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07/04/1998 | FRANCE | N°95-20136

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 avril 1998, 95-20136


Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident ;

Attendu, selon le jugement déféré, que la société Laubeuf (la société) a procédé, les 19 juin 1989, 24 juin 1991 et 22 juin 1992, à l'augmentation de son capital par incorporation de réserves, bénéfices ou provisions ; qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 3 % sur le fondement de l'article 812-1.1° du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'elle a, le 28 octobre 1993, réclamé la restitution des droits ainsi acquittés ; qu'après le rejet de

sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux de Seine-Sai...

Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident ;

Attendu, selon le jugement déféré, que la société Laubeuf (la société) a procédé, les 19 juin 1989, 24 juin 1991 et 22 juin 1992, à l'augmentation de son capital par incorporation de réserves, bénéfices ou provisions ; qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 3 % sur le fondement de l'article 812-1.1° du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'elle a, le 28 octobre 1993, réclamé la restitution des droits ainsi acquittés ; qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux de Seine-Saint-Denis devant le tribunal de grande instance ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société fait grief au jugement d'avoir ordonné la seule restitution partielle des droits d'enregistrement pour la partie excédant le taux de 1 % permis par la directive susvisée, alors, selon le pourvoi, que les autorités de l'Etat ne peuvent se prévaloir des dispositions d'une directive qui n'ont pas fait l'objet d'une transposition dans le droit interne ; qu'en appliquant néanmoins le taux de 1 % prévu par les articles 4.2 a et 7.1 a de la directive 69-335/CEE du 17 juillet 1969 modifiée non transposée en droit interne, le Tribunal a violé ces textes par fausse application ;

Mais attendu que c'est à bon droit qu'ayant retenu que l'article 812-1.1° du Code général des impôts n'était que partiellement incompatible en ce qu'il instituait un droit de 3 % tandis que la directive 69-335 du Conseil du 17 juillet 1969 modifiée concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux dispose que le taux maximal autorisé pour ces opérations est de 1 %, le Tribunal en a déduit que la répétition des droits d'enregistrement indûment versés ne pouvait porter que sur la part de ces droits dont il constatait l'incompatibilité, l'article 812-1.1° demeurant en partie applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 189 du Traité instituant la Communauté européenne et les articles L. 190, alinéa 1er, et R. 196-1 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que, pour déclarer la demande recevable pour l'opération du 19 juin 1989 enregistrée le 19 juillet 1989, le Tribunal retient que la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 25 juillet 1991 (Emmott), a décidé que le droit communautaire s'oppose à ce que les autorités compétentes d'un Etat membre invoquent les règles de procédures nationales relatives aux délais de recours dans le cadre d'une action engagée à leur encontre devant les juridictions nationales aussi longtemps que cet Etat membre n'a pas transposé correctement les dispositions d'une directive dans son ordre juridique interne ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 2 décembre 1997 (Fantask), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que le droit communautaire n'interdit pas à un Etat membre, qui n'a pas transposé correctement la directive 69-335, telle que modifiée, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive un délai de prescription national qui court à compter de la date d'exigibilité des droits en cause, dès lors qu'un tel délai n'est pas moins favorable pour les recours fondés sur le droit communautaire que pour les recours fondés sur le droit interne et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; qu'elle a précisé dans le même arrêt que des délais raisonnables de recours ne sauraient être considérés comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée ; qu'il en résulte que le délai de réclamation de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, d'application générale, pouvait être opposé par l'administration fiscale à la société ; qu'ayant constaté que la réclamation de la société avait été présentée le 28 octobre 1993, soit postérieurement au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté, le Tribunal a méconnu la portée des textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Laubeuf pour l'opération d'augmentation du capital enregistrée le 19 juillet 1989, le jugement rendu le 6 juillet 1995, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bobigny ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de la société Laubeuf en restitution des droits d'enregistrement acquittés pour l'opération d'augmentation du capital enregistrée le 19 juillet 1989.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-20136
Date de la décision : 07/04/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Société - Dispositions particulières à certaines conventions - Augmentation de capital - Taux de 3 % - Directive n° - Incompatibilité partielle - Effets - Répétition partielle.

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Contributions indirectes - Rassemblement de capitaux - Droit d'apport - Augmentation de capital - Taux national de 3 % - Part incompatible - Répétition.

1° C'est à bon droit qu'ayant retenu que l'article 812-1.1° du Code général des impôts n'était que partiellement incompatible en ce qu'il instituait un droit de 3 % tandis que la directive n° 69-335 du Conseil du 17 juillet 1969 modifiée concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux dispose que le taux maximal autorisé pour ces opérations est de 1 %, un Tribunal en a déduit que la répétition des droits d'enregistrement indûment versés ne pouvait porter que sur la part de ces droits dont il constatait l'incompatibilité, l'article 812-1.1° demeurant en partie applicable.

2° IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Réclamation préalable - Délai - Champ d'application - Impôt perçu en violation de la directive n°.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Contributions indirectes - Rassemblement de capitaux - Transposition incorrecte - Portée - Réclamation préalable - Délai.

2° A méconnu la portée des articles 189 du Traité instituant la Communauté européenne, L. 190, alinéa 1er, et R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, le Tribunal, qui, pour déclarer recevable une réclamation tardive au regard de ce dernier texte retient que la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 25 juillet 1991 (Emmott), a décidé que le droit communautaire s'oppose à ce que les autorités compétentes d'un Etat membre invoquent les règles de procédures nationales relatives aux délais de recours dans le cadre d'une action engagée à leur encontre devant les juridictions nationales aussi longtemps que cet Etat membre n'a pas transposé correctement les dispositions d'une directive dans son ordre juridique interne, alors que, dans un arrêt du 2 décembre 1997 (Fantask), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que le droit communautaire n'interdit pas à un Etat membre, qui n'a pas transposé correctement la directive n° 69-335, telle que modifiée, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive un délai de prescription national qui court à compter de la date d'exigibilité des droits en cause, dès lors qu'un tel délai n'est pas moins favorable pour les recours fondés sur le droit communautaire que pour les recours fondés sur le droit interne et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; qu'elle a précisé dans le même arrêt que des délais raisonnables de recours ne sauraient être considérés comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée ; qu'il en résulte que le délai de réclamation de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, d'application générale, pouvait être opposé par l'administration fiscale à la société.


Références :

1° :
1° :
2° :
CGI 812-1-1
CGI L190 par. 1, R196-1
Directive 69-335 du 17 juillet 1969 2° :
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 189

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bobigny, 06 juillet 1995

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1997-04-01, Bulletin 1997, IV, n° 93 (1), p. 82 (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 avr. 1998, pourvoi n°95-20136, Bull. civ. 1998 IV N° 130 p. 104
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 130 p. 104

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : Mme Thouin-Palat, la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.20136
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