AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Rémy X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1995 par la cour d'appel de Fort-de-France, au profit de la société Crocquet, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mars 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Chagny, conseillers, Mme Lebée, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Crocquet, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé le 1er juin 1987 en qualité de comptable par la société Crocquet, concessionnaire Peugeot-Talbot, a été licencié le 31 octobre 1989 pour faute grave ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 octobre 1995) de l'avoir débouté de toutes ses demandes, au motif qu'il avait commis une faute grave, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité de faits imputés à faute grave;
qu'en exigeant de M. X... qu'il apporte la preuve du caractère substantiel de la modification du contrat de travail imposé à celui-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil;
alors, d'autre part, qu'en reprochant à M. X... de n'avoir pas démontré que le surcroît de travail qui lui était demandé l'aurait obligé à accomplir des heures supplémentaires, la cour d'appel a, de nouveau, inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil;
et alors, enfin, que la faute grave résulte d'une violation des obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis;
qu'en ne recherchant pas en quoi le refus par M. X... d'effectuer les facturations litigieuses rendait impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que la tâche qu'il avait refusé d'exécuter entrait dans ses attributions normales et que le salarié ne rapportait pas la preuve que ce surcroît de travail l'ait obligé à effectuer des heures supplémentaires;
qu'en l'état de ces constatations, elle a pu, sans inverser la charge de la preuve, décider que l'insubordination du salarié rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée de préavis et constituait une faute grave;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Crocquet ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.