La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/1998 | FRANCE | N°96-85916

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mai 1998, 96-85916


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller F..., les observations de Me Y... et de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Gaston,

- G... Marcel,

- LEVY Nelson, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'

appel de PARIS, du 25 novembre 1996, qui a renvoyé devant le tribunal correctionnel de PARI...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller F..., les observations de Me Y... et de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Gaston,

- G... Marcel,

- LEVY Nelson, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, du 25 novembre 1996, qui a renvoyé devant le tribunal correctionnel de PARIS :

- Gaston X... pour complicité du délit de tenue illicite d'une maison de jeux de hasard et corruption passive,

- Marcel G... et Nelson LEVY pour recel de sommes provenant de l'exploitation illicite d'une maison de jeux de hasard et complicité de corruption passive ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les arrêts de la Chambre criminelle des 17 juillet 1991 et 2 février 1994 portant désignation de juridiction ;

Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu que, le 26 septembre 1990, la gendarmerie de Papeete a constaté que Julien E...
D... exploitait une maison de jeux de hasard sur un terrain communal loué par son gendre à Nelson Lévy, qui l'avait loué à la commune de Pirae;

que le 30 octobre 1990, le parquet a requis l'ouverture d'une information contre Julien E...
D... et autres personnes dénommées, pour tenue illicite de maisons de jeux de hasard et complicité de ce délit ;

Attendu qu'à la suite de faits de même nature, découverts courant 1992 et 1993, le procureur de la République de Papeete, a ordonné plusieurs enquêtes préliminaires ;

Qu'au cours de l'une d'elles, Julien E...
D... a révélé avoir versé, de manière occulte, des sommes destinées à l'activité et au parti politique de Gaston X..., maire de Pirae ;

Qu'à l'issue de ces enquêtes, le parquet a présenté requête en désignation de juridiction à la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, qui, par arrêt du 2 février 1994, a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale ;

Attendu, par ailleurs, que le procureur de la République, informé de ce que Julien E...
D... avait versé des sommes en espèces à Jean A..., maire de Papeete, a présenté requête à la Chambre criminelle, qui, par arrêt du 17 juillet 1991, a désigné pour être chargée de l'instruction de cette affaire, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris qui a ordonné le 9 mai 1994 la jonction des deux procédures ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, la chambre d'accusation a rejeté les requêtes en annulation d'actes de la procédure des demandeurs et ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel, notamment de Gaston X..., Marcel G... et Nelson Lévy ;

En cet état :

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Y..., pour Gaston X..., pris de la violation de l'article 230 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, des articles 679 et suivants, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Gaston X... devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de complicité du délit de tenue illicite d'une maison de jeux de hasard et d'argent, commis par Julien E...
D..., et du chef de délit de corruption passive, après avoir rejeté la requête en annulation de la procédure RI 1-94 ;

"aux motifs que la requête présentée par le procureur de la République de Papeete le 13 décembre 1993 à la Chambre criminelle de la Cour de Cassation serait tardive au motif que Gaston X... aurait été mis en cause dès le début des enquêtes préliminaires le concernant, et qu'en conséquence, le procureur de la République aurait dû faire cesser l'enquête et présenter une requête sans délai;

qu'il convient de rappeler que les actes contestés ont été accomplis en enquêtes préliminaires successives qui ont été ordonnées par le procureur de la République de Papeete et qui se sont déroulées du 1er septembre 1992 au 11 décembre 1993;

qu'au vu des derniers développements de l'enquête, ce magistrat, ayant considéré que des éléments étaient réunis et justifiaient l'ouverture d'une information mettant en cause Gaston X..., a présenté, dans ce but, le 13 décembre 1993, requête à la Chambre criminelle pour désignation de la juridiction d'instruction;

que les dispositions de l'article 681 du Code de procédure pénale ont été respectées, puisqu'elles ne sont pas applicables à l'enquête préliminaire, destinée à permettre au procureur de la République d'apprécier l'opportunité d'engager des poursuites ;

