AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Abac Jouy, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1995 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), au profit de Mme Laure X..., demeurant 9, rue du Pont Colbert, 78000 Versailles, défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mars 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Chagny, conseillers, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de Me Spinosi, avocat de la société Abac Jouy, de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., engagée en 1971 par la société d'expertise-comptable Ducouret-Kerveillant, aux droits de laquelle se trouve la société Abac Jouy, devenue en dernier lieu, chef de mission, a été licenciée pour faute grave le 1er juin 1992 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 3 novembre 1995) d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui constatait, d'une part, que ce n'est que le 29 avril 1992 que Mme X..., salariée d'un cabinet d'expertise-comptable, avait informé la société Abac Jouy qu'il ne lui serait pas possible d'établir les liasses fiscales des bilans de 1991, et que, d'autre part, la date limite de dépôt des déclarations fiscales était le lendemain, 30 avril 1992, ne pouvait, sans refuser de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, estimer qu'il ne pouvait être sérieusement reproché à Mme X... de n'avoir pas respecté les délais impartis en matière de déclarations fiscales pour tous les dossiers dont la gestion lui avait été confiée;
qu'elle a ainsi violé les articles L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé que la salariée s'était vu confier des tâches supplémentaires, alors que sa collaboratrice était absente, que dix salariés avaient quitté l'entreprise sans être remplacés et que la salariée avait averti son employeur des conséquences de cette situation, a pu décider que son comportement n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Abac Jouy aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Abac Jouy à payer à Mme X... la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.