AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Coopérative métallurgique du Périgord (COMEPA), société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un jugement rendu le 11 juillet 1995 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux (section Commerce), au profit de M. Eric Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Barberot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Lanquetin, conseillers, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de la Coopérative métallurgique du Périgord (COMEPA), les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 434-1 du Code du travail ;
Attendu que M. Y..., au service de la société Coopérative métallurgique du Périgord (COMEPA) en qualité d'opérateur de saisies depuis le 1er octobre 1992, membre élu suppléant du comité d'entreprise, devenu titulaire le 10 octobre 1994 à la suite de la démission du titulaire, a utilisé les heures de délégation de ce titulaire les 1er, 22 et 29 septembre 1994;
que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en remboursement des salaires versés au salarié pour ces trois jours ;
Attendu que pour débouter l'employeur de ses demandes, le jugement retient que l'utilisation par M. Y... des heures de délégations de M. X... est conforme à l'usage régularisé dans l'entreprise ;
Attendu, cependant, que si l'article L 412-20 du Code du travail prévoit que les délégués syndicaux peuvent répartir entre eux le temps dont ils disposent pour l'exercice de leurs fonctions, cette faculté n'a pas été conférée aux membres élus du comité d'entreprise par l'article L. 434-1 du même Code;
qu'il en ressort que, pour ceux-ci, la possibilité d'une telle répartition, entre titulaires et suppléants, a été exclue pour éviter que les premiers ne soient limités dans l'utilisation de leurs heures de délégation au détriment de leur mandat;
qu'en reconnaissant force obligatoire à un usage de l'entreprise susceptible de porter atteinte au libre exercice du mandat du titulaire, et comme tel illicite, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 juillet 1995, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bordeaux;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Libourne ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.