qu'ainsi, la requête du 13 décembre 1993, préalable à toute ouverture d'information, ne saurait être considérée comme tardive (arrêt p. 21 et 22);

qu'en outre, Gaston X... considère que la procédure le concernant étant constituée d'enquêtes préalables successives est irrégulière;

mais que le procureur de la République dirige l'enquête de police judiciaire et qu'il lui appartient d'ordonner toutes les investigations qu'il juge nécessaire avant de décider si les éléments recueillis justifient ou non l'ouverture d'une information ;

qu'en l'espèce une enquête de flagrant délit a été menée par la brigade de gendarmerie de Papeete à compter du 1er septembre 1992 (CA 1 0 CA 21);

que la notion de flagrance ayant cessé, l'enquête a été poursuivie sous forme préliminaire à compter du 8 septembre 1992 (CA 22 à CA 42);

qu'elle a été transmise le 29 octobre 1992 au procureur de la République et a été suivie de deux procédures d'enquête préliminaire respectivement conduites du 16 au 28 octobre 1992 et du 4 mai au 16 août 1993;

qu'à la suite de la parution d'un article dans la presse le 5 août 1993, le procureur de la République a requis d'autres mesures de poursuite, qui lui ont été retournées après exécution le 11 décembre 1993;

que le procureur de la République a considéré alors que l'ensemble de ces procédures était de nature à justifier l'ouverture d'une information et présentait, dans ce but, la requête prévue à l'article 681 du Code de procédure pénale le 13 décembre 1993 (arrêt p. 23 et 24) ;

"alors que, premièrement, l'application de la procédure prévue à l'article 681 du Code de procédure pénale dépend de la qualité de la personne concernée et du fait qu'elle est susceptible d'être inculpée d'un crime ou d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions;

que le 1er septembre 1992, une enquête en flagrance a révélé que Julien E...
D... exploitait une maison de jeux de hasard sur un terrain loué à la commune de Pirae, qui percevait un important loyer à raison de cette activité;

que dès le 8 septembre 1992, les investigations ont été poursuivies sous forme d'enquêtes préliminaires;

que dès lors la responsabilité de Gaston X..., maire de cette ville, était susceptible d'être engagée;

qu'en décidant que le procureur de la République n'était pas tenu de présenter une requête en désignation de juridiction, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;

"alors que, deuxièmement, l'ouverture de l'information n'appartient qu'au procureur général près la cour d'appel désignée ;

qu'en décidant que le procureur de la République est seul maître de l'opportunité des poursuites, même s'il était incompétent du seul fait que Gaston X... pris en sa qualité, était susceptible d'une inculpation, la chambre d'accusation a violé l'article 681, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;

"alors que, troisièmement, et en toute hypothèse, le procureur de la République n'est compétent que pour l'accomplissement d'actes de poursuites urgents;

qu'en décidant qu'il pouvait néanmoins requérir trois enquêtes préliminaires après une enquête en flagrance, la chambre d'accusation a encore violé les textes susvisés ;

"alors que, quatrièmement et en tout cas, dès que la chambre d'accusation désignée est informée de ce qu'une personne ayant les qualités visées à l'article 681 du Code de procédure pénale est susceptible d'être inculpée sur le fondement de la complicité de l'auteur de l'infraction poursuivie ou au titre d'une infraction connexe, le procureur de la République doit saisir la Chambre criminelle d'une nouvelle requête;

qu'à l'audition des 23 et 27 septembre 1993 Li D... a informé Mme Anzani président de la chambre d'accusation désigné afin d'informer dans la procédure numéro RI 21-91, que Gaston X... était susceptible d'être inculpé de diverses infractions ou pour complicité aux infractions pour lesquelles il était lui-même poursuivi ;

que la Chambre criminelle n'ayant pas été saisie sans délai, l'arrêt a été rendu par une juridiction incompétente" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi, pour Marcel G... et Nelson Lévy, pris de la violation de l'article 681 du Code de procédure pénale, des articles 485, 593 du même Code ;

