AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de Me THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle Jean-Pierre GHESTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, chambre spéciale des mineurs, du 5 décembre 1996, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de destruction du bien d'autrui par substance incendiaire et blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 223-1 et L. 223-2, alinéa 3, du Code de l'organisation judiciaire, 13 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 et 592 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt mentionne que le ministère public "n'a formulé aucune réquisition quant au litige purement civil restant soumis à la cour d'appel" (cf. page 7, 2) ;
"alors que le ministère public, partie intégrante et nécessaire de la chambre spéciale de la cour d'appel chargée des mineurs, doit être entendu, à peine de nullité, en ses réquisitions, même dans une poursuite où les intérêts civils restent seuls en cause" ;
Attendu que l'arrêt attaqué, qui constate la présence aux débats du ministère public, non appelant de la décision de relaxe des prévenus au nombre desquels figurait le demandeur, mentionne que son représentant n'a formulé aucunes réquisitions quant au litige, purement civil, restant soumis à la cour d'appel ;
Qu'il s'induit de ces énonciations que la parole a été donnée au ministère public et que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 435, alinéa 1, 320 de l'ancien Code pénal, 322-6, 322-19 du Code pénal, 13 et suivants de l'ordonnance du 2 février 1945, 1382, 1384, alinéa 4, du Code civil, 2, 3, 485, 512 du Code de procédure pénale, 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X..., solidairement avec ses parents, M. et Mme Serge X..., déclarés civilement responsables, et deux autres prévenus mineurs ainsi que leurs parents, à dommages-intérêts envers la commune de la Chapelle-en-Serval, et à réparer le préjudice corporel d'André Michel Laroche ;
"aux motifs 1°) que : (...) à l'audience du tribunal pour enfants, le 28 avril 1994, S... et X... ont admis avoir mis le feu au champ, mais début juillet 1991, tandis que A..., sans autre précision, contestait la date de l'incendie;
à l'audience des débats d'appel, le seul prévenu présent, A..., changeant encore de version, a précisé que le feu, qu'il avait, avec ses deux amis, allumé, avait eu lieu après le 21 août 1991;
il convient de noter que, si, à l'audience du tribunal pour enfants, les époux S... avait déclaré que, le 21 août 1991, ils étaient à Creil, et que les D. ont admis qu'à cette date, eux-mêmes et A... étaient chez eux, à Marly-la-Ville, les époux X... ont soutenu qu'avec leur fils, ils étaient, le 21 août 1991, en vacances en Bretagne, et qu'ils versent aux débats d'appel une attestation, datée du 22 janvier 1996, de dame B. (selon laquelle X... se trouvait, avec sa famille, à Corseul (Côtes d'Armor), du 18 août au 2 septembre 1991);
de ce qui précède, la cour d'appel estime cohérent de déduire que les aveux des trois prévenus, quant à leur participation à l'incendie du 21 août 1991, sont l'expression de la vérité, et qu'ainsi, c'est à tort que leur culpabilité individuelle n'a pas été retenue par le tribunal pour enfants, et écarte l'attestation de dame B., dont la rédaction, 4 ans après les faits, ne peut être démonstrative ;
"alors que, en l'état des contradictions dans les déclarations des trois prévenus mineurs, dont les souvenirs étaient demeurés confus et imprécis, notamment quant à la date de l'incendie, de l'absence de tout élément objectif de nature... à accréditer la prévention, et de l'attestation de Mme B. établissant qu'au moment des faits, le jeune X... se trouvait avec sa famille en Bretagne et ne pouvait donc avoir participé auxdits faits perpétrés en région parisienne, il demeurait à tout le moins un doute sur la culpabilité de ce dernier ;
"aux motifs 2°) que la cour d'appel réformera donc la seule disposition civile du jugement déféré, remise en cause devant elle, sur les appels des deux parties civiles et dira recevable et fondée, la constitution de partie civile de Michel Laroche (pompier, gravement brûlé dans l'incendie, sur lequel il était intervenu le 21 août 1991), et de la commune de la Chapelle-en-Serval (propriétaire du véhicule de secours, détruit par le feu, alors que André Michel Laroche tentait de l'en éloigner) ;
"alors que seul peut donner lieu à réparation le préjudice directement causé par l'infraction;
que constitue un préjudice indirect ne découlant pas directement de l'infraction de détérioration volontaire de bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire, le dommage corporel subi par un sapeur pompier lors de son intervention sur les lieux de l'incendie" ;
Attendu que X... a été poursuivi des chefs d'incendie volontaire et de blessures involontaires sur la personne de Michel Laroche, blessé alors qu'il luttait contre l'incendie;
qu'il a été renvoyé des fins de la poursuite par le tribunal pour enfants ;
Attendu que, pour déclarer X..., sur les appels des parties civiles responsable des blessures subies par le sapeur pompier Michel Laroche et de la destruction du véhicule de secours appartenant à la commune de la Chapelle-en-Serval, les juges du second degré retiennent que le mineur et ses camarades ont reconnu tant au cours de l'enquête préliminaire que devant le juge d'instruction, leur participation individuelle aux faits poursuivis;
que ni les mineurs en cause ni leurs parents n'ont contesté la réalité et l'importance du préjudice subi par ladite commune, ni l'opportunité d'évaluer, par expertise, les éléments du préjudice corporel de Michel Laroche ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que les parties civiles ont été personnellement victimes de l'incendie volontairement allumé par X... et ses camarades et que leur préjudice est, dès lors, directement lié aux faits de la poursuite et à la faute retenue à leur charge, la cour d'appel a justifié sa décision;
d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Grapinet conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;