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29/04/1998 | FRANCE | N°97-86618

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1998, 97-86618


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me BALAT, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- TORESDOTTER NECA

NDER Janiéna,

- MEYER Alain,

- BRUMARK Annika, contre l'arrêt de la chambre d'ac...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me BALAT, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- TORESDOTTER NECANDER Janiéna,

- MEYER Alain,

- BRUMARK Annika, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, du 27 novembre 1997, qui, dans l'information suivie contre eux pour proxénétisme aggravé, a rejeté leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 4 mars 1998, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;

Sur le pourvoi d'Annika Brumark :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

Sur les pourvois de Janiéna Toresdotter Necander et d'Alain Meyer :

Vu les mémoires ampliatifs, complémentaire et personnel produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Janiéna Toresdotter Necander, pris de la violation de l'article 80 du Code de procédure pénale, de l'article 593 du même Code, excès de pouvoir, manque de base légale ;

"en ce que la chambre d'accusation a refusé de prononcer l'annulation de la commission rogatoire internationale du 6 février 1997, des actes d'exécution de celle-ci, du réquisitoire supplétif du 16 mai 1997, des pièces relatives aux interrogatoires de Janiéna Toresdotter Necander avant sa mise en examen, de sa mise en examen, de son placement sous contrôle judiciaire, de ses interrogatoires postérieurs et de toute la procédure subséquente ;

"aux motifs que les faits de proxénétisme aggravé, reprochés à Janiéna Toresdotter Necander à l'égard de Julia X..., se trouvaient, bien que révélés postérieurement au 24 octobre 1996, inclus dans la saisine du juge, dès lors que, commis au cours de l'été 1996, ils se rattachaient directement à l'activité d'Annika Brumark et à son organisation prostitutionnelle ;

"alors, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que les faits de proxénétisme aggravé concernant Julia X... n'ont été révélés que postérieurement à la saisine du magistrat instructeur;

que des faits, inconnus du parquet lors de son réquisitoire introductif, sont nécessairement exclus de la saisine in rem du juge d'instruction, quand bien même cette saisine est afférente à l'organisation d'un "réseau";

que la saisine d'octobre 1996 d'un "réseau de prostitution" était insusceptible d'emporter saisine de faits dont il est avéré qu'ils n'étaient pas connus au moment de ce réquisitoire, qu'ils mettaient en cause des personnes nouvelles, et qu'ils étaient susceptibles de constituer, outre des faits de proxénétisme, des faits de viol;

qu'ainsi, le juge d'instruction a dépassé le cadre de sa saisine ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte des pièces de la procédure que le juge d'instruction lui-même a sollicité, par ordonnance de soit-communiqué du 17 février 1997, des réquisitions supplétives sur les faits concernant Julia X..., réquisitions supplétives qui n'ont été prises que le 16 mai 1997, et uniquement sous l'angle d'un éventuel proxénétisme aggravé;

qu'ainsi, et le juge d'instruction et le parquet ont estimé que le juge d'instruction n'avait pas été préalablement saisi de ces faits, et qu'en conséquence, tous les actes antérieurs du magistrat instructeur concernant Julia X... ont été effectués hors saisine ;

"alors, enfin, que la chambre d'accusation devait annuler non seulement des actes antérieurs, mais également le réquisitoire supplétif du 16 mai 1997, pris au visa du résultat de la commission rogatoire internationale du 6 février 1997, elle-même donnée hors saisine, ainsi que des pièces d'exécution de cette commission rogatoire, et que toute la procédure subséquente au réquisitoire lui-même est entaché de nullité ;

"alors, de surcroît, que les faits de proxénétisme aggravé concernant Julie X..., visés par le réquisitoire du 16 mai 1997, étaient aggravés par la minorité de la victime;

que les faits de proxénétisme visés par le réquisitoire introductif étaient aggravés par la notion de réseau et de pluralité des victimes, résultant des pièces annexées au réquisitoire;

qu'ainsi, les faits concernant Julie X... et à propos desquels Janiéna Toresdotter Necander a été mise en cause n'étaient pas compris dans la saisine initiale du juge" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'au visa d'un procès-verbal de police faisant état d'un renseignement dénonçant un important réseau de prostitution "de luxe" fonctionnant à Paris à partir d'un numéro de téléphone attribué à une suédoise prénommée Annika, une information pour proxénétisme aggravé a été ouverte contre personne non dénommée le 24 octobre 1996 ;

Qu'à la suite des éléments recueillis sur commissions rogatoires, délivrées par le juge d'instruction à la Brigade de répression du proxénétisme aux fins de surveillance téléphonique et d'enquête, Annika Brumark, Jean-Pierre Bourgeois et Nazihabdullatif Al Ladki étaient mis en examen pour avoir participé à l'organisation de relations sexuelles rémunérées ;