"en ce que la décision attaquée a refusé d'annuler la procédure poursuivie pour des faits commis en 1992 et certains faits commis de 1990 à 1994;

en raison de la qualité tant de Gaston X... maire de Pirae et président du territoire de la Polynésie Française ;

"aux motifs en substance que Gaston X... soutient que la requête présentée par le procureur de la République de Papeete le 13 décembre 1993 à la Chambre criminelle de la Cour de Cassation serait tardive au motif que Gaston X... aurait été mis en cause dès le début des enquêtes préliminaires et qu'en conséquence le procureur de la République aurait dû faire cesser l'enquête et présenter requête sans délai;

que Gaston X... ne pouvait qu'être impliqué dans le déroulement de l'infraction dès le 1er septembre 1992;

qu'il convient de rappeler que les actes contestés ont été accomplis en enquêtes préliminaires successives qui ont été ordonnées par le procureur de la République de Papeete et qui se sont déroulées du 1er septembre 1992 au 11 décembre 1993;

qu'au cours des derniers développements de l'enquête ce magistrat, ayant considéré que des éléments étaient réunis et justifiaient l'ouverture d'une information mettant en cause Gaston X..., a présenté dans ce but, le 13 décembre 1993, requête à la Chambre criminelle pour la désignation de la juridiction d'instruction;

que les dispositions de l'article 679 du Code de procédure pénale ont été respectées dans la mesure où elles ne sont pas applicables à l'enquête préliminaire;

que l'obligation faite au procureur de la République de présenter sans délai une requête à la Chambre criminelle ne s'impose pas à ce magistrat lors de l'enquête à laquelle il fait procéder préalablement à la mise en mouvement de l'action publique ;

"alors que si l'obligation de présenter requête en vertu de l'article 681 du Code de procédure pénale alors en vigueur ne s'appliquait pas au cours de l'enquête préliminaire, il en était autrement lorsque l'enquête préliminaire avait été prolongée pour éviter de procéder à l'ouverture d'une information et qu'il y avait eu ainsi un détournement de procédure;

qu'en l'espèce actuelle, les juges du fond devaient impérativement rechercher si l'ouverture d'une série de procédures d'enquête préliminaire n'a pas eu précisément pour but d'éviter l'ouverture d'une information qui aurait obligé le ministère public à présenter une requête à la Cour de Cassation en vue de désigner la juridiction compétente;

qu'il en est d'autant plus ainsi qu'en l'espèce actuelle il résulte de l'arrêt (cf. arrêt p. 8) qu'une procédure de flagrant délit avait eu lieu qui avait établi des faits susceptibles d'être qualifiés de tenue illicite d'une maison de jeux de hasard - à supposer que le délit soit susceptible d'être réprimé - qu'il résultait de cette procédure, l'intervention de la mairie de Pirae et de Marcel G... adjoint au maire de Pirae, donc élu municipal au sens de l'article 681 du Code de procédure pénale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi, pour Marcel G... et Nelson Lévy, pris de la violation de l'article 681 du Code de procédure pénale, des articles 485, 593 du même Code ;

"en ce que la décision attaquée a refusé d'annuler la procédure en raison du caractère tardif de la saisine de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, laquelle, ainsi que cela résulte de l'arrêt attaqué, a été saisie le 13 décembre 1993 seulement une requête visant notamment Gaston X... et Marcel G... ;

