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06/05/1998 | FRANCE | N°95-42229

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mai 1998, 95-42229


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Fiduciaire européenne, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1995 par la cour d'appel d'Agen (Chambre sociale), au profit de M. Charles Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

M. Y... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 4 mars 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ran

sac, Bouret, conseillers, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat gé...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Fiduciaire européenne, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1995 par la cour d'appel d'Agen (Chambre sociale), au profit de M. Charles Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

M. Y... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 4 mars 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ransac, Bouret, conseillers, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Fiduciaire européenne, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Agen, 21 mars 1995), que M. Y..., responsable du bureau de Figeac de la société Fiduciaire européenne, a donné sa démission le 28 septembre 1992, avec un préavis de trois mois;

que par lettre du 8 octobre 1992, la société imputant le départ de plusieurs de ses clients à cette démission, a demandé à M. Y... de ne plus venir au bureau;

que le 28 octobre 1992, elle lui a notifié son licenciement pour faute lourde ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Fiduciaire européenne :

Attendu que la société Fiduciaire européenne fait grief à l'arrêt, de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à M. Y..., alors, selon le moyen, d'une part, que, ayant constaté que le salarié avait démissionné et ayant considéré que l'intéressé n'avait pas droit à une indemnité de licenciement de ce fait, viole les articles L. 122-4 et suivants du code du travail, l'arrêt attaqué qui condamne ensuite l'employeur à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, d'autre part, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui, procédant par simple affirmation, retient que la société Fiduciaire européenne a eu une attitude abusive en adressant aux clients de l'agence un courrier faisant état des fautes reprochées à M. Y... en des termes diffamatoires, pareille formulation ne permettant pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, alors, de plus, que ne justifie pas légalement sa solution, au regard des articles L. 122-4 et suivants du Code du travail, l'arrêt attaqué qui refuse de prendre en considération la faute de M. Y... ayant consisté à refuser de communiquer à l'employeur le nom de code d'un fichier de l'ordinateur de la société, au motif inopérant que le grief ayant trait au verrouillage d'un fichier informatique n'était pas visé dans la lettre de licenciement adressée au salarié qui avait au préalable démissionné, et alors, enfin, que la société Fiduciaire

européenne établissait la faute commise par M. Y... en refusant de communiquer le nom de code permettant d'utiliser un fichier de l'ordinateur de la société par le moyen d'un constat d'huissier du 28 octobre 1992;

qu'il s'ensuit que ne justifie pas légalement sa décision, au regard des articles 1146 et suivants du Code civil et L. 122-4 et suivants du Code du travail, l'arrêt attaqué qui écarte ce grief au motif que le 8 décembre 1992, la société avait sorti du fichier litigieux une situation de la société Immoplus, faute d'avoir pris en compte la période antérieure au 8 décembre 1992 ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a estimé par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, que les fautes reprochées à M. Y... n'étaient pas établies ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que la société avait interdit à M. Y... de poursuivre son travail, lui avait imputé des faits qu'il n'avait pas commis et avait adressé aux clients des courriers en des termes diffamatoires pour lui, la cour d'appel a pu décider que la rupture présentait un caractère vexatoire pour le salarié et lui allouer des dommages-intérêts à ce titre;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Fiduciaire européenne fait encore grief à l'arrêt, de l'avoir condamnée à payer à M. Y... les sommes de 1 775,10 francs à titre de reliquat sur le mois d'octobre 1992, de 40 739,50 francs à titre d'indemnité de préavis sur les mois de novembre et décembre 1992, de 14 740 francs à titre d'indemnité de congés payés, de 39 500 francs à titre de prime d'intéressement, de 130 000 francs à titre d'indemnité pour licenciement abusif et de 8 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et débouté ladite société de toutes ses demandes dirigées contre l'intéressé, alors, selon le moyen, d'une part, que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1382 et suivants du Code Civil, l'arrêt attaqué qui rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société pour concurrence déloyale dirigée contre son ancien salarié, sans tenir compte de la circonstance invoquée par cette société dans ses conclusions d'appel, que la démission de l'intéressé avait correspondu à un départ très important de clients ce qui ne s'était jamais vu dans ce bureau, alors, d'autre part, que Mme X... attestait avoir entendu M. Y..., le 4 août, au téléphone, déclarer "La Fiduciaire, tout le monde en a marre. J'ai eu Couderc au téléphone qui m'a demandé si ce coup-ci je partais vraiment... Depuis quelque temps, je fais l'âne, quand la fille m'a dit qu'elle démissionnait, je n'ai pas averti la Direction. Sofidis m'a dit que si je partais ils ne resteraient pas à la Fidu. On peut faire quelque chose avec la clientèle existante à Figeac, Ca va leur faire drôle que quelqu'un de Paris s'installe à Figeac. J'ai piqué la liste de Cahors. Rhodes, je l'ai rencontré, Je reste à Figeac pendant mes congés, je pourrai voir du monde ...";

