AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 décembre 1995 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), au profit de M. Améziane X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Lanquetin, conseillers, Mme Barberot, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de M. Y..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que M. Y... a engagé M. X..., le 1er juillet 1992, pour tenir le bar-discothèque dont il était propriétaire;
qu'il a procédé à son licenciement pour faute grave le 30 juillet 1993 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 6 décembre 1995) d'avoir retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, en premier lieu, que le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués au soutien d'un licenciement, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toute mesure d'instruction qu'il estime utile, sans que la charge de la preuve n'incombe spécialement à l'une des parties;
que, pour infirmer le jugement entrepris et retenir que le licenciement de M. X... devait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui déclare qu'elle ne peut que constater qu'aucun document, aucune attestation, aucun témoignage ne sont produits par l'employeur pour apporter la preuve des griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement ou pour permettre d'en vérifier la réalité et que n'est pas plus démontrée par l'employeur la carence de M. X... dans la remise du courrier, a fait supporter l'intégralité de la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement sur le seul employeur, en violation des dispositions de l'article L. 122-14-3° du Code du travail;
et alors, en second lieu, d'une part, que pour retenir le caractère réel et sérieux du licenciement, les premiers juges avaient constaté qu'il était démontré que M. X... avait commis des fautes en ne faisant pas suivre le courrier qu'il recevait pour le "Petit Prince" afin que l'employeur, hospitalisé, ait connaissance des affaires courantes de l'entreprise;
qu'en se contentant d'affirmer que n'est pas plus démontrée la carence supposée de M. X... dans la remise du courrier à son ex-employeur pour en déduire que le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse sans préciser d'où il ressortait que n'était pas démontrée la carence de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile;
et alors, d'autre part, que lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne doit faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée;
qu'il doit nécessairement motiver sa décision dès lors qu'il réforme la décision de première instance ayant accueilli les demandes de l'intimé défaillant;
qu'en l'espèce, les premiers juges ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, M. X... recevant le courrier pour l'établissement "Le Petit Prince" n'ayant pas fait suivre ce courrier afin que l'employeur, hospitalisé, ait connaissance des affaires courantes de l'entreprise, la cour d'appel, qui se contente péremptoirement d'affirmer que n'est pas plus démontrée la carence supposée de M. X... dans la remise du courrier à son ex-employeur pour réformer le jugement entrepris, a violé les articles 455 et 472 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sans mettre la preuve à la charge de l'employeur et sans fonder sa décision sur la non-comparution de celui-ci en cause d'appel, la cour d'appel a constaté que les faits reprochés au salarié n'étaient pas établis;
que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.