"aux motifs, en substance que Gaston X... soutient que la requête présentée par le procureur de la République de Papeete le 13 décembre 1993 à la Chambre criminelle de la Cour de Cassation serait tardive au motif que Gaston X... aurait été mis en cause dès le début des enquêtes préliminaires, et qu'en conséquence le procureur de la République aurait dû faire cesser l'enquête et présenter requête sans délai;

qu'il ne pouvait qu'être impliqué dans le déroulement de l'infraction dès le 1er septembre 1992;

qu'il convient de rappeler que les actes contestés ont été accomplis en enquêtes préliminaires successives qui ont été ordonnées par le procureur de la République de Papeete et qui se sont déroulées du 1er septembre 1992 au 11 décembre 1993;

qu'au vu des derniers développements de l'enquête, ce magistrat, ayant considéré que des éléments étaient réunis et justifiaient l'ouverture d'une information mettant en cause Gaston X..., a présenté dans ce but, le 13 décembre 1993, requête à la Chambre criminelle, pour la désignation de la juridiction d'instruction;

que les dispositions de l'article 679 du Code de procédure pénale ont été respectées dans la mesure où elles ne sont pas applicables à l'enquête préliminaire;

que l'obligation faite au procureur de la République de présenter sans délai une requête à la Chambre criminelle ne s'impose pas à ce magistrat lors de l'enquête à laquelle il fait procéder préalablement à la mise en mouvement de l'action publique ;

"alors qu'il résulte de la décision attaquée qu'une information avait été ouverte le 30 octobre 1990 par le procureur de la République de Papeete contre les organisateurs et complices y compris Nelson Lévy du chef de tenue d'une salle de jeux de hasard dans un lieu ouvert au public;

qu'il résulte de l'arrêt que la location avait été consentie par la commune de Pirae dont le maire était Gaston X... avec faculté de sous-location;

que la décision attaquée devait donc rechercher si dès cette époque, et dans le cadre de l'information, Gaston X... n'était pas susceptible d'être inculpé d'un délit" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que Julien E...
D..., entendu les 23 et 27 septembre 1993 dans le cadre d'une enquête préliminaire, a révélé avoir versé, de manière occulte, entre 1990 et 1992, de nombreuses sommes destinées à Gaston X..., maire de la commune de Pirae, afin de conserver le monopole des jeux dans cette ville ;

Qu'à l'issue des investigations, ce magistrat a présenté requête en désignation de juge d'instruction à la Chambre criminelle, qui, par arrêt du 2 février 1994, a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation d'actes de la procédure fondée sur la saisine tardive de la Chambre criminelle, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en statuant ainsi et dès lors que les faits reprochés à Gaston X... ne sont apparus qu'en septembre 1993, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, l'obligation de saisir la Chambre criminelle d'une requête en désignation d'une juridiction d'instruction ou de jugement, n'est pas applicable lors de l'enquête préalable à la mise en mouvement de l'action publique ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Y..., pour Gaston X..., pris de la violation de l'article 230 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, des articles 203, 210, 681 et suivants, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les requêtes en nullité et a renvoyé Gaston X... devant le tribunal correctionnel, dès lors qu'il résulte de l'information des charges suffisantes à son encontre de s'être rendu complice du délit de tenue illicite d'une maison de jeux de hasard et d'argent et d'avoir commis le délit de corruption passive, étant maire de Pirae, en sollicitant ou recevant de Julien LI D... des sommes destinées à son parti politique, l'ensemble de ces faits ayant été commis courant 1990, 1991 et jusqu'en septembre 1992 ;

"alors que, premièrement, aux termes de l'article 230 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, ultérieurement modifié, les dispositions des articles 679 et suivants du Code de procédure pénale sont restées en vigueur dans le territoire d'Outre-Mer de la Polynésie Française jusqu'au 1er mars 1996;

qu'étant saisie in rem et in personam par l'arrêt de désignation de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation en application de l'article 681 du Code de procédure pénale de deux procédures visant des personnes distinctes auxquelles sont reprochés des faits distincts, une chambre d'accusation n'a pas compétence pour ordonner la jonction de ces procédures;

