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06/05/1998 | FRANCE | N°93-84344

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mai 1998, 93-84344


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, Me X... et de la société civile professionnelle LE BRET et LAUGIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Dimitri, contre l'arrêt de la cour d'appel

de PARIS, 9ème chambre, en date du 2 juillet 1993, qui, pour exercice illégal de l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, Me X... et de la société civile professionnelle LE BRET et LAUGIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Dimitri, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 2 juillet 1993, qui, pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable et de comptable agréé, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

Attendu que Dimitri Y..., ressortissant grec, est poursuivi pour avoir, de décembre 1988 à avril 1990, exercé illégalement les professions d'expert-comptable et de comptable agréé, délits prévus et réprimés par les articles 2, 8, 9 et 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, modifiée, et par l'article 259, alinéa 2, ancien du Code pénal - devenu l'article 433-17 nouveau dudit Code - ;

Qu'au mois d'avril 1990, il a sollicité son inscription au tableau de l'Ordre des experts-comptables, invoquant notamment le bénéfice des dispositions des articles 26 et 27 de l'ordonnance précitée, et la possession de diplômes grecs équivalents aux diplômes exigés en France;

que, cette demande ayant été rejetée par la Commission nationale des experts-comptables le 27 janvier 1992, Dimitri Y... a formé un recours devant le Conseil d'Etat ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 386, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception préjudicielle soulevée par Dimitri Y... ;

"aux motifs que Dimitri Y... prie la Cour de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit prononcée par le Conseil d'Etat sur le recours formé à l'encontre de la décision du 27 janvier 1992, par laquelle la commission nationale de l'Ordre des experts-comptables a rejeté la demande d'inscription formée par Dimitri Y...;

que cette demande sera rejetée dès lors que même s'il était fait droit à ce recours, cela serait sans incidence sur l'infraction dont est saisie la Cour, dès lors que la période visée par la prévention est antérieure à la demande d'inscription au tableau de l'Ordre des experts-comptables formée par le prévenu et que la décision à intervenir n'aurait d'effet qu'à compter de cette demande ;

"alors que le prévenu avait, ainsi qu'il le rappelait dans ses conclusions d'appel, formé sa demande d'inscription en avril 1990 ;

que celui-ci était prévenu d'avoir exercé illégalement les professions d'expert-comptable et de comptable agréé pour la période ayant couru de décembre 1988 à avril 1991;

qu'en énonçant dès lors que la décision à intervenir devant les juridictions de l'ordre administratif n'aurait d'effet qu'à compter de la demande d'inscription et serait, en conséquence, sans incidence sur l'infraction poursuivie, dès lors que la période visée par la prévention était antérieure à la demande d'inscription, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors que la cour d'appel constate que la prévention vise les années 1989, 1990 et 1991, qu'en relevant, par ailleurs, que la période visée par la prévention était antérieure à la demande d'inscription formée par Dimitri Y..., soit au mois d'avril 1990, la cour d'appel a donc entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;

Attendu que le prévenu, invoquant une exception préjudicielle prise du recours exercé devant le Conseil d'Etat, a demandé à la cour d'appel de surseoir à statuer jusqu'au résultat de cette instance ;

Attendu, cependant, qu'il ne résulte ni du jugement ni d'aucunes conclusions du prévenu que ce dernier ait invoqué devant les premiers juges la saisine préalable des juridictions ordinales ou du Conseil d'Etat, statuant comme juridiction d'appel;

qu'il s'ensuit que c'est à tort que les juges du second degré ont cru devoir se prononcer sur l'exception pour l'écarter, au lieu de lui opposer l'irrecevabilité édictée par l'article 386 du Code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen, qui leur fait grief des motifs par lesquels ils se sont prononcés, est lui même irrecevable, en application du texte précité ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 52 du Traité de Rome, des articles 3, 20, 26 et 27 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, de l'article 3 de la directive 89/48 CEE, ainsi que des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dimitri Y... coupable d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et comptable agréé et l'a condamné à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans ;

