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02/04/1998 | FRANCE | N°96-40860

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 1998, 96-40860


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société France Routage, dont le siège est ..., en cassation de deux arrêts rendus le 12 juillet 1995 et le 15 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section B), au profit de M. Jean Z..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chagny, Bo

uret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat géné...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société France Routage, dont le siège est ..., en cassation de deux arrêts rendus le 12 juillet 1995 et le 15 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section B), au profit de M. Jean Z..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société France Routage, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. Z..., engagé le 9 octobre 1989 par la société France Routage en qualité d'attaché de direction, remettait le 7 septembre 1992 à son directeur deux lettres de démission, l'une pour convenances personnelles, l'autre pour raison de santé et signait un document établi par l'employeur et intitulé "accord de résiliation conventionnelle pour convenance personnelle", prévoyant les conséquences financières de cette rupture;

que, dès le lendemain, il contestait cette démission et cet accord et se présentait en vain sur son lieu de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 1995), d'avoir, écartant la démission de M. Z..., considéré qu'il avait été licencié et d'avoir en conséquence condamné la société à lui verser diverses sommes à titre de rupture abusive et de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

alors que, selon le moyen, d'une part, les motifs dubitatifs ne peuvent servir de support à une décision de justice et ne peuvent profiter à une partie, qui ayant la charge de la preuve de l'existence d'un vice de son consentement, n'a pas établi le bien-fondé de ses prétentions;

que, s'il appartient aux juges du fond d'apprécier au vu des circonstances si, nonobstant une lettre claire et précise de démission, le salarié a librement décidé de mettre un terme à son activité, ils ne peuvent se fonder sur un motif dubitatif pour retenir l'existence d'une contrainte exercée par l'employeur;

qu'en retenant que la menace de licenciement avait pu dénaturer cette volonté pour dire que la démission de M. Z... n'avait pas été librement décidée, la cour, statuant par un motif dubitatif, a fait bénéficier le débiteur de la preuve du doute subsistant sur l'existence d'un vice de son consentement en violation des articles 1315 et 1110 du Code civil, et 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors que, de deuxième part, la menace de l'exercice d'une voie de droit légale et légitime n'est pas constitutive d'un vice du consentement;

que la démission d'un salarié qui survient après qu'il a été informé par son employeur d'un possible licenciement pour fautes graves n'en est pas moins valable dès l'instant où il n'a subi aucune pression;

qu'en se contentant de relever pour juger que la démission de M. Z... était viciée, que ce dernier avait été menacé de licenciement sans caractériser une quelconque contrainte exercée sur la volonté de ce dernier, une simple menace de licenciement était à elle seule insuffisante pour vicier la démission, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail et 1111 du Code civil;

alors que, de troisième part, les juges du fond doivent s'expliquer sur toutes les pièces et les faits qui sont dans le débats;

que la société versait aux débats deux témoignages;

que Mme X..., directrice de la comptabilité, attestait que "l'atmosphère, lors du rendez-vous du 7 septembre 1992, était détendue, M. Z... souriant";

que M. Y..., directeur des ressources humaines, rapportait que lors de cet entretien, M. Z... n'avait pas nié les fautes graves qui lui étaient reprochées, et qu'il souhaitait démissionner de ses fonctions, au lieu d'être licencié, "la rupture sera ainsi plus présentable";

qu'en jugeant que M. Z... avait subi des pressions sans examiner ces pièces qui établissaient que M. Z... n'avait subi aucune contrainte et avait librement opté pour la démission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail;

alors que, de quatrième part, en cas de contestation par le salarié des conditions dans lesquelles il a donné sa démission, un employeur n'a pas à l'accueillir au sein de son entreprise dans l'attente d'une solution judiciaire;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-40 du Code du travail ;

Mais attendu, que la cour d'appel qui n'a pas employé de motif dubitatif a relevé que l'entretien au cours duquel le salarié avait donné sa démission s'était déroulé le jour même de son retour de congés, qu'il avait alors appris, sans qu'il y ait eu convocation à un entretien préalable et sans que lui soit accordé un délai de réflexion, que son employeur avait l'intention de le licencier pour faute grave et qu'il avait immédiatement contesté sa démission;

que les juges du fond, appréciant souverainement les éléments de preuve qui leur étaient soumis, ont ainsi fait ressortir que le salarié n'avait pas eu la volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail ;

Attendu, ainsi, que la cour d'appel n'a pas dit que l'employeur devait accueillir le salarié dans l'entreprise dans l'attente d'une solution judiciaire ;

Que les griefs du moyen ne sont pas fondés ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait également grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'en cas d'annulation par les juges du fond d'une démission, ces derniers doivent rechercher, nonobstant l'absence d'une lettre de licenciement, si la rupture du contrat de travail n'est pas néanmoins justifiée par une cause réelle et sérieuse;

qu'en se bornant à relever, pour condamner la société à verser à son ancien salarié diverses sommes au titre d'un licenciement abusif, que la lettre de rupture émanant de l'employeur, en date du 26 septembre 1992, ne contenait aucun grief alors qu'il leur appartenait, après avoir estimé que la démission n'était pas valable, de rechercher si, nonobstant l'inexistence d'une lettre de rupture circonstanciée, des causes réelles et sérieuses n'étaient pas à l'origine de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4 et L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la lettre aux termes de laquelle l'employeur considérait le contrat comme définitivement rompu ne comportait aucun motif, a décidé à bon droit, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France Routage aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40860
Date de la décision : 02/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section B), 12 juillet 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 1998, pourvoi n°96-40860


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.40860
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