que par arrêt du 17 juillet 1991, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a désigné la chambre d'accusation de Paris afin d'instruire des faits imputables à M. B..., maire de la commune de Papeete, et que par arrêt du 2 février 1994, la même juridiction a été désignée pour instruire des faits concernant Gaston X..., maire de la commune de Pirae ;

qu'après avoir ordonné la jonction de ces deux procédures, la chambre d'accusation a délivré diverses commissions rogatoires visant des faits reprochés à Gaston X... et a renvoyé ce dernier devant le tribunal correctionnel de Paris;

que l'arrêt attaqué a été rendu par une juridiction incompétente ;

"alors que, deuxièmement, et en toute hypothèse, la jonction de deux procédures prises en application de l'article 681 du Code de procédure pénale ne peut être prononcée par la chambre d'accusation désignée, que si les infractions reprochées aux personnes visées par ce texte sont connexes;

que la procédure RI 21-91 concerne des faits imputés à M. B... commis de 1986 à 1988 sur le territoire de la commune de Papeete, tandis que la procédure RI 1-94 vise des faits concernant Gaston X... commis de 1990 à 1992 sur le territoire de la commune de Pirae, sans qu'aucun lien entre ces deux séries de faits ne soit constaté;

qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu, après jonction de ces procédures, par une juridiction incompétente ;

"alors que, troisièmement, deux infractions ne sont pas connexes par le seul fait qu'elles ont été commises successivement par la même personne;

que les procédures RI 21-91 et RI 1-94 portent sur la tenue de maison de jeux de hasard par Julien E...
D... de 1986 à 1988 à Papeete et de 1990 à 1992 à Pirae;

que faute de connexité entre ces infractions, l'arrêt attaqué a été rendu, après jonction, par une juridiction incompétente" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la Chambre criminelle a, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale, désigné comme juridiction d'instruction la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris pour instruire, d'une part, les faits de complicité de tenue d'une maison de jeux de hasard et de corruption passive susceptibles d'être reprochés à Gaston X..., d'autre part, des faits de complicité de tenue de maison de jeux de hasard pouvant être reprochés à Jean B... ;

Attendu que, par arrêt du 9 mai 1994, la chambre d'accusation a ordonné la jonction des deux procédures, en raison de leur connexité ;

Attendu que, cet arrêt étant devenu définitif, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Me Y..., pour Gaston X..., pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 7.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 1, 5, 7 et 9 de la loi du 21 mai 1836, des articles 1, 5 et 6 de la loi du 12 juillet 1983, des articles 1 et suivants du décret n° 87-264 du 13 avril 1987, de l'article 40-31° du décret n° 57-182 du 22 juillet 1957, "portant institution du conseil du gouvernement et extension des attributions de l'assemblée territoriale dans les établissements français d'Océanie", des articles 1 et suivants de la loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 et des articles 1 et suivants de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie Française, de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie Française, de l'article 410 du Code pénal tel qu'il était en vigueur à l'époque des faits, des articles 111-4 et 122-3 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Gaston X... devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de complicité du délit de tenue illicite d'une maison de jeux de hasard et d'argent, commis par Julien E...
D... ;

"aux motifs que Gaston X... soutient que l'interdiction édictée à l'article 410 du Code pénal ne s'appliquait pas avec toute sa rigueur en Polynésie et que les dispositions reprises dans le nouveau Code pénal applicable en Polynésie Française depuis l'ordonnance du 28 mars 1996, exclut le territoire de leur domaine d'application;

que le délit de tenue d'une maison de jeux de hasard était prévu et réprimé de la façon suivante : la loi du 21 mai 1836 interdit les loteries de toute espèce, l'article 410, alinéa 1er, du Code pénal interdisait également toute maison de jeux non autorisée par la loi et la tenue sur la voie publique de tous jeux de hasard non autorisés par la loi, les articles 5 et 7 de la loi du 21 mai 1836 et l'article 1er, alinéa 4 de la loi du 12 juillet 1983 prévoyait certaines exceptions, notamment à l'occasion, pendant la durée et dans l'enceinte des fêtes foraines ;

