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01/04/1998 | FRANCE | N°97-83237

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 avril 1998, 97-83237


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de Me Z..., la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE (CNA), partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, cha

mbre correctionnelle, du 15 mai 1997, qui, dans la procédure suivie contre Gilb...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller A..., les observations de Me Z..., la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE (CNA), partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, du 15 mai 1997, qui, dans la procédure suivie contre Gilbert X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 du Code civil, 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, L. 376-1 et L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, 2 et 35 de la Convention franco-suisse du 3 juillet 1975, 41 à 43 de la loi fédérale suisse sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté le recours de la Caisse Nationale Suisse à l'égard de Gilbert X... au titre de l'incapacité temporaire d'Yvon B... et, en conséquence, a condamné la Caisse Nationale Suisse, compte tenu de la provision de 90 000 francs perçue par elle, à rembourser à Gilbert X... la différence entre cette somme et l'addition de 13 768, 75 francs suisses convertis en francs français au jour du remboursement et 20 000 francs français ;

"aux motifs que le préjudice de la victime au titre de l'incapacité totale de travail et de l'incapacité totale permanente s'élève à la somme de 120 155, 18 francs suisses;

qu'il y a lieu compte tenu du partage de responsabilité par moitié de fixer l'indemnité à la charge de Gilbert X..., au titre de l'incapacité totale de travail et au titre de l'incapacité totale permanente à la somme de 120 155, 88 francs suisses : 2 = 60 077, 59 francs suisses;

qu'en ce qui concerne l'incapacité totale de travail, la Caisse Nationale Suisse n'a versé que 90 296 francs suisses alors que le préjudice de la victime a été évalué par la Cour à la somme de 120 155, 18 francs suisses;

qu'en conséquence, il existe au préjudice de la victime un déficit de 120 155, 18 francs suisses - 90 296, 00 francs suisses =

29 859, 18 francs suisses;

que la victime bénéfice sur la Caisse Nationale Suisse d'un droit prioritaire à indemnisation et qu'en conséquence Gilbert X... sera condamné à verser aux héritières d'Yvon B... la somme de 29 859, 18 francs suisses et à la Caisse Nationale Suisse le solde soit la somme de 30 218, 41 francs suisses, le tout en équivalent en francs français au jour du règlement (arrêt, pages 6 à 8) ;

"alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ;

"qu'ainsi, encourt la censure l'arrêt qui, dans son dispositif, s'abstient de condamner Gilbert X... à rembourser à la Caisse Nationale Suisse la somme de 30 218, 41 francs suisses, au titre de l'incapacité totale de travail et de l'incapacité totale permanente, tout en relevant, dans ses motifs, que Gilbert X... devra être condamné à verser cette somme à la demanderesse" ;

Attendu qu'appelée à statuer sur la réparation du dommage corporel subi par Yvon B..., blessé lors d'un accident survenu le 18 novembre 1989 et dont Gilbert X... a été reconnu responsable pour moitié, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de la Caisse Nationale Suisse d'Assurances en cas d'accidents (CNA) tendant à obtenir le remboursement de ses prestations;

qu'après fixation de la créance de la victime et application du partage de responsabilité, les juges énoncent qu'en vertu du droit préférentiel de l'assuré prévu par la loi fédérale suisse, le prévenu doit verser, au titre de l'incapacité temporaire de travail, la somme de 29 859, 18 francs suisses aux héritiers de la victime, le solde, soit 30 218, 41 francs suisses, revenant à la CNA;

que le dispositif de l'arrêt ne mentionne pas cette dernière somme et n'alloue à la CNA que le montant des frais médicaux ;

Attendu que le défaut de concordance entre le dispositif et les motifs résulte à l'évidence d'une omission purement matérielle pouvant être réparée par la procédure prévue par les articles 710 et 711 du Code de procédure pénale et ne saurait entraîner ouverture à cassation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 du Code civil, 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985, L.376-1 et L.454-1 du Code de la sécurité sociale, 2 et 35 de la Convention franco-suisse du 3 juillet 1975, 41 à 43 de la loi fédérale suisse sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté le recours de la caisse nationale Suisse à l'égard de Gilbert X... au titre du préjudice esthétique et au titre du préjudice d'agrément ;

"aux motifs qu'Yvon B... n'ayant subi son préjudice que pendant 3 ans et demi, les postes de préjudice doivent être modifiés comme suit;

préjudice d'agrément : 1 590,90 francs français, préjudice esthétique : 1 590, 90 francs français;

que la CNA justifie avoir versé à la victime la somme de 12 240, 00 francs suisses, soit celle de 48 960 francs pour un cours estimé à 1 FS = 4 FF, à titre d'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique;

que s'agissant de la répartition des sommes, en vertu de l'article 43 de la LAA, l'assureur n'est subrogé aux droits de l'assuré et de ses survivants que dans la mesure où les prestations qu'il alloue, jointes à l'indemnité due par le tiers, excèdent le montant du dommage et que les droits qui ne passent pas à l'assureur restent acquis à l'assuré et à ses survivants;

si seule une partie de l'indemnité due par le tiers peut être récupérée, l'assuré et ses survivants ont un droit préférentiel sur cette partie;

que ce principe revêt une importance particulière en cas de partage de responsabilité entre la victime et le tiers car si en raison de la réduction de la quote-part de responsabilité, l'indemnité due par le tiers ne suffit pas à couvrir la créance récursoire de la Caisse Nationale Suisse, et le montant du dommage non couvert, l'assuré ou ses survivants disposent d'un droit préférentiel;

qu'en application du droit préférentiel de l'assuré le montant de l'indemnité due par le tiers responsable servira d'abord à réparer le préjudice non couvert de l'assuré ou de ses survivants et que la Caisse Nationale Suisse devra se contenter du solde à sa disposition;

qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité par moitié, de fixer l'indemnité à la charge de Gilbert X... de la façon suivante : préjudice d'agrément 1 590,90 francs français : 2 =

