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02/04/1998 | FRANCE | N°97-81481

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 avril 1998, 97-81481


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Statuant sur les pourvois formé par :

- X... Daniel,

- Z... Monique, épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en

date du 30 janvier 1997, qui, pour fraude fiscale, a condamné le premier à 10 mois d'em...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Statuant sur les pourvois formé par :

- X... Daniel,

- Z... Monique, épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 30 janvier 1997, qui, pour fraude fiscale, a condamné le premier à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende, la seconde à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 bis, 44 ter, 44 quater, 1741, 1743 et 1745 du Code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable du délit de fraude fiscale, la condamnant à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 50 000 francs ;

"aux motifs que "la SARL Traksen a repris une partie du personnel de la société Yoster non inscrite au registre du commerce des sociétés (RCS) (en règlement judiciaire le 15 mars 1984)

- 7 personnes - dont Monique X... elle-même ;

"certains chantiers commencés par Yoster ont été terminés par Traksen ;

"des factures adressées à Yoster ont été surchargées pour être mises manuscritement au nom de Traksen ;

"le matériel loué par Yoster a été repris en location par Trasksen, l'activité était la même ;

"enfin, Monique X... occupait au sein de "Yoster" des fonctions supérieures à celles de chef d'agence ou de directeur commercial dont elle se qualifiait;

les correspondances suivies qu'elle entretenait avec l'administration des Impôts indiquent qu'elle exerçait des fonctions d'animation et de direction dans la "société Yoster" (cf. bordereau du 29 mai 1995 de l'administration des Impôts - pièces non cotées) ;

"c'est donc à juste titre que le tribunal l'a déclarée coupable de ce chef de prévention en estimant que Traksen qui n'était pas une entreprise nouvelle ne pouvait bénéficier du régime d'exonération qu'elle revendiquait" ;

"alors, d'une part, que Monique X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la jurisprudence la plus récente estimait tout d'abord que l'entreprise créée par un salarié licencié à la suite de la fermeture d'un établissement d'une société ne pouvait pas être considérée comme la reprise des activités de cet établissement bien qu'elle exerçât une activité similaire, dans les mêmes locaux et avec la même clientèle, en l'absence de tout lien juridique ou économique avec l'entreprise préexistante, et ensuite que l'embauche d'une partie du personnel salarié de l'entreprise individuelle par la société nouvelle, elle-même créée par des anciens salariés de cette entreprise, l'exercice de la même activité peu de temps après la cessation de cette activité par l'entreprise dont elle avait repris un marché, l'acquisition par la société nouvelle d'une partie du matériel mis en vente par l'entreprise, n'étaient pas de nature à établir la continuité entre les activités de deux entreprises;

qu'en ne répondant pas à ces conclusions dirimantes de nature à établir le caractère nouveau de l'activité exercée par la société Traksen et en se bornant à retenir que cette société avait repris du personnel de la société Yoster, que l'activité était semblable, que des factures adressées à la société Yoster avaient été retrouvées dans la comptabilité Traksen et que Monique X... exerçait des fonctions d'animation et de direction dans la société Yoster, cependant que ces circonstances n'étaient pas de nature à remettre en cause le caractère nouveau de l'activité de la société Traksen, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'en application de l'article L. 227 du livre des procédures fiscales, les juges qui prononcent une condamnation sur le fondement de l'article 1741 du Code général des impôts ne peuvent se borner à analyser les éléments matériels de la prévention, mais doivent également caractériser à la charge des prévenus l'élément personnel de mauvaise foi exigé et dont la preuve incombe au ministère public et à l'Administration fiscale;

qu'en l'espèce la cour d'appel, qui n'a pas constaté les faits propres à caractériser la connaissance par Monique X... de la non-réunion des conditions exigées par la loi pour obtenir le bénéfice du régime fiscal prévu par les articles 44 bis et 44 quater du Code général des impôts, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1745 du Code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, renversement de la charge de la preuve, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable de fraude fiscale pour minoration de la base taxable et majoration du droit à déduction au regard de la TVA . "aux motifs que "le rapprochement du chiffre d'affaires taxable porté sur les déclarations de chiffres d'affaires et le montant des encaissements effectivement réalisés par la société a mis en évidence une minoration de plus de 6,7 millions de francs pour lesquels la TVA due correspondante était inscrite au passif de la société ;

"aucun des arguments en défense ne vient contredire ces constatations ;

"il est à noter en outre :