qu'un décret pris en Conseil d'Etat du 13 avril 1987 précisait que ces dérogations n'étaient accordées que sous réserve que les lots soient en nature, que la mise unitaire n'excède pas 10 francs et que les lots proposés n'excèdent pas en valeur trente fois le montant de la mise unitaire;

qu'en ce qui concerne la Polynésie Française, le décret n° 57-182 du 22 juillet 1957 prévoyait en son article 40-31° que l'assemblée territoriale prend des délibérations portant réglementation territoriale en matière de "bienfaisance, aide sociale, assistance, secours, et allocation, loterie";

qu'il résulte des lois du 12 juillet 1977 et du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie Française que le droit pénal est de la compétence de l'Etat et que les autorités du territoire sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas réservées à l'Etat;

qu'il en résulte que les dispositions pénales résultant de l'article 410 ainsi que des lois du 21 mai 1836 et du 12 juillet 1983 étaient applicables en Polynésie Française lors des faits;

que l'avis du tribunal administratif de Papeete du 11 septembre 1992 a été donné en réponse à une question relative à l'étendue de la compétence dévolue au territoire en matière d'autorisation de réglementation des jeux faisant appel au hasard;

que cette juridiction considérait que la loi statutaire de 1984 avait voulu instituer au profit de la Polynésie Française une dérogation à la règle posée par l'article 410 du Code pénal, selon laquelle les activités de jeux de hasard sont autorisés par la loi;

qu'il résulte de cet avis, conformément à un avis donné le 8 décembre 1993 par le Conseil d'Etat, que l'article 410 du Code pénal rendu applicable en Polynésie Française par l'article 1er de la loi du 27 juin 1983 pose le principe de l'interdiction des jeux de hasard auquel il ne peut être dérogé que dans les conditions prévues par la loi et définit ainsi le droit général en la matière;

qu'il ne saurait être soutenu que jusqu'à cet avis, il était admis que l'interdiction posée par l'article 410 ne s'appliquait pas en Polynésie Française dans toute sa rigueur;

qu'aucune dérogation n'avait été accordée par l'autorité chargée du pouvoir réglementaire, en l'espèce l'assemblée territoriale, et qu'il résulte des conventions de bail octroyées par les municipalités que celles-ci, sous réserve des autorisations réglementaires, autorisaient exclusivement l'exploitation de jeux de hasard avec lots en nature;

qu'ainsi, les jeux pratiqués étaient illicites et tombaient sous le coup de l'article 410 du Code pénal;

que depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, les dispositions applicables sont les suivantes;

que l'ordonnance du 28 mars 1996 a rendu applicables dans les territoires d'Outre-Mer les dispositions du nouveau Code pénal, ainsi que les dispositions d'adaptation;

que la loi de 1836 et l'article 410 de l'ancien Code pénal sont insérés dans l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983;

qu'ainsi, les loteries de toute espèce sont prohibées, sauf exception dans les enceintes foraines, le décret pris en Conseil d'Etat du 9 mai 1995 reprenant les termes du décret de 1987;

que l'ordonnance d'adaptation à la Polynésie Française du 28 mars 1996 pose que les loteries proposées à l'occasion, pendant la durée et dans l'enceinte des fêtes foraines ou des fêtes traditionnelles sont exceptées des dispositions des articles 1 et 2 de la loi du 21 mars 1836 et des dispositions des articles 1 et 2 de la loi du 12 juillet 1983;

qu'ainsi, il appartient à l'autorité réglementaire locale de préciser les conditions d'application de ces dérogations;

que par une délibération du 21 juin 1996, l'assemblée territoriale a réglementé la pratique des jeux de hasard proposés à l'occasion des fêtes foraines et qu'elle précise notamment que les dates et les lieux devront être fixés par décret pris en conseil des ministres, de même que les conditions de fond et de forme dans lesquelles les demandes d'autorisation devront être formulées;

que contrairement à ce que soutient Gaston X..., les jeux de hasard pendant les périodes des fêtes foraines ou traditionnelles ne sont pas dépénalisés ipso facto;

qu'en outre, Julien E...
D... a exploité des maisons de jeux de hasard pendant des périodes dépassant la période réservée aux fêtes foraines, prévue du 15 juin au 30 août ;

