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29/04/1998 | FRANCE | N°96-85448

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1998, 96-85448


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle Guy LESOURD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Daniel, contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en da

te du 28 octobre 1996, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d'inf...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle Guy LESOURD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Daniel, contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 28 octobre 1996, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d'infraction à la réglementation sur la rédaction d'actes sous seing privé, a prononcé sur l'action civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 54, 59, 66-2 et 72 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, 4 de l'ancien Code pénal, 112-1 du nouveau Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 15 du Pacte des Nations-Unies relatif aux droits civils et politiques, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 2 de la loi du 3 août 1995, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré amnistiée l'infraction reprochée à Daniel X..., a condamné celui-ci à des réparations civiles au bénéfice de l'Ordre des avocats de Caen et de la confédération nationale des avocats ;

"alors, d'une part que nul ne peut être déclaré coupable de faits qui, à la date à laquelle ils ont été commis, n'étaient constitutifs d'aucune infraction au sens du droit national ou international;

que, par conséquent, nul ne peut se voir déclarer amnistié de faits qui, à la date à laquelle ils ont été commis, n'étaient susceptibles de recevoir aucune qualification pénale;

qu'en l'espèce, les faits de rédaction d'actes sous seing privé reprochés à Daniel X... n'étaient susceptibles de recevoir aucune qualification pénale à la date (1993) à laquelle ils ont été commis;

qu'il s'ensuit que la Cour devait constater que la poursuite était exercée en violation du principe de la légalité des délits et des peines et renvoyer la partie civile qui avait agi sur citation directe à se mieux pourvoir, sans pouvoir déclarer les faits amnistiés et, a fortiori, condamner Daniel X... à des réparations civiles ;

"alors, d'autre part qu'aux termes de l'article 67 de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, les titres I, II et III de la loi, les articles 48 et 52 du titre IV et l'article 61 du titre V de la loi entraient en vigueur le 1er janvier 1992 et les autres dispositions des titres IV et V, ainsi que le titre VI entraient en vigueur au jour de la publication de la loi;

que l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par ce texte ne réserve la possibilité de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé pour autrui à titre habituel et rémunéré au titulaire d'une licence en droit ou d'un titre ou diplôme équivalent qu'après un délai de quatre années à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1990;

qu'en l'espèce, il est constant que les faits reprochés au demandeur ont tous été commis en 1993, soit pendant la période pendant laquelle la liberté de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé était totale sous réserve d'être exempt de toute condamnation pénale, disciplinaire ou de faillite;

que Daniel X... qui n'a jamais été condamné pénalement, n'a jamais fait l'objet d'une sanction administrative ou disciplinaire de destitution, radiation, révocation, retrait d'agrément ou d'autorisation, et n'a jamais été frappé de faillite, n'a donc, en effectuant les actes incriminés, commis aucune infraction pénale portant préjudice à quiconque et en particulier à l'Ordre des avocats de Caen et à la Confédération nationale des Avocats dont la constitution de partie civile devait, par conséquent, être déclarée irrecevable ;

"alors, en outre que, l'infraction n'est constituée que si les consultations et rédactions d'actes sous seing privé sont données ou effectuées à titre habituel et rémunéré;

qu'en aucune de ses énonciations, l'arrêt attaqué ne constate que les services rendus par Daniel X... l'aient été à titre habituel et aient fait l'objet d'une rémunération;

qu'en réalité, il résulte de ces énonciations que ces rédactions d'actes ne sont intervenues que les 21 mai, 4 octobre, 8 novembre et 1er décembre 1993, ce qui caractérise une pratique non pas habituelle mais épisodique qui ne tombe pas sous le coup de la prohibition posée par l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990;

qu'ainsi, en l'absence de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, les condamnations à des réparations civiles prononcées à l'encontre de Daniel X... sont illégales" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 59 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, 2, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, après avoir déclaré amnistiée l'infraction reprochée à Daniel X..., l'arrêt attaqué l'a condamné à des réparations civiles au bénéfice de l'Ordre des avocats de Caen et de la Confédération nationale des avocats ;

