AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par le Crédit industriel et commercial (CIC) de Paris, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 octobre 1994 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section B), au profit :
1°/ de Mme Estelle Z..., demeurant ...,
2°/ de M. X..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Marais Beaubourg, demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
EN PRESENCE de M. Y..., pris en sa qualité de séquestre judiciaire, demeurant ... ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 31 mars 1998, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat du CIC de Paris, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 14 octobre 1994), qu'à l'occasion d'une promesse de cession de bail qui lui a été consentie, sous diverses conditions suspensives, par la société Marais-Beaubourg, le Crédit industriel et commercial (le CIC) a versé à Mme A..., désignée par les parties en qualité de séquestre, une certaine somme à titre d'acompte sur le prix;
qu'après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la société Marais-Beaubourg, le bail dont bénéficiait cette société a été résilié de sorte que la promesse de cession est devenue caduque;
que le CIC a demandé la restitution de l'acompte versé;
que M. Y... ayant été désigné, en cours de procédure, séquestre des fonds qui lui ont été remis par Mme A..., le CIC a demandé que M. Y... soit condamné à les lui restituer ;
Attendu que le CIC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, que la défaillance de la condition suspensive empêche l'obligation de prendre naissance et entraîne la restitution de la somme versée à titre d'acompte puisque la caducité du contrat empêche définitivement toute exécution;
qu'en opposant au CIC l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a méconnu les principes régissant les conditions suspensives et violé l'article 1181 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant énoncé, à bon droit, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement ouvrant la procédure collective emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement à cette décision, la cour d'appel en a exactement déduit que le CIC ne saurait échapper à cette règle d'ordre public au motif que la convention est réputée n'avoir jamais existé du fait de la non-réalisation de la condition suspensive, dès lors que la demande en restitution est fondée sur une cause antérieure au jugement d'ouverture et que le CIC ne peut, en tentant d'obtenir un paiement préférentiel, échapper à la règle de l'égalité des créanciers;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le CIC de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le CIC de Paris à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Grimaldi, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement de Mme le président empêchée, en l'audience publique du vingt-six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.