"alors que, premièrement, toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement les comportements prohibés;

que la réglementation actuelle des jeux de hasard en Polynésie Française, et remplaçant l'ancienne réglementation, résulte de deux textes de loi - la loi du 21 mai 1836 et la loi du 13 juillet 1983 modifiés par l'ordonnance n° 96-267 du 28 mars 1996 et par la loi de ratification n° 96-1240 du 30 décembre 1996 -, de la délibération de l'assemblée territoriale du 21 juin 1996 et d'un arrêté du conseil des ministres;

que la réglementation relève de la compétence de l'Etat, de l'assemblée territoriale et du conseil des ministres;

que si la réglementation repose sur un principe d'interdiction, elle prévoit des exceptions dont la définition appartient à diverses autorités, et donc diverses sources de droit;

que dès lors, l'infraction n'est pas énoncée en termes clairs et précis et ne peut être sanctionnée ;

"alors que, deuxièmement, tant l'article 9 de la loi du 21 mai 1836 que l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983, dans leur rédaction actuelle, posent une exception à la prohibition pendant la durée des fêtes traditionnelles;

que faute de définir la durée de ces fêtes, l'incrimination n'est pas précise et ne peut justifier le renvoi de Gaston X... devant le tribunal correctionnel ;

"alors que, troisièmement, l'erreur de droit inévitable est cause d'irresponsabilité;

qu'eu égard à la complexité de la réglementation des jeux de hasard, qui ménageait d'importantes dérogations aux contours incertains, et eu égard à l'avis du tribunal administratif de Papeete du 11 septembre 1992, rendu sur saisine du président du gouvernement du territoire de la Polynésie Française, énonçant que l'article 410 du Code pénal en vigueur à cette époque n'était pas applicable en Polynésie Française, Gaston X... a commis une erreur de droit inévitable en ce qui concerne l'interdiction des jeux de hasard" ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Me Y..., pour Gaston X..., pris de la violation des articles 10-1 de loi n° 92-556 du 25 juin 1992, 28 et suivants de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, 11 à 11-9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, L. 52-4, L. 52-8 et L. 327 du Code électoral, de l'article 177 du Code pénal, tel qu'il était applicable à l'époque des faits, de l'article 432-11 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que, l'arrêt attaqué a renvoyé Gaston X... devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de corruption passive, étant maire de Pirae, en sollicitant ou recevant de Julien E...
D..., au profit de son parti politique, des sommes d'argent contre l'autorisation pour celui-ci d'exploiter une maison de jeux de hasard et d'argent sur un terrain loué par la municipalité ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier de sérieuses présomptions selon lesquelles Julien E...
D... a rétribué la mise à sa disposition du terrain sur lequel il organisait ses tripots, au demeurant fort lucratifs, non seulement par des loyers destinés en principe à la commune et dont toutes les traces n'ont pas été retrouvées, mais également par des remises d'argent importantes, notamment au profit du parti qui, selon les déclarations de Nelson Lévy, avait reçu du seul Julien E...
D... pour la période considérée, la moitié des dons;

qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que Julien E...
D... aurait effectué ces dons par simple solidarité à l'égard des activités politiques de Gaston X...;

qu'il finançait ainsi l'octroi du terrain et les tolérances administratives grâce auxquelles il pouvait faire fonctionner de façon très lucratives ses tripots ;

