrat conclu avec Taïwan après sa conclusion le 18 novembre 1992, ainsi que de ses aspects économiques et financiers ; qu'en se bornant à affirmer le contraire sans se référer à la lettre précitée et sans tenir compte des limites que les pouvoirs publics avaient mis au secret demandé à la société Matra, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; alors, en outre, qu'en s'abstenant de rechercher comme il lui était demandé, si les actionnaires qui devaient se prononcer sur la valeur des actifs de la société Matra n'auraient pas pu être à tout le moins avisés, des seules conséquences économiques du contrat du 18 novembre 1992 et de son incidence sur l'évaluation des actifs de la société, appréciations dont elle constatait elle-même, qu'elles ne portaient pas atteinte aux exigences du secret défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1382 du Code Civil ensemble l'article 360 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, de plus, qu'en se bornant à affirmer qu'il était attesté que le contrat du 18 novembre 1992 avait bien été pris en compte, sans préciser dans quelle mesure il avait été intégré dans l'évaluation de la société Matra, la cour d'appel n'a pas légalement justifié le rejet des contestations litigieuses dont elle était saisie et qui étaient de déterminer en quoi il avait été tenu compte du contrat ; que faute de toute précision à cet égard la cour d'appel qui n'a pas davantage permis à la Cour de Cassation de déterminer le sens qu'elle a pu entendre retenir de ces attestations, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1383 du Code civil, ensemble l'article 360 de la loi du 24 juillet 1966 ;
alors, de surcroît, qu'ils ont fait valoir non seulement que les attestations invoquées étaient contraires aux propres déclarations que les intéressés avaient faites devant la COB et dans une lettre du 7 mars 1995, qu'elles étaient contredites par les circonstances imprévisibles de la conclusion du contrat du 18 novembre 1992 et qu'elles étaient démenties par la hausse ultérieure du titre Matra Hachette en bourse, mais encore que l'impossibilité attestée de tenir compte de l'acompte du contrat dans l'évaluation de la société Matra était erronée ; qu'en décidant en violation de ces contestations claires et précises de nature à justifier leurs prétentions dont elle ne pouvait dénier la réalité mais qu'elle avait le devoir de lever , que les appelants n'apportaient aucun élément propre à contredire les attestations, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de plus, qu'à l'encontre des attestations de MM. A... et Denis affirmant qu'ils avaient été dûment informés de la conclusion du contrat du 18 novembre 1992 et qu'ils avaient pu constater en temps utile avant le dépôt de leur rapport le 27 novembre 1992, que ce contrat ne faisait que confirmer les plans et prévisions antérieures et qu'il avait permis que soit " maintenue " en conséquence l'évaluation de la société Matra, résultant de ces prévisions, il avait été objecté que le montant du marché conclu le 18 novembre 1992 avait été finalement triplé par rapport aux prévisions, que MM. A... et Denis avaient eux-mêmes déclaré devant la COB n'avoir été informés que " de la forte probabilité de la conclusion d'un contrat avec Taïwan qui serait "un contrat parmi d'autres" ", que le marché extraordinaire obtenu, le 18 novembre 1992 avait permis de démentir les prévisions pessimistes faites pour 1994, que MM. Y... et X... avaient à l'inverse déclaré le 7 mars 1995, qu'afin de tenir compte du contrat ils avaient dû définir le lendemain de sa conclusion une parité d'échange nouvelle dans la partie haute de celles précédemment envisagées, et que la forte hausse boursière du titre Matra Hachette aussitôt la conclusion du contrat confirmée démontrait l'insuffisante appréciation antérieure de la branche défense ; qu'en ne procédant pas aux recherches qui lui étaient ainsi demandées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1382 du Code civil ensemble l'article 360 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, enfin, qu'à l'encontre des attestations des commissaires à la fusion affirmant qu'il ne leur avait pas été possible " de tirer la moindre conséquence " de l'impact économique de l'acompte de 3 milliard de francs reçu par la société Matra le 30 novembre 1992 en exécution du contrat du 18 novembre, il avait été objecté que la capacité bénéficiaire de cette société avait été au contraire directement affectée par cet acompte ne serait-ce qu'en raison des produits financiers générés par les placements de trésorerie ; qu'en omettant de rechercher en quoi l'évaluation de la branche défense de Matra abstraction faite de cet acompte était justifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu, en premier lieu, que, loin de se borner à une simple affirmation, ayant, par motifs adoptés, cité les documents invoqués par la société Matra Hachette à l'appui de son allégation, la cour d'appel estime, eu égard à la durée et à la nature du contrat de vente de missiles à Taïwan, qu'il était prudent et raisonnable, bien qu'il fut signé, de ne pas tenir ses effets pour définitivement et complètement acquis, en d'autres termes que la phase de " négociations " ne pouvait être tenue pour terminée au regard des intérêts sauvegardés par le " secret-défense " et relève qu'interrogé sur le contrat avec Taïwan lors de l'assemblée générale extraordinaire du 29 décembre 1992, le président de la société Matra a indiqué qu'il lui était impossible de s'exprimer sur ce point, ajoutant que les gouvernements français et taïwanais lui permettraient peut-être bientôt de s'exprimer à ce sujet ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'avait pas à refaire les évaluations contestées et à rechercher l'incidence qui devait être attribuée au contrat prétendument dissimulé mais devait, comme il le lui était demandé, vérifier si les éléments utiles pour l'évaluation des sociétés et la fixation des parités d'échange des actions avaient été fournis aux personnes qui étaient chargées d'y procéder et prises en compte par elles ainsi que par les commissaires ayant pour mission de contrôler leurs travaux et, notamment, de s'assurer que les valeurs attribuées à chaque société étaient pertinentes et le rapport d'échange équitable ; qu'ayant, par motifs propres et adoptés, analysé les attestations des uns et des autres qui indiquaient qu'ils avaient été informés de la conclusion du contrat litigieux et exposaient comment ils avaient procédé pour apprécier l'incidence de sa conclusion et de ses modalités d'exécution sur la valeur de la société Matra et la détermination de la parité d'échange des actions, elle a, au vu de ces attestations dont elle précise qu'elles corroborent les documents d'information mis à la disposition des actionnaires de la société Matra et emportent la conviction, retenu que ces éléments avaient été fournis et pris en compte ; qu'ayant, sans modifier l'objet du litige, répondu aux conclusions et justifié sa décision par ces constatations et appréciations auxquelles elle pouvait procéder sans suivre les demandeurs dans le détail d'une argumentation s'attachant aux particularités de la démarche des divers auteurs d'attestations, elle a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que les trois premiers moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que MM. Z..., Malen et Font reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un actionnaire est fondé à obtenir de la société dont il est l'associé toutes les informations nécessaires à la " résolution " des décisions qu'il est chargé de voter, sans que l'absence de preuve d'un vice de consentement puisse faire obstacle à l'exercice de ce droit ; qu'en rejetant la demande tendant à la production des documents ayant servi à évaluer la société Matra en fonction du contrat du 18 novembre 1992 afin que les appelants puissent vérifier les modalités de prise en compte dudit contrat, au prétexte inopérant qu'ils n'établissaient pas l'existence d'un vice de consentement, la cour d'appel en l'état n'a pas justifié sa décision et violé les articles 1134 et 1135 du Code civil et 376 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors que les divers documents ayant servi à évaluer la société Matra étant à la seule disposition de la société Matra Hachette, elle seule était en mesure de rapporter la preuve qu'ils mentionnaient bien le contrat du 18 novembre 1992 ; que dès lors la mesure d'instruction tendant à établir la réalité de ces faits et qui était de nature à justifier l'existence d'un vice du consentement dont il importait peu qu'il ne soit pas d'emblée prouvé, ne pouvait être imputée à une négligence des appelants dans l'administration d'une preuve dont ils ne détenaient pas les éléments nécessaires ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 146 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu, au vu des pièces produites, que les différents éléments d'information auxquels les actionnaires ont droit pour se déterminer sur un projet de fusion leur ont été fournis et que les éléments prétendument omis avaient été pris en compte dans les évaluations, la cour d'appel a pu retenir que la carence des appelants à apporter la preuve, qui leur incombait, de leurs allégations excluait qu'elle ordonne une mesure d'information ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches :
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.