Que, lors de son interrogatoire du 31 janvier 1997, Al Ladki a déclaré être venu en aide à Julia X..., jeune fille mineure de nationalité suédoise, que Jean-Pierre Bourgeois avait présentée à un client en juillet 1996;

qu'après que les enquêteurs eurent pris contact avec elle en Suède, celle-ci a exposé, par écrit, les violences sexuelles dont elle avait été l'objet à Saint-Tropez où Janine Roch lui avait promis de faire des "essais de photos" ;

Attendu que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale le 6 février 1997 afin de procéder aux auditions de Julia X... et de ses parents concernant les agissements et le rôle précis de Janine Roch antérieurement aux faits évoqués par la jeune fille, les circonstances exactes des infractions et les rôles respectifs de Jean-Pierre Bourgeois, du client et d'Al Ladki lors des faits subis par la mineure, du 5 au 9 juillet 1996 à Saint-Tropez, ainsi qu'à l'audition de Janine Roch ;

Qu'écartant la demande du magistrat instructeur, le ministère public n'a pas, dans son réquisitoire supplétif du 18 février 1997, étendu la saisine initiale du juge d'instruction aux violences sexuelles dénoncées par Julia X...;

que, par un nouveau réquisitoire du 16 mai 1997, il a requis d'informer supplétivement pour proxénétisme aggravé au préjudice de cette dernière ;

Attendu que Janiéna Toresdotter Necander, divorcée Roch, mise en examen le 18 juin 1997 pour proxénétisme aggravé, a demandé l'annulation de la commission rogatoire internationale du 6 février 1997 et de la procédure subséquente, au motif que le juge d'instruction aurait excédé ses pouvoirs au regard de l'article 80 du Code de procédure pénale ;

Que, pour rejeter la demande, la chambre d'accusation retient que les faits de proxénétisme aggravé reprochés à la demanderesse à l'égard de Julia X..., se trouvaient, bien que révélés postérieurement au réquisitoire introductif et nonobstant les réquisitions supplétives du 16 mai 1997, inclus dans la saisine du juge d'instruction, dès lors qu'ils se rattachaient directement à l'activité d'Annicka Brumark et à son réseau de prostitution ;

Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Janiéna Toresdotter Necander, pris de la violation des articles 105 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la chambre d'accusation a refusé de prononcer l'annulation des auditions de Janiéna Toresdotter Necander, par les officiers de police judiciaire, ainsi que de son procès-verbal de première comparution, de sa mise en examen, et de la procédure subséquente ;

"aux motifs que si l'audition, notamment, de Janiéna Toresdotter Necander par les services de police, en qualité de témoin serment préalablement prêté, en dépit des charges sérieuses, précises et concordantes réunies contre elle... constitue la méconnaissance d'une qualité substantielle, une telle méconnaissance n'a pas été de nature à porter atteinte aux intérêts des personnes entendues, dès lors que :

"- ces auditions ne comportent aucune synthèse des indices précisément établis par les écoutes sans apporter aucun élément nouveau à charge ;

"- la teneur de ces auditions a été spontanément et intégralement confirmée dès la première comparution ou lors d'interrogatoires ultérieurs ;

"- en l'absence d'aveux passés par Janiéna Toresdotter Necander, son audition en qualité de témoin n'a pas fait grief ;

"- en tout état de cause, cette audition ne saurait avoir pour conséquence l'annulation des mises en examen, des procès-verbaux de première comparution, de l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, justifiée par les charges réunies antérieurement à ces actes ;

"alors, d'une part, que la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale entraîne, ipso facto, violation des droits de la défense, ce texte ayant lui-même pour but et pour objet de protéger les droits de la défense;

qu'en constatant expressément la violation dudit texte, dont elle reconnaît qu'il comporte une formalité substantielle, tout en niant que la violation de cette formalité ait pu porter atteinte aux droits de la défense, la chambre d'accusation a violé ceux-ci ;

"alors, d'autre part, qu'en reconnaissant que les auditions irrégulières n'auraient apporté aucun élément nouveau à charge, tout en ayant été suivies d'une mise en examen, justifiée par les charges réunies antérieurement à ces actes, la chambre d'accusation a reconnu que les charges réunies avant ces auditions irrégulières auraient justifié la mise en examen et interdisaient ainsi l'audition sous serment par les officiers de police judiciaire;

qu'elle a ainsi directement méconnu les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale ;

