AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Eris Restauration, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 novembre 1995 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), au profit de Mme Ouiza X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Lanquetin, conseillers, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Eris Restauration, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., au service de la société Eris Restauration depuis le 11 décembre 1989 en qualité d'employée polyvalente, en dernier lieu responsable de secteur, a été licenciée le 28 janvier 1994 ;
Attendu que la société Eris Restauration fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 9 novembre 1995) d'avoir dit que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que la dénonciation de Mme Y... selon laquelle sa collègue, Mme X... a prétendu que le cambriolage du 31 juillet 1993 dont a été victime l'employeur avait été un coup monté par son supérieur hiérarchique nommément désigné et que les vols d'argent effectués dans les caisses durant les mois de novembre et décembre avaient été commis par un autre de ses collègues également nommément désigné constitue une dénonciation circonstanciée;
qu'en déclarant que la société Eris Restauration s'est hâtée de mettre à l'écart Mme X... qui avait donné entière satisfaction dans toutes ses fonctions à la suite de la dénonciation non circonstanciée de quatre de ses subordonnées, la cour d'appel qui a dénaturé la lettre de dénonciation de Mme Y... a violé l'article 1134 du Code civil;
alors, d'autre part, que la dénonciation du 22 décembre 1993 de Mme Z... selon laquelle Mme X... a traité son directeur de bon à rien qui ne savait pas diriger la cafétéria et d'assumer ses responsabilités en tant que directeur, est également circonstanciée;
qu'en déclarant que la société Eris Restauration s'est hâtée de mettre à l'écart Mme X... qui avait donné entière satisfaction dans toutes ses fonctions à la suite de la dénonciation non circonstanciée de quatre de ses subordonnées, la cour d'appel qui a dénaturé la lettre de dénonciation de Mme Z... a derechef violé l'article 1134 du Code civil;
alors, de troisième part, que dans sa lettre de dénonciation Mme Y... a exposé que Mme X... a prétendu que le cambriolage du 31 juillet 1993 dont a été victime l'employeur avait été un coup monté par le directeur de l'établissement et que les vols d'argent effectués dans les caisses durant les mois de novembre et décembre avaient été commis par un autre de ses collègues également nommément désigné;
qu'en s'abstenant de rechercher si, en dépit de l'existence d'une mauvaise entente au sein de l'établissement depuis la date de commission du premier vol, ces accusations ne caractérisaient pas une faute grave rendant impossible le maintien de Mme X... dans l'entreprise pendant la période du préavis, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
alors, enfin et à titre subsidiaire, que dans sa lettre de dénonciation Mme Y... a exposé que Mme X... a prétendu que le cambriolage du 31 juillet 1993 dont a été victime l'employeur avait été un coup monté par son supérieur hiérarchique nommément désigné et que les vols d'argent effectués dans les caisses durant les mois de novembre et décembre avaient été commis par un autre de ses collègues également nommément désigné;
qu'en s'abstenant de rechercher si, en dépit de l'existence d'une mauvaise entente au sein de l'établissement depuis la date de commission du premier vol, ces accusations ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que, sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a estimé que les faits reprochés à la salariée n'étaient pas établis ;
que, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, des éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond;
qu'il ne saurait donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eris Restauration aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.