795 francs français, préjudice esthétique 1 590,90 francs français :

2 = 795 francs français, souffrances physiques : 40 000 francs français : 2 = 20 000 francs français;

qu'en ce qui concerne l'indemnisation des frais médicaux et des souffrances physiques, la Caisse Nationale Suisse a servi des prestations supérieures à l'indemnisation du préjudice de la victime ;

que Gilbert X... sera condamné à verser la somme de 13 768,75 francs suisses au titre des frais médicaux et celle de 20 000 francs français au titre des souffrances physiques;

que Gilbert X... sera condamné à indemniser le préjudice esthétique de la victime à hauteur de 795 francs français et le préjudice d'agrément à hauteur de 795 francs français (arrêt pages 6 à 8) ;

"alors qu'aux termes de l'article 43, alinéa 1er, de la loi fédérale suisse du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents, applicable devant les juridictions françaises en vertu de la convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, les droits, objet du recours subrogatoire de l'assureur, passent à celui-ci séparément pour les prestations de même nature, tandis qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 43, sont notamment de même nature l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et l'indemnité à titre de réparation morale ;

"qu'en l'espèce, il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que les dommages moraux de la victime sont constitués de souffrances physiques, à concurrence de 40 000 francs français, d'un préjudice esthétique, à concurrence de 1 590,90 francs français, et d'un préjudice d'agrément, à concurrence de 1 590,90 francs français, tandis qu'au titre de la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique, la Caisse Nationale Suisse justifie avoir versé une somme de 12 240 francs suisses, soit 48 960 francs français, somme supérieure au montant total des préjudices moraux de la victime ;

"qu'ainsi en limitant le recours de la demanderesse aux indemnités perçues au titre des souffrances physiques, et partant en écartant le recours de la Caisse Nationale Suisse au titre du préjudice esthétique et au titre du préjudice d'agrément, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

"alors, subsidiairement, que dans ses conclusions d'appel, la demanderesse a pris soin de souligner, en rappelant les dispositions de l'article 43 de la loi fédérale suisse du 20 mars 1981, que les indemnités versées pour atteinte à l'intégrité physique compensent les préjudices annexes que constituent, en droit français, le pretium doloris, le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique (conclusions page 4) et qu'au titre de l'atteinte à l'intégrité physique, elle avait versé à la victime une somme de 12 240 francs suisses, soit une somme de 48 960 francs français, supérieure aux dommages subis au titre de tous les préjudices annexes, de sorte qu'elle était en droit d'exercer son recours, conformément au texte susvisé, sur l'ensemble des indemnités versées de ces chefs à la victime ;

"qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de la demanderesse, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'aux termes de l'article 43, alinéa 1er, de la loi fédérale suisse du 20 mars 1981, applicable devant les juridictions françaises en vertu de la convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, les droits passent à l'assureur séparément pour les prestations de même nature;

que, selon le deuxième alinéa de ce texte, sont notamment de même nature l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et l'indemnité à titre de réparation morale ;

Attendu qu'après avoir exactement fixé, après application du partage de responsabilité par moitié, les indemnités mises à la charge de Gilbert X..., la cour d'appel constate que la CNA a versé une somme de 12 240 francs suisses, soit 48 960 francs français, supérieure au montant total des préjudices de la victime et condamne le tiers responsable à verser à la CNA la somme de 20 000 francs français au titre des souffrances physiques et aux ayants droit de la victime deux sommes de 795 francs français au titre du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en vertu du principe de séparation régissant, en droit suisse, la subrogation des organismes de sécurité sociale, la Caisse nationale suisse était en droit d'exercer son recours sur l'ensemble des chefs de préjudices correspondant aux préjudices à caractère personnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe et des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY en date du 15 mai 1997, mais seulement en ce qu'il a condamné Gilbert X... à payer aux ayants droit de la victime les deux sommes de 795 francs français chacune au titre du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément ;

Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

DIT que le recours de la CNA s'exercera sur les sommes allouées au titre du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de CHAMBERY, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Mistral conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83237
Date de la décision : 01/04/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le second moyen) CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention franco-suisse du 3 juillet 1975 - Assurances sociales - Tiers responsable - Recours de la victime - Victime travaillant en Suisse - Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance maladie - Portée.


Références :

Convention franco-suisse de sécurité sociale du 03 juillet 1975
Loi fédérale suisse du 20 mars 1981 art. 43 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 15 mai 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 avr. 1998, pourvoi n°97-83237


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.83237
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