La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/1998 | FRANCE | N°97-80969

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mai 1998, 97-80969


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE et de Me CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Paul, contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en d

ate du 21 janvier 1997, qui, pour escroquerie, l'a condamné à 10 mois d'emprisonn...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE et de Me CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Paul, contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 1997, qui, pour escroquerie, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d'amende, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 2 janvier 1981 modifiée, 405 ancien du Code pénal, 313-1 nouveau du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul X... coupable d'escroquerie ;

"aux motifs qu'il n'est pas démontré qu'il avait été convenu d'un système de double facturation par factures pro-forma et factures définitives y donnant suite et que ce procédé avait effectivement été réalisé par Paul X...;

que les factures remises au Crédit Agricole dans le cadre de la loi Dailly n'énoncent pas leur caractère pro-forma, ayant l'aspect d'une facture définitive affectée d'un numéro, d'une date, de l'identité du client et de l'indication d'un bon de commande avec numéro et date;

or, les documents produits par Paul X... ne concordent aucunement avec les indications précises figurant sur les factures initiales et comportent même des numéros distincts;

qu'en réalité et contrairement à ce que soutient Paul X..., il ne saurait s'agir de créances en germe qui seraient à même de faire naître des droits, mais d'une seule anticipation de commande dont l'établissement bancaire n'avait pas été informé, pour légitimement croire qu'il s'agissait d'une facture résultant d'une véritable commande qui n'existait pas;

qu'il est constant que la cession de créance s'opère par la seule remise du bordereau au cessionnaire, que ce document, qui crée des droits et obligations à l'égard du cédant et du cessionnaire, constitue un titre et que la remise des bordereaux inexacts portant sur les opérations fictives constitue une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 405 du Code pénal alors applicable, pour déterminer l'établissement bancaire à remettre des fonds ;

qu'ainsi Paul X..., qui a remis des bordereaux de créances valant titres, accompagnés de factures ne correspondant à aucune prestation réelle et en laissant croire au Crédit Agricole qu'il détenait une créance réelle qui n'existait pas à la remise du bordereau, a ainsi sciemment déterminé la banque à lui consentir le prêt sur une contrepartie fictive ;

"alors que, selon l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981, peuvent être cédées par bordereau Dailly, non seulement les créances liquides et exigibles, même à terme, mais encore les créances purement éventuelles suffisamment identifiées;

qu'en affirmant que Paul X... avait commis des manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 405 ancien du Code pénal en produisant, à l'appui des bordereaux de cession, des factures représentant, non pas des créances en germe, mais une simple anticipation sur les livraisons à venir, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et partant, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 42 ancien du Code pénal, 112-1 et 131-26 nouveaux du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que, après avoir déclaré Paul X... coupable d'escroquerie, l'arrêt attaqué l'a condamné, en répression, à la peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis et à 50 000 francs d'amende et a, en outre, prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille durant cinq ans ;

"alors que la liste des droits susceptibles d'être interdits figurant à l'article 42 ancien du Code pénal ne coïncide pas avec celle dressée par l'article 131-26 nouveau du même Code, ce dernier texte ayant à la fois ajouté des interdictions de droits non prévues par l'ancien texte ou, à l'inverse, délaissé certaines interdictions antérieurement prévues, de sorte que ce texte doit être tenu, pour déterminer ses modalités d'application dans le temps, comme plus sévère ou plus doux que l'article 42 ancien du Code pénal, selon les cas;

que, dès lors, en prononçant, pour des faits antérieurs au 1er mars 1994, l'interdiction générale des droits civiques, civils et de famille, que ce fût sur le fondement implicite de l'article 42 ancien du Code pénal ou sur celui de l'article 131-26 nouveau dudit Code, la cour d'appel a violé l'article 112-1 nouveau du Code pénal" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis;

qu'une loi édictant une peine complémentaire nouvelle ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ;

Attendu que les juges du second degré, après avoir déclaré Paul X... coupable de faits d'escroquerie commis en 1992, l'ont condamné notamment, pour une durée de 5 ans, à la peine complémentaire de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, en application de l'article 131-26 du Code pénal ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette dernière disposition, qui porte notamment sur le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, n'est entrée en vigueur que le 1er mars 1994 et que ce droit n'était pas compris dans ceux énumérés par l'article 42 du Code pénal alors applicable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, en date du 21 janvier 1997, en ses seules dispositions ayant prononcé contre Paul X... la privation du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, notamment les interdictions énumérées à la fois à l'article 42 ancien et à l'article 131-26 du Code pénal ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80969
Date de la décision : 07/05/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INTERDICTION DES DROITS CIVIQUES, CIVILS ET DE FAMILLE - Interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice - Lois et réglements - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Peine complémentaire nouvelle - Loi plus sévère - Non rétroactivité


Références :

Code pénal 131-26
Code pénal ancien 42

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, 21 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mai. 1998, pourvoi n°97-80969


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80969
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award