"alors que, premièrement, l'article 10-1 de la loi du 25 juin 1992 a fixé au 1er mai 1993 l'entrée en vigueur en Polynésie Française les dispositions relatives à la clarification du financement des partis politiques;

qu'en retenant des charges à l'égard de Gaston X... au titre du financement de son parti politique, la chambre d'accusation a violé ces textes par fausse application ;

"alors que, deuxièmement, le délit de corruption postule un enrichissement quelconque de la personne investie d'un mandat électif;

que les sommes d'argent provenant des maisons de jeux de Julien E...
D... étaient destinées au parti politique de Gaston X... et non à ce dernier;

qu'en le renvoyant sous la charge de corruption passive, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;

"alors que, troisièmement, le délit de corruption suppose qu'une personne investie d'un mandat électif soit invitée à faire ou à s'abstenir de faire un acte de ses fonctions;

que Gaston X... a été autorisé par délibération du conseil municipal de la ville de Pirae du 20 mars 1990 à louer les terres communales;

que Julien E...
D... a, soit sous-loué un terrain précédemment loué à la radio Maohi, soit sous-loué un terrain déjà loué à M. C..., qui a bénéficié de l'entremise de Marcel G..., membre du conseil municipal;

que faute d'avoir constaté que Gaston X... a été invité par Julien E...
D..., directement ou indirectement, à conclure ces baux, la chambre d'accusation ne pouvait le renvoyer devant le tribunal correctionnel du chef de corruption" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Ryziger et Bouzidi pour Marcel G... et Nelson Lévy, pris de la violation des articles 59 et 60, 461 de l'ancien Code pénal, de l'article 177 dudit Code, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la décision attaquée a renvoyé les demandeurs devant le tribunal correctionnel pour y répondre du délit de complicité du délit de corruption passive reproché à Gaston X... "aux motifs qu'en ce qui concerne Marcel G... qu'étant secrétaire du parti politique de Gaston X... et en ce qui concerne Nelson Lévy étant trésorier dudit parti, ils se seraient rendus sciemment complices de corruption passive commis par Gaston X..., maire de Pirae, en sollicitant ou recevant de Julien E...
D... des sommes d'argent versées en contrepartie de l'autorisation d'exploiter une maison de jeux de hasard ;

"alors, d'une part, que le délit de corruption ne peut être retenu dans le cas où le fonctionnaire se fait payer pour accomplir un acte ou s'en abstenir lorsque cet acte échappe à ses fonctions;

que l'autorisation de tenir une maison de jeux de hasard ou d'établir des loteries ne relève en aucun cas du maire;

qu'à supposer que Gaston X... ait accepté des sommes pour autoriser l'ouverture d'une maison de jeux, le fait d'accepter de pareilles sommes ne pouvait constituer le délit de corruption passive, de telle sorte que les demandeurs ne pouvaient être renvoyés devant le tribunal comme complices d'un tel délit ;

"alors, d'autre part, que le délit de corruption suppose un enrichissement de la part de la personne investie d'un mandat électif ou du fonctionnaire;

qu'il résulte de la décision attaquée que les dons reçus par Gaston X... étaient destinés à son parti, qu'ils ne représentaient pas un enrichissement et ne constituaient donc pas l'élément matériel du délit de corruption passive" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les moyens se bornent à critiquer les énonciations de l'arrêt attaqué relatives aux charges que la chambre d'accusation a retenues contre les prévenus et les qualifications qu'elle a données aux faits poursuivis;

que, ces énonciations ne contenant aucune disposition définitive que le tribunal n'aurait le pouvoir de modifier, les moyens sont irrecevables en application de l'article 574 du Code de procédure pénale ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, MM. Roman, Aldebert, Grapinet, Blondet, Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-85916
Date de la décision : 27/05/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, 25 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mai. 1998, pourvoi n°96-85916


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.85916
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award