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03/06/1998 | FRANCE | N°94-86014

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 1998, 94-86014


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMPAGNIE D'ASSURANCE MUTUELLE DU MANS, partie intervenant

e, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, chambre correctionnelle, en date du...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMPAGNIE D'ASSURANCE MUTUELLE DU MANS, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, chambre correctionnelle, en date du 20 septembre 1994, qui, dans les poursuites exercées contre Djamal X..., pour blessures involontaires et contraventions connexes au Code de la route, a rejeté ses exceptions de nullité du contrat d'assurance et de non-garantie ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article L. 113-8 du Code des assurances, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de nullité de la police pour fausse déclaration intentionnelle, a condamné la Mutuelle du Mans, solidairement avec Djamal X..., à indemniser les victimes de l'accident de la circulation causé par celui-ci ;

"aux motifs adoptés que la Mutuelle du Mans ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de Léon Y... lors de la souscription du contrat;

qu'il n'est pas davantage démontré que Djamal X... était conducteur habituel du véhicule ;

"et aux motifs propres que le véhicule conduit par Djamal X... était jusqu'au 29 mars 1992 la propriété de Jacky Y... qui l'a cédé ce jour à sa soeur Cathy;

qu'il est dès lors sans importance que Léon Y..., souscripteur de la police, n'ait pas déclaré son fils Jacky comme conducteur habituel dès lors qu'à la date de l'accident "Jacky Y... avait vendu ce véhicule à sa soeur déjà signalée comme conductrice habituelle du véhicule, l'assureur ne pouvant dès lors se prévaloir de l'ignorance du conducteur habituel devenu propriétaire du véhicule" ;

"1°) alors que constitue une fausse déclaration intentionnelle modifiant l'opinion de l'assureur sur le risque à assurer le fait, pour un conducteur expérimenté, de se déclarer faussement propriétaire et conducteur habituel du véhicule appartenant à et conduit par son fils, jeune conducteur, dans le but de lui éviter une majoration de prime;

qu'en l'espèce, il était établi d'une part par les déclarations et attestations de Jacky Y... que son père et lui étaient convaincus, après résiliation de sa précédente police Groupama, de faire assurer par le premier à son nom la "Golf" appartenant au second qui en était le conducteur habituel dans le but d'éviter une majoration de prime, d'autre part, que Léon Y... avait faussement déclaré, lors de la souscription, être propriétaire et conducteur habituel du véhicule;

qu'en refusant cependant de prononcer la nullité de la police en suite de cette fausse déclaration intentionnelle ayant modifié l'opinion de l'assureur sur le risque à assurer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que toute décision de justice doit être motivée ;

qu'en se bornant à affirmer que "la Mutuelle du Mans ne rapportait pas la preuve de la mauvaise foi de son assuré Léon Y... lors de la souscription du contrat" sans s'expliquer sur les déclarations de Jacky Y... produites aux débats par l'assureur, avouant une concertation entre son père et lui-même en ce sens pour le faire échapper à une majoration de primes, la cour d'appel, qui constatait par ailleurs que Jacky Y... était bien, lors de la souscription, le conducteur "régulier" du véhicule, a privé sa décision de motifs ;

"3°) alors enfin que la réticence pour fausse déclaration intentionnelle du souscripteur, de nature à changer l'objet du risque ou à en diminuer l'opinion pour l'assureur, est une cause de nullité du contrat même si le risque omis ou dénaturé est demeuré sans influence sur le sinistre;

qu'en écartant la nullité de la police au motif que Jacky Y... conducteur habituel non mentionné comme tel lors de la souscription avait, au moment de l'accident, perdu cette qualité au profit de sa soeur Catherine, acquéreur du véhicule quelques semaines auparavant et mentionnée sur la police comme conducteur occasionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité du contrat d'assurance fondée sur l'article L. 113-8 du Code des assurances, et prise de ce que Léon Y..., souscripteur régulièrement appelé en cause, se serait faussement déclaré comme le conducteur habituel du véhicule qui, en réalité, était affecté à l'usage quotidien de son fils, la juridiction du second degré relève que la preuve n'est pas rapportée que le souscripteur du contrat ait agi de mauvaise foi ;

Qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués ;

Que, le moyen qui, en sa troisième branche, critique des motifs surabondants de l'arrêt, ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 211-10 du Code des assurances, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la Mutuelle du Mans à garantir Léon Y... des conséquences de l'accident du 22 avril 1992 ;

"aux motifs que l'assureur ne démontre pas que Djamal X..., conducteur du véhicule, au jour de l'accident, en était le conducteur habituel ;

"alors qu'en se déterminant au mépris d'une clause des conditions générales de la police excluant la garantie de l'assureur au cas de conduite par un conducteur non titulaire du permis de conduire, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés" ;

Attendu que ce moyen, qui revient, pour l'assureur, à invoquer le bénéfice d'une exception de non-garantie inopposable à la victime, aux termes de l'article R. 211-13 du Code des assurances, n'est pas recevable en application de l'article 385-1 du Code de procédure pénale ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article L. 121-11 du Code des assurances, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la Mutuelle du Mans, solidairement avec Djamal X..., à indemniser les victimes de l'accident de circulation causé par celui-ci ;

"aux motifs propres et adoptés que le véhicule conduit par Djamal X... était jusqu'au 29 mars 1992 la propriété de Jacky Y... qui, à partir de ce jour, l'a cédé à sa soeur Cathy;

que Cathy Y... apparaît bien comme conductrice désignée au contrat d'assurance de telle sorte que la cession du véhicule qui lui a été faite par son frère est restée sans effet sur la garantie due par la compagnie ( jugement page 4, alinéa 3 - arrêt page 5, alinéa 3 - arrêt page 5, alinéas 5 et suivants) ;

"alors qu'en cas d'aliénation d'un véhicule terrestre à moteur, le contrat d'assurance est suspendu de plein droit à partir du lendemain, zéro heure, du jour de l'aliénation;

que cette suspension s'applique quels que soient les mobiles de l'aliénation et sans considération de la personne du cessionnaire;

qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le véhicule assuré par Léon Y... à compter du 15 novembre 1991 était la propriété de son fils Jacky Y... qui l'avait cédé, le 29 mars 1992, à sa soeur Cathy;

qu'en refusant de constater la suspension de garantie en résultant de plein droit au motif que la cessionnaire avait été mentionnée lors de la souscription, comme conducteur occasionnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article L. 121-11 du Code des assurances ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, en cas d'aliénation d'un véhicule terrestre à moteur, le contrat d'assurance est suspendu de plein droit à partir du lendemain, à zéro heure, du jour de l'aliénation ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de non-garantie invoquée par l'assureur, qui opposait la suspension du contrat consécutive à l'aliénation du véhicule, en application de l'article L. 121-11 du Code des assurances, les juges d'appel retiennent, par motifs propres et adoptés, que la cession alléguée, intervenue, avant l'accident, entre les enfants du souscripteur, n'a pas eu pour effet de suspendre la garantie, dès lors que l'acquéreur était déjà désigné au contrat comme le conducteur habituel du véhicule ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la vente, dont elle constatait l'existence, avait, quels qu'en fussent les circonstances et les mobiles, suspendu de plein droit le contrat d'assurance, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des texte et principe ci-dessus rappelés ;

Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;

Par ces motifs, CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, en date du 20 septembre 1994, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'exception de non-garantie prise de la suspension du contrat d'assurance, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Reims, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de DOUAI, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Mistral, Blondet, Ruyssen conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-86014
Date de la décision : 03/06/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) ASSURANCE - Contrat d'assurance - Exception de nullité - Fausse déclaration intentionnelle - Appréciation souveraine des juges du fond.

(Sur le deuxième moyen) ASSURANCE - Contrat d'assurance - Suspension - Cas - Véhicule terrestre à moteur - Aliénation.


Références :

Code des assurances L113-8 et L121-11

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, chambre correctionnelle, 20 septembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 1998, pourvoi n°94-86014


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:94.86014
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