"alors, de surcroît, qu'en relevant que l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme serait inapplicable aux juridictions d'instruction, la chambre d'accusation a violé les dispositions de ce texte, le principe d'impartialité s'appliquant autant aux juridictions d'instruction qui doivent instruire à charge et à décharge, qu'aux juridictions de jugement" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Alain Meyer, pris de la violation des articles 5.1.c et 5.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 105, 152, 154, 206 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, violation des droits de la défense, manque de base légale ;

"en ce que la chambre d'accusation a refusé de prononcer l'annulation des procès-verbaux d'Alain Meyer, entendu comme témoin le 16, le 17 et le 18 avril 1997 et placé en garde à vue, ainsi que de la procédure subséquente ;

"aux motifs qu'en l'absence d'aveux passés tant par Janiéna Toresdotter Necander que par Alain Meyer, lesquels ont soutenu avoir agi de bonne foi, leur audition en qualité de témoin n'a pas fait grief;

qu'en tout état de cause, ces auditions de police ne sauraient avoir pour conséquence l'annulation des mises en examen, des procès-verbaux de première comparution, des ordonnances de placement sous mandat de dépôt ou de contrôle judiciaire consécutifs, justifiés par les charges réunies antérieurement à ces actes;

qu'il n'y a pas lieu par conséquent à annulation des procès-verbaux susvisés pour violation des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale ;

"alors, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles 5.1.c et 5.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 105 du Code de procédure pénale que les officiers de police judiciaire ne peuvent, sur commission rogatoire, entendre comme témoin une personne contre laquelle il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits délictueux, mais doivent aussitôt, après arrestation, la traduire devant une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires;

qu'en l'espèce, les officiers de police, sur commission rogatoire, ont entendu Alain Meyer, après prestation de serment, l'intéressé ayant pourtant été mis en cause par les déclarations concordantes de Nazilhabdullatif Al Lakdi et Hagobian effectuées le 24 mars, le 2 avril et le 9 avril 1997 l'accusant d'avoir prescrit des analyses sur des jeunes filles entrées irrégulièrement sur le territoire français mais s'étant spontanément présenté au poste de police le 16 avril 1997 à 15 heures 10, auditions réalisées le 16 avril 1997 et le 18 avril 1997 dans le cadre de la garde à vue, et déclarations effectuées au cours de la perquisition diligentée, en sa présence, dans son cabinet médical, le 17 avril 1997 par le magistrat instructeur chargé de l'information, venu de Paris à cet effet;

que ce n'est qu'après une garde à vue illégalement prolongée, qu'Alain Meyer contre lequel existaient de lourdes accusations d'avoir participé aux faits de proxénétisme aggravé dans le cadre de son activité médicale, sur mandat d'amener daté du 18 avril 1997, a été mis en examen de sorte que la commission rogatoire et tous les actes accomplis durant ces trois jours ainsi que toute la procédure ultérieure sont entachés d'une nullité absolue qu'il appartenait à la chambre d'accusation de sanctionner ;

"alors, d'autre part, que la chambre d'accusation ne pouvait tout à la fois déclarer qu'en l'absence d'aveux passés par Alain Meyer qui soutenait avoir agi de bonne foi, son audition en qualité de témoin ne lui avait pas fait grief et ne pouvait être donc annulée, et en même temps affirmer, sans se contredire, que la mise en examen, le procès-verbal de première comparution, l'ordonnance de placement sous mandat de dépôt consécutifs aux auditions de police ne pouvaient, en tout état de cause, être annulés, puisqu'ils étaient justifiés par les charges réunies antérieurement à ces actes;

que la décision attaquée est ainsi dépourvue de toute base légale" ;

Et sur le moyen unique de cassation proposé dans les mêmes termes par Alain Meyer ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité prises de mises en examen tardives, la chambre d'accusation énonce que, lors de leurs auditions comme témoins par les enquêteurs agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, Alain Meyer et Janiéna Toresdotter Necander, qui n'ont fait aucun aveu, ont prétendu avoir agi en toute bonne foi;

qu'elle en déduit que les auditions critiquées, qui n'ont pas apporté d'élément à charge, n'ont pu, en méconnaissance des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale, faire grief aux droits de la défense des intéressés ;

Qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que le magistrat instructeur a la faculté de ne mettre en examen une personne déterminée qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements incriminés dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;

Q'ainsi, les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Aldebert conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-86618
Date de la décision : 29/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le second moyen de Janiéna Toresdotter Nécander et sur le moyen d'Alain Meyer) INSTRUCTION - Commission rogatoire - Exécution - Audition de témoins - Audition en qualité de témoin d'une personne simplement soupçonnée - Régularité - Conditions.


Références :

Code de procédure pénale 105

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, 27 novembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1998, pourvoi n°97-86618


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ALDEBERT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.86618
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