que ne justifie pas légalement sa décision, au regard des articles 1382 et suivants du Code civil, l'arrêt attaqué qui refuse de prendre en considération cette attestation, même non conforme, au motif que les relevés des Télécom produits par la société, ne mentionnaient aucune communication "donnée" ce jour-là, ce qui démontrait l'absence de personnel à l'agence, faute d'avoir tenu compte du fait qu'il s'agissait de la période de vacances, Mme X... ayant indiqué qu'elle était seule dans les locaux avec M. Y... qui ignorait sa présence et que la communication en question avait pu être "reçue" par ce dernier et non "donnée" ;

Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, que la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que M. Y... aurait commis des fautes et aurait détourné une partie de la clientèle de son employeur;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de M. Y... :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que la société Fiduciaire européenne soit condamnée à lui verser les sommes de 35 028,39 francs, à titre d'indemnité légale de licenciement, de 122 218,50 francs à titre d'indemnité compensatrice de préavis correspondant à six mois de salaire et de 200.000 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires distincts de l'indemnité pour licenciement abusif;

alors, d'une part, qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de M. Y... qui soutenait que la société Fiduciaire européenne avait, non pas, rompu son préavis, mais renoncé à se prévaloir de sa démission, en transformant celle-ci en licenciement pour faute lourde, ce qui résultait des termes clairs et précis de la lettre de licenciement. elle-même notifiée après respect de la procédure légale de licenciement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas si la démission de M. Y... ne devait pas être requalifiée en licenciement, dès lors qu'elle avait été provoquée par une faute de l'employeur rendant impossible l'exécution de son contrat de travail, la société Fiduciaire européenne ayant tenté de pourvoir au remplacement de M. Y... par une embauche, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil;

et alors, de troisième part et enfin, qu'en ne recherchant pas davantage si la démission de M. Y... procédait d'une manifestation de volonté non équivoque, en l'état des constatations de l'arrêt selon lesquelles le recrutement d'un chef de mission pouvait être interprété comme destiné à pourvoir au remplacement du salarié, lequel avait, par ailleurs, fait l'objet de critiques, en ce qui concerne le départ de clients, critiques qui se sont révélées injustifiées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, et qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a constaté que M. Y... avait donné sa démission par écrit en l'assortissant d'un préavis, et que la rupture initiale du contrat de travail lui était imputable;

que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident :

Attendu que, M. Y... reproche encore à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande, tendant à ce que la société Fiduciaire européenne soit condamnée à lui verser la somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires et d'avoir seulement condamné la société Fiduciaire européenne à verser à M. Y... des dommages-ntérêts pour licenciement abusif;

alors, selon le moyen, que le salarié peut prétendre à l'octroi de dommages-intérêts, se cumulant avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse en réparation du préjudice distinct, causé par le comportement fautif de l'employeur;

qu'en lui allouant seulement au salarié une indemnité pour rupture abusive, alors qu'elle a constaté le comportement fautif de l'employeur à l'occasion de la rupture ayant consisté, d'une part, dans des courriers diffamatoires adressés à la clientèle et, d'autre part, dans l'interdiction brutale faite à celui-ci de revenir sur le lieu de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, que la cour d'appel a évalué souverainement le préjudice subi par le salarié, compte tenu des circonstances de la rupture de son contrat de travail;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-42229
Date de la décision : 06/05/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen (Chambre sociale), 21 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mai. 1998, pourvoi n°95-42229


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.42229
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