"aux motifs que l'accessoire direct de la prestation d'entremise doit être nécessairement subordonné au service du principal et tendre à la réalisation de l'objectif essentiel poursuivi par les parties;

que, dans le cas des cessions de fonds de commerce, l'objectif des parties était la transmission d'un bien du patrimoine du vendeur dans celui de l'acquéreur;

que la création de sociétés civiles ou commerciales à la seule demande de l'acquéreur ne concourait pas à établir ou à favoriser ce transfert, mais avait pour seule finalité l'organisation d'une gestion appropriée du bien acquis dans le seul intérêt de l'acquéreur;

que la création d'une personne morale nécessitait de surcroît une appréciation de ses conséquences patrimoniales, fiscales et sociales, ce qui excédait le cadre de l'entremise en matière immobilière;

que, dès lors, la constitution de société dans l'intérêt du seul acquéreur à l'occasion de la vente d'un fonds de commerce ne pouvait être qualifiée d'accessoire direct de la prestation principale;

que, par ailleurs, la création de sociétés et la rédaction de leurs statuts n'étaient pas au nombre des activités limitativement énumérées à l'article 1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les fonds de commerce ;

"alors, d'une part, que constitue un accessoire direct à l'activité du mandataire de vente et d'achat de fonds de commerce le fait pour ce professionnel de rédiger les statuts de la personne morale qui doit se porter acquéreur du fonds de commerce dont il négocie la transaction;

qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé par fausse application tant l'article 59 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990 que l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

"alors, d'autre part, et en tout état de cause que, à supposer que la rédaction des statuts de société de l'acquéreur d'un fonds de commerce ne soit pas un accessoire direct de l'activité du mandataire, une telle activité, dans la mesure où elle a un caractère ponctuel ou épisodique ne tombe pas sous le coup de la prohibition de l'article 54;

qu'en l'espèce où il résulte des termes mêmes de la prévention que Daniel X... ne s'étant livré que quatre fois à une telle activité au cours de l'année 1993, l'infraction n'était pas constituée en sorte que l'action civile était irrecevable" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, d'une part, Daniel X... a été civilement condamné pour avoir contrevenu aux dispositions des articles 54, 5° et 59 de la loi du 31 décembre 1971, qui définissent les conditions dans lesquelles les personnes exerçant des professions réglementées sont autorisées à rédiger des actes sous seing privé et non pour avoir rédigé de tels actes, sans être titulaire des diplômes visés à l'article 54, 1° de la même loi ;

Attendu que, d'autre part, pour caractériser l'infraction poursuivie, la juridiction du second degré retient, par motifs propres et adoptés, que Daniel X..., mandataire en transaction immobilière, a procédé, en 1993, à la création de quatre sociétés et à la rédaction de leurs statuts, dans le cadre de ses activités rémunérées d'entremise ;

Que, pour écarter le moyen de défense du prévenu, qui soutenait que ces actes constituaient l'accessoire de la prestation fournie, dans les termes de l'article 59 de la loi précitée, les juges énoncent que la création d'une société et la rédaction de ses statuts, réalisés dans l'intérêt du seul acquéreur à l'occasion de la vente d'un fonds de commerce, afin d'optimiser la gestion patrimoniale de ce bien, ne sauraient être considérés comme l'accessoire de cette prestation;

qu'ils ajoutent que de tels actes n'entrent pas, de surcroît, dans les prévisions de la loi du 2 janvier 1970 à laquelle le prévenu est professionnellement soumis ;

Qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, dès lors, les moyens, pour partie inopérants, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Aldebert conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Sassoust conseiller rapporteur, MM. Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-85448
Date de la décision : 29/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, 28 octobre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1998, pourvoi n°96-85448


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ALDEBERT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.85448
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