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29/04/1998 | FRANCE | N°97-83277

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1998, 97-83277


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Claude, contre l'arrêt de la cour d'assises de la GIRONDE, en date du 6 mai 1997, qui, pour

complicité de viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et violences, l'a co...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Claude, contre l'arrêt de la cour d'assises de la GIRONDE, en date du 6 mai 1997, qui, pour complicité de viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et violences, l'a condamné à 12 ans de réclusion criminelle ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 214, 215, 217, 327, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, pour déclarer l'accusé coupable des chefs de complicité de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime, violences ayant entraîné une incapacité totale temporaire pendant huit jours commises par le conjoint de la victime et le condamner à une peine de 12 ans de réclusion criminelle ainsi qu'à verser diverses sommes aux parties civiles, l'arrêt de renvoi reproduit à l'identique dans ses motifs, les termes du réquisitoire définitif du procureur général pour lequel la culpabilité de l'accusé était d'ores et déjà établie ;

"alors que viole la présomption d'innocence, ensemble le principe d'égalité des armes, la lecture à l'audience de la cour d'assises d'un arrêt de renvoi qui reproduit seulement les réquisitions du procureur général et présente dans ses motifs, la culpabilité de l'accusé comme acquise;

qu'en l'espèce, l'arrêt de renvoi reproduit à l'identique dans ses motifs les termes du réquisitoire définitif du procureur général pour lequel la culpabilité de l'accusé était d'ores et déjà établie;

qu'en statuant dans ces conditions, la cour d'assises a violé les textes et les principes précités au moyen" ;

Attendu que le moyen qui, sous couvert d'une violation de la présomption d'innocence, conteste la régularité d'une décision devenue définitive faute de pourvoi, n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 348, 349, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, pour déclarer l'accusé coupable des chefs de complicité de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime, violences ayant entraîné une incapacité totale temporaire pendant huit jours commises par le conjoint de la victime et le condamner à une peine de 12 ans de réclusion criminelle ainsi qu'à verser diverses sommes aux parties civiles, le procès-verbal (p. 10) révèle que le président n'a pas donné lecture des questions au jury bien que celles-ci aient été énoncées dans un ordre et sous une forme différente de l'arrêt de renvoi ;

"alors que le président de la cour d'assises a le devoir de donner lecture des questions au jury lorsque celles-ci sont posées dans la feuille soumise à ce dernier dans un autre ordre et sous une autre forme que ceux de l'arrêt de renvoi;

qu'en l'espèce, il est constant que le procès-verbal des débats énonce qu'il n'a pas été donné lecture au jury des questions (p. 10) portant sur la culpabilité de l'accusé, alors que l'arrêt de renvoi du 12 novembre 1996 formule ces questions dans un ordre et sous une forme très différentes de la feuille de questions soumise au jury;

qu'en cet état, la cour d'assises a méconnu le sens et la portée de l'article 348 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que Claude X... a été renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation de complicité de viols aggravés, d'agressions sexuelles aggravées et de violences volontaires aggravées;

que les questions posées ne modifient ni la substance ni la nature de cette accusation;

que, dès lors, le président n'était pas tenu d'en donner lecture ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 222-24 à 222-31 du nouveau Code pénal, 349, 356, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, pour déclarer l'accusé coupable des chefs de complicité de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime, violences ayant entraîné une incapacité totale temporaire pendant huit jours commises par le conjoint de la victime et le condamner à une peine de 12 ans de réclusion criminelle ainsi qu'à verser diverses sommes aux parties civiles, les questions soumises au jury sont formulées ainsi :

1)"est-il constant qu'à A... ou à B..., en tout cas dans le département de la Gironde, entre août 1994 et début 1995, des actes de pénétration sexuelle de quelque nature qu'ils soient ont été commis sur la personne de Nathalie X... par violence, contrainte, menace ou surprise ?