"aux motifs que les règles communautaires n'ont pas pour effet de rendre inapplicables les dispositions de l'ordonnance du 19 septembre 1945, notamment celles définissant les conditions d'accès à la profession et celles sanctionnant le non-respect de ces conditions;

qu'en effet, les normes communautaires résultant des articles 52 et 57 du Traité de Rome et de la directive 89/48 ne font pas obstacle à ce que la législation interne d'un Etat membre dans le but de garantir la moralité et le respect des principes déontologiques ainsi que le contrôle disciplinaire de l'activité des membres de la profession impose des conditions d'accès à la profession, dès lors que ces conditions sont appliquées sans discrimination aux ressortissants de l'Etat concerné et aux ressortissants des Etats membres;

qu'en l'espèce Dimitri Y... qui, durant la période retenue par la prévention, n'a saisi les instances professionnelles compétentes d'aucune demande tendant à voir reconnaître l'équivalence des diplômes et titres dont il se prétend titulaire, avec ceux exigés des professionnels français, ni d'aucune demande d'inscription au tableau de l'ordre des experts-comptables, ne rapporte pas la preuve de l'effet discriminatoire à son égard, de l'application des textes visés par la poursuite, ni en conséquence, de l'incompatibilité de ces textes avec les normes communautaires ;

"alors qu'il résulte de l'article 52 du Traité de Rome, ainsi que des dispositions de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et de l'article 3 de la directive 89/48 CEE, que peut librement exercer en France la profession d'expert-comptable et comptable agréé, indépendamment de toute inscription à l'ordre, le ressortissant d'un Etat membre titulaire d'un diplôme prescrit par un autre Etat membre pour accéder à cette même profession;

qu'en déclarant coupable d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et comptable agréé Dimitri Y..., lequel faisait valoir qu'il était titulaire de diplômes lui ayant permis d'exercer en Grèce la profession d'expert-comptable au motif qu'il n'aurait pas saisi les instances professionnelles compétentes d'une demande tendant à voir reconnaître l'équivalence des diplômes et titres dont il se prétend titulaire, condition qu'aucun texte n'impose, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors qu'en toute hypothèse, la demande d'inscription au tableau de l'Ordre des experts-comptables et comptables agréés, formée en avril 1990 par Dimitri Y..., l'avait été durant la période retenue par la prévention;

qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Attendu que Dimitri Y... a également invoqué l'incompatibilité des dispositions de l'ordonnance du 19 septembre 1945, fondement de la poursuite, avec l'article 52 du Traité CE posant le principe de liberté d'établissement, ainsi qu'avec l'article 3 de la directive 89/48 CEE du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance de certains diplômes d'enseignement supérieur ;

Attendu que, pour écarter cette exception préjudicielle, la juridiction du second degré relève que les normes communautaires invoquées par le prévenu ne font pas obstacle à ce que la législation d'un Etat membre, dans le but de garantir la moralité et le respect des principes déontologiques, ainsi que le contrôle de la profession, impose des conditions d'accès à la profession d'expert-comptable et de comptable agréé, dès lors que ces conditions s'appliquent sans discrimination aux ressortissants de l'Etat concerné et aux ressortissants des Etats membres ;

que les juges ajoutent que Dimitri Y..., qui, pour la période visée à la prévention, n'a saisi aucune instance en vue de faire reconnaître l'équivalence des diplômes et titres dont il se prétend titulaire ou d'obtenir son inscription au tableau de l'Ordre, ne saurait se prévaloir de l'effet discriminatoire des textes fondant la poursuite ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'article 52 du Traité CE et les directives prises pour son application ne tendent qu'à assurer à tous les ressortissants des Etats-membres l'accès aux professions réglementées dans les mêmes conditions qu'aux nationaux, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Sassoust conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-84344
Date de la décision : 06/05/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exception préjudicielle - Recevabilité - Moment - Recours devant la juridiction administrative - Moyen soulevé en appel pour la première fois - Irrecevabilité.

(Sur le second moyen) COMMUNAUTES EUROPEENNES - Liberté d'établissement des ressortissants - Exercice d'une profession dans un Etat membre - Expert comptable - Directive 89/48 CEE du 21 décembre 1988 - Portée.


Références :

Code de procédure pénale 386
Directive 89/48 du 21 décembre 1988 art. 3
Ordonnance du 19 septembre 1945
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 52

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 juillet 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 mai. 1998, pourvoi n°93-84344


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:93.84344
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