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29/04/1998 | FRANCE | N°97-81240

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1998, 97-81240


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller BAILLOT, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Patrice, contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 19 février 1997, qui, pour abandon de famille, l'a condamnÃ

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller BAILLOT, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Patrice, contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 19 février 1997, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à 5 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire ampliatif produit et les observations complémentaires ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 227-3, 121-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reconnu le prévenu dans les liens de la prévention, l'a déclaré coupable du délit d'abandon de famille et l'a, en répression, condamné à 5 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans ;

"aux motifs que Patrice X... reconnaît qu'il doit un important arriéré de pensions alimentaires mais fait valoir qu'il vient seulement de retrouver un travail à temps complet et que son ex-épouse avait accepté la réduction de la pension à 3 000 francs par mois lorsqu'il s'est trouvé au chômage;

que, d'ailleurs, actuellement, la pension due a été réduite à 3 000 francs;

qu'il déclare avoir été jusqu'à présent à la charge de sa nouvelle épouse ;

qu'Annick Y... sollicite 10 000 francs à titre de dommages et intérêts et 10 000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"et aux motifs encore qu'il résulte du dossier que lorsqu'il a perdu son emploi au début de l'année 1994, Patrice X..., qui devait verser une pension de 5 100 francs pour les trois enfants, l'a réduite d'office à 3 000 francs;

qu'Annick Y... lui a écrit le 25 avril 1994 pour lui dire qu'elle comprenait qu'eu égard à sa situation la pension ait diminué, même si la décision aurait dû être prise par le tribunal et qu'elle comptait que, dès qu'il recevrait les indemnités de chômage, il continuerait des paiements réguliers;

qu'elle a déposé plainte le 18 juillet 1994 parce qu'elle avait appris qu'il avait retrouvé un emploi depuis 2 mois;

qu'il est clair qu'Annick Y... avait admis la réduction temporaire de la pension uniquement en raison du chômage de son ex-époux et que cela ne valait pas accord indéfini pour cette réduction;

qu'au demeurant, Patrice X..., ayant saisi le juge aux affaires familiales, celui-ci a réduit la pension à 4 200 francs par ordonnance du 6 octobre 1994;

que Patrice X... a interjeté appel et que, par arrêt du 6 novembre 1995, la Cour a encore réduit la pension à 3 000 francs, mais seulement à compter du 6 juin 1995, date du licenciement de Patrice X...;

qu'en effet, la situation professionnelle de ce dernier a été instable depuis son licenciement économique par la société Ceacti Bretagne en juillet 1993;

qu'il a travaillé pour la Macif jusqu'en février 1994, puis s'est trouvé 2 mois au chômage, a retrouvé un emploi à compter du 19 mai 1994 au service de la société Reflex informatique mais a été licencié en octobre, avec effet au 13 janvier 1995;

qu'ensuite, il a retravaillé du 7 juin au 15 septembre 1995 pour une société d'Arva puis, à compter du 19 septembre 1995, à mi-temps pour la Maison du Fief Joly;

qu'on ne peut déduire des éléments de la cause que Patrice X... a organisé son insolvabilité;

qu'il justifie avoir fait de nombreuses démarches pour retrouver un emploi;

qu'il s'avère, en fait, que ce n'est que devant l'échec de ses tentatives de reprise d'un travail d'analyste tel que celui qu'il occupait jusqu'en 1993 qu'il s'est résolu à revenir à son ancienne activité de kinésithérapeute;

que, toutefois, si Patrice X... a rencontré de réelles difficultés sur le plan professionnel, il résulte aussi clairement des pièces, que lui-même produit, qu'il a cultivé la qualité de victime à l'égard de son ex-épouse, adressant de longues lettres à ses enfants pour se justifier et accabler leur mère, à laquelle il n'hésite pas à reprocher d'avoir réinvesti dans l'achat d'une maison pour loger sa famille, en septembre 1994, les fonds résultant de la vente d'un immeuble commun, au lieu de les employer pour l'entretien et l'éducation des enfants;

qu'Annick Y... ne pouvait prévoir que les difficultés professionnelles de son ex-époux dureraient aussi longtemps et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir sauvegardé le patrimoine devant revenir un jour à ses enfants;

qu'elle justifie que sa situation personnelle est difficile puisqu'elle ne travaille qu'à temps partiel (44 heures) comme garde de nuit, tout en poursuivant des études d'infirmière et doit entretenir trois enfants et payer toutes les charges, y compris le remboursement du crédit immobilier qu'elle a contracté, avec ce salaire complété par la pension alimentaire et les allocations familiales;

que, même si Patrice X... devait également payer une pension pour un enfant d'un premier lit, il n'apparaît pas qu'il ait fait tous les efforts nécessaires pour s'acquitter de ses obligations envers sa seconde épouse et des trois autres enfants;

qu'après avoir réduit d'office la pension à 3 000 francs en février 1994, il ne l'a pas réaugmentée quand il a retrouvé du travail, continuant à ne verser que 3 000 francs pendant toute sa période d'emploi au service de la société Reflex Informatique et ce, malgré une décision ayant réduit la pension à 4 200 francs;

qu'il y a lieu de prononcer contre Patrice X... une peine d'emprisonnement qui sera assortie du sursis avec mise à l'épreuve afin de le contraindre de respecter ses obligations alimentaires ;

"et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, qu'il résulte des éléments du dossier et des débats que les faits sont établis à l'encontre du prévenu ;

"alors que le délit d'abandon de famille est un délit intentionnel;

qu'aux termes de l'article 121-3 du Code pénal, il n'y a pas de délit sans intention de le commettre;

qu'en l'état de la singularité de la situation telle que décrite par la Cour, celle-ci se devait de relever l'intention délictueuse;

qu'en restant muette quant à ce, elle ne justifie pas légalement son arrêt" ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'abandon de famille, la cour d'appel relève qu'il a reconnu devoir un important arriéré de pension;

que s'il a rencontré de réelles difficultés sur le plan professionnel, il n'apparaît pas, toutefois, qu'il ait fait tous les efforts nécessaires pour s'acquitter de ses obligations pendant la période où il a retrouvé du travail ;

Attendu que ces énonciations établissent que c'est volontairement que Patrice X... s'est abstenu d'exécuter les décisions judiciaires précitées ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Baillot conseiller rapporteur, MM. Massé de Bombes, Le Gall, Farge, Pelletier conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81240
Date de la décision : 29/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ABANDON DE FAMILLE - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Preuve - Débiteur ayant connu des difficultés sur le plan professionnel mais ayant retrouvé du travail.


Références :

Code pénal 121-3 et 227-3

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 19 février 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1998, pourvoi n°97-81240


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GUILLOUX conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81240
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