2)"Nathalie X... était-elle à la date des faits ci-dessus spécifiés mineure de 15 ans comme étant née le 3 mars 1982 ? ;

3)"lesdits viols spécifiés à la question n°1 et qualifiés à la question n°2 ont-ils été commis par Jean-Claude Y... ? ;

4)"l'accusé Claude X... est-il coupable d'avoir à A... ou à B... en tout cas dans le département de la Gironde entre le mois d'août 1994 et début 1995, sciemment par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation du crime de viols ci-dessus spécifié à la question n°1 et qualifié à la question n°2 ;

1)"alors que les questions d'ordre général ou abstraites qui n'énoncent pas notamment l'identité de l'auteur des faits sont prohibées à peine de nullité;

que la question n°1 relative à des faits principaux d'agression sexuelle devait en l'état de crimes distincts faire l'objet de question séparées et n'énonce pas davantage si ce crime est imputable à Claude X... ou à un autre auteur ou complice;

que dès lors, cette question ne pouvait en l'état de sa formulation complexe et impersonnelle conférer une base légale à la déclaration de culpabilité et aux condamnations prononcées ;

2)"alors que les questions complexes sont prohibées à peine de nullité;

qu'en réunissant dans la question n°4 plusieurs faits principaux et des circonstances aggravantes résultant de crimes de viols et de fait de complicité commis comme complices et auteur principal sur une mineure de 15 ans, la déclaration de culpabilité et l'arrêt de condamnation sont entachés d'une flagrante violation de la loi et des textes précités au moyen ;

3)"alors que les questions posées au jury doivent impérativement porter sur des points de fait et non de droit;

qu'en faisant appel à la notion d'aide ou assistance dont la solution dépendait d'une qualification juridique préalable, la cour d'assises a soumis au jury une question complexe prohibée et violé les textes précités au moyen ;

4)"alors que la circonstance aggravante de l'article 222-24 du nouveau Code pénal résultant de fait de complicité de viols commis par deux ou plusieurs auteurs ou complices ne saurait être retenue que si ces faits ont préparé, facilité ou consommé l'action de l'un des auteurs principaux;

qu'en l'espèce, la question n°4 renvoyant aux questions n°1 et 2 laisse incertain le point de savoir si les faits constitutifs d'une circonstance aggravante prêtés à l'accusé Claude X... ont été antérieurs ou concomitants à l'action, ou s'ils ont été postérieurs ou même s'il a agi en connaissance de cause et ne peut par conséquent servir de base légale à la condamnation prononcée ;

5)"alors que, lorsque plusieurs accusés sont déclarés coupables d'avoir commis chacun un viol sur la personne d'une même victime, les viols commis par l'un et par l'autre sont des crimes distincts en sorte que sont entachées de complexité prohibée et n'énoncent pas les éléments constitutifs de ces circonstances aggravantes les questions se référant à ces crimes distincts qui demandent s'ils ont été commis par deux ou plusieurs complices sans préciser si chacun de ces coaccusés sont complices ou auteurs les uns des autres ou les uns avec les autres de ce même viol ;

6)"alors qu'est complexe la question unique relative à une circonstance aggravante, fût-elle réelle, qui se réfère à des faits principaux distincts;

que la circonstance aggravante de complicité par aide ou assistance devait être posée pour chaque viol et à tout le moins pour chacun des accusés;

que la question abstraite générale est donc nulle et prive de base légale l'arrêt de condamnation" ;

Attendu que le président a, par des questions distinctes, demandé, d'abord si les faits étaient constants, puis si l'accusé avait sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation de ces faits ;

Qu'il n'est résulté de ce mode de rédaction aucune violation de la loi, les questions soumises à la Cour et au jury n'ayant pas altéré la qualification légale des faits ;

Attendu que, par ailleurs, la question n°1 se rapporte à des faits constitutifs du même crime, commis sur la même personne par le même auteur principal, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu et entraînant les mêmes conséquences pénales ;

Que ces faits ont pu, dès lors, être réunis en une seule question sans que soit encouru le grief de complexité ;

Que, par voie de conséquence, la question n°4 qui se réfère à la question n°1 n'encourt pas davantage ce grief, même si elle vise cumulativement la question n°2 relative à la circonstance aggravante de minorité de la victime, laquelle est une circonstance aggravante réelle inhérente aux faits eux-mêmes ;

Que, posée dans les termes mêmes de l'arrêt de renvoi, elle caractérise en tous ses éléments la complicité telle qu'elle est définie par l'article 121-7, alinéa 1er, du Code pénal ;