"- que Monique X... a déposé tardivement la déclaration de résultat, de la société Traksen pour l'exercice clos le 31 décembre 1987, la mise en redressement judiciaire de la société le 3 décembre 1987 ne la dispensant pas de ses obligations, "- que les impôts éludés (IPS) portent, en tout état de cause, sur plus de 2 millions de francs et la TVA éludée sur près d'un million de franc, "- que le livre d'inventaire, le registre des procès-verbaux des?? ont été cotés et paraphés tardivement, "- que les inventaires n'étaient pas détaillés, que des notes de frais et des factures étaient surchargées et que des pièces justificatives de frais n'étaient pas produites" ;

"alors, d'une part, qu'il résulte des dispositions des articles L. 227 du livre des procédures fiscales comme des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts qu'en cas de poursuites tendant à l'application de ces textes, le ministère public et l'Administration doivent rapporter la preuve des éléments tant matériels qu'intentionnel des infractions qu'ils prévoient, la loi ne créant dans ce domaine aucune présomption de responsabilité;

qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a en rien caractérisé l'intention délictueuse de Monique X... ;

"alors, d'autre part, que les juges du fond ont laissé sans réponse les conclusions de Monique X... dans lesquelles elle faisait valoir qu'au regard de la complexité du traitement fiscal, il n'existait pas d'élément intentionnel permettant de conclure que Monique X... avait minoré la TVA" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, de l'article L. 227 du livre des procédures pénales, 1315 du Code civil, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables du délit de fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu ;

"aux motifs que " la vérification a constaté que les comptes bancaires des époux X... faisaient apparaître des crédits très supérieurs aux revenus bruts déclarés correspondant notamment à des versements en espèces pour 1 323 000 francs en 1984 et 1985 (impôts éludés 824 000 francs) ;

"les époux X... exposent :

"1) que ces sommes provenaient de remboursement de frais

"2) que ces sommes étaient versées en espèces sur leur CPP après avoir transité sur le compte Sofinco ;

"il faut cependant observer que quoi qu'il en soit des explications des époux X... et des justifications qu'ils produisent, il reste un écart très supérieur à 1 000 francs entre les sommes qu'ils disent provenir de causes régulières et le total des sommes reprises par l'Administration ;

"il est donc normal que, par la différence, très supérieure à 1 000 francs, l'Administration considère que les revenus que les époux X... n'ont pas déclarés sont des revenus occultes, fiscalement et pénalement, "en ce qui concerne les époux X... sur l'IRPP et en ce qui concerne Monique X... sur l'IRPP et les fraudes commises dans le cadre de sa gérance de Trasken, la Cour estime caractérisé l'élément moral au vu des éléments suivants :

"- ils avaient fait l'objet d'une précédente vérification IRPP sur les revenus 1980 à 1983, "- les sommes fraudées sont importantes, "- Monique X..., chef d'entreprise chevronnée, a mis en oeuvre des moyens frauduleux" ;

"alors, d'une part, qu'il appartient à l'Administration et au ministère public d'apporter la preuve de la fraude;

qu'en retenant la culpabilité des époux X... au seul motif que la vérification a constaté que les comptes bancaires des époux X... faisaient apparaître des crédits très supérieurs aux revenus bruts déclarés correspondant notamment à des versements en espèces pour 1 323 000 francs en 1984 et 1985 et que l'Administration considère que les revenus que les époux X... n'ont pas déclarés sont des revenus occultes fiscalement et pénalement, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve qui incombe aux parties poursuivantes et qui ne sauraient résulter de simples hypothèses envisagées par l'Administration et relevées par la cour d'appel à l'appui de sa décision ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel qui, pour déclarer constitué le délit de fraude fiscale reproché aux époux X..., se fonde sur le fait que les sommes litigieuses ont été considérées par l'Administration fiscale comme des revenus occultes, a méconnu le principe selon lequel le juge pénal ne peut fonder l'existence de dissimulations volontaires des sommes sujettes à l'impôt sur les seules évaluations que l'Administration a été amenée à faire selon ses procédures propres et n'a donc donné aucune base légale à sa décision ;

"alors, enfin qu'en application de l'article L. 227 du livre des procédures fiscales, les juges ne peuvent se borner à analyser les éléments matériels de la prévention mais doivent également caractériser l'élément intentionnel du délit dont la preuve incombe au ministère public et à l'Administration judiciaire;

qu'en se bornant à énoncer que les époux X... avaient fait l'objet d'une précédente vérification IRPP sur les revenus 1980 à 1983 sans répondre au moyen dirimant des époux X... qui faisaient valoir que l'Administration avait elle-même reconnu le mal-fondé des redressements effectués de 1980 à 1983 et qui contribuait donc à écarter le prétendu élément intentionnel du délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D' où il suit que les moyens qui, se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Roger conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81481
Date de la décision : 02/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 30 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 avr. 1998, pourvoi n°97-81481


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81481
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