Attendu qu'enfin, aucune question n'a été posée sur la circonstance aggravante de pluralité d'auteurs ou de complices prévue par l'article 222-24 (6ème) du Code pénal, cette circonstance aggravante n'ayant pas été retenue par l'arrêt de renvoi ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 355, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, pour déclarer l'accusé coupable des chefs de complicité de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime, violences ayant entraîné une incapacité totale temporaire pendant huit jours commises par le conjoint de la victime et le condamner à une peine de 12 ans de réclusion criminelle ainsi qu'à verser diverses sommes aux parties civiles, le procès-verbal révèle que l'un des assesseurs s'est absenté de la salle des délibérés au cours des délibérations sur la culpabilité et le prononcé de la peine et qu'il en a été donné acte à l'avocat de l'accusé ;

1)"alors que les magistrats de la Cour et les jurés se retirent dans la chambre des délibérations et ne peuvent en sortir qu'après avoir pris leurs décisions;

qu'en délibérant en l'absence de l'un des assesseurs comme en fait foi le procès-verbal des débats (p. 11), la cour d'assises a entaché sa décision d'un vice irréparable qui ne peut servir de base légale à la déclaration de culpabilité et aux condamnations prononcées en violation de l'article 355 du Code de procédure pénale ;

2)"alors qu'en l'état du désaccord portant sur cet incident révélé par le procès-verbal des débats, la cour d'assises se devait de statuer sur cet incident par un arrêt constatant que le prévenu ou son défenseur ait été entendu le dernier;

qu'en omettant de procéder à cette formalité substantielle, la cour d'assises a violé les articles 316 et 346 du Code de procédure pénale et ensemble les droits de la défense" ;

Attendu que le procès-verbal des débats constate que l'avocat de l'accusé Jean-Claude Y... a demandé au président, au nom de l'ensemble de la défense, qu'il lui soit donné acte de ce que, "contrairement aux dispositions du Code de procédure pénale, un assesseur s'est absenté de la salle des délibérés";

que le président a donné à l'avocat l'acte requis ;

Attendu que le donné acte ayant été délivré dans les termes mêmes de la demande, l'incident n'avait pas un caractère contentieux;

que, dès lors, le président avait le pouvoir de le concéder sans le concours de ses assesseurs ;

Qu'en outre, s'il est vrai que, par application de l'article 355, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les magistrats et les jurés ne peuvent sortir de la salle de délibérations qu'après avoir pris leurs décisions, la méconnaissance de ces prescriptions n'est cause de nullité que s'il en est résulté une communication de nature à exercer une influence illégale sur l'opinion de la Cour et du jury ;

Qu'il n'est pas établi que tel ait été le cas en l'espèce ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 378, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, pour déclarer l'accusé coupable des chefs de complicité de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par ascendant légitime, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime, violences ayant entraîné une incapacité totale temporaire pendant huit jours commises par le conjoint de la victime et le condamner à une peine de 12 ans de réclusion criminelle ainsi qu'à verser diverses sommes aux parties civiles, le procès-verbal des débats ne mentionne aucune date et l'arrêt de condamnation est en date du 6 mai 1997 ;

"alors que le procès-verbal des débats doit être signé dans les trois jours au plus tard qui suivent le prononcé de l'arrêt de condamnation;

qu'en l'état d'un procès-verbal des débats qui ne mentionne pas la date à laquelle il a été dressé, ce document ne permet donc pas de s'assurer que les formalités essentielles ont été observées, en sorte que l'annulation des débats et de l'arrêt est encourue, dès lors qu'il a été ainsi porté atteinte aux droits de la défense" ;

Attendu que le procès-verbal des débats mentionne "qu'il a été dressé en conformité de l'article 378 du Code de procédure pénale et signé par le président et le greffier le 7 mai 1997" ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Poisot conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Le Gall, Farge, Pelletier conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83277
Date de la décision : 29/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) COUR D'ASSISES - Débats - Incidents contentieux - Demande de donné acte - Donné acte dans les termes mêmes de la demande (non).

(Sur le premier moyen) COUR D'ASSISES - Délibération de la Cour et du jury - Secret - Sortie d'un juré de la chambre des délibérations avant la déclaration - Nullité - Conditions.


Références :

Code de procédure pénale art. 310 et 316

Décision attaquée : Cour d'assises de la GIRONde, 06 mai 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1998, pourvoi n°97-83277


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GUILLOUX conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.83277
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