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01/04/1998 | FRANCE | N°97-81260

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 avril 1998, 97-81260


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me BOUTHORS et de Me PARMENTIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Thierry,

- A... François,

- LA SOCIETE COOPERATIVE UNION AGRICOLE COMTOISE, partie intervenante, contre l'arrêt

de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, du 13 mars 1997, qui, pour apposit...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me BOUTHORS et de Me PARMENTIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Z... ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Thierry,

- A... François,

- LA SOCIETE COOPERATIVE UNION AGRICOLE COMTOISE, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, du 13 mars 1997, qui, pour apposition d'appellation d'origine inexacte et tromperie, a condamné le premier à 15 000 francs d'amende, le second à 8 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 115-1 et L. 115-16 du Code de la consommation, L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du même Code, 2, 2-1 et suivants, 10, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a pénalement condamné les prévenus, salariés, du chef de fraudes commerciales - apposition d'appellation d'origine inexacte et tromperie sur la marchandise - et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que le fromager a l'obligation d'être particulièrement vigilant quant au délai de pressage de ses fromages ;

qu'il est en tort de s'être abstenu de dire que les meules litigieuses n'avaient pas droit à l'appellation Y... et d'en empêcher ainsi la commercialisation;

que le directeur technique n'a obtenu l'installation d'une nouvelle presse qu'après le contrôle des services;

qu'il se trouvait ainsi à l'origine de la violation des normes de fabrication du Y...;

qu'en concourant ainsi aux opérations qui devaient aboutir à la vente des fromages litigieux, les deux salariés ont également trompé les acheteurs ;

"alors que le chef d'entreprise est, de droit, pénalement responsable à raison des infractions commises par son préposé;

qu'à défaut de dispositions législatives contraires, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, n'est exonéré de sa responsabilité pénale que s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires;

que les poursuites pénales articulées à l'encontre de simples salariés ne jouissant d'aucune délégation régulière de pouvoirs ne pouvaient, en l'espèce, donner lieu à condamnation" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 115-1 et L. 115-16 du Code de la consommation, du décret du 29 décembre 1986 modifié, de l'arrêté du 8 septembre 1983, des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, 2, 2-1 et suivants, 10, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a pénalement condamné les prévenus, salariés, du chef d'apposition d'appellation d'origine inexacte sur des fromages et a statué sur les actions civiles ;

"aux motifs qu'il est constant que, dans la période de mars à juin 1995, les fromageries du Montagnon (UAC) ont fabriqué des meules de fromage qui n'ont pas bénéficié du temps de pressage réglementaire de 6 heures;

qu'il résulte du procès-verbal dressé par le DGCCRF que 323 meules ne pouvaient porter l'appellation AOC Y...;

que, sur l'apposition d'appellation d'origine inexacte, François A... a reconnu expressément qu'à la "pointe du lait" il était obligé de presser pendant un temps inférieur à celui prescrit par les textes en vigueur;

que les plaques de caséine de couleur propres à l'AOC Y... sont mises en place au moment du moulage et avant la mise sous presse;

que cette technique a, pour conséquence, l'obligation absolue pour le fromager d'être particulièrement vigilant quant au délai de pressage;

que François A... n'ignorait pas, ainsi qu'il l'a affirmé, la réglementation en vigueur;

qu'en s'abstenant de dire que les meules de fromage n'avaient pas droit à l'appellation Y... et en empêchant sa commercialisation sous ce label, il a bien commis l'infraction reprochée;

qu'il devait tout mettre en oeuvre pour faire respecter scrupuleusement la réglementation;

que Thierry X..., coprévenu, a dit à plusieurs reprises au cours de l'enquête qu'il savait qu'à une certaine période le temps de pressage imposé par les textes n'était pas respecté;

qu'il a déclaré avoir souvent réclamé une autre presse sans résultat mais, qu'après le contrôle, il a obtenu l'installation d'une nouvelle presse;

que cette affirmation constitue l'aveu même de la culpabilité de Thierry X... puisqu'il a remédié à la carence technique qu'il connaissait et qui se trouvait à l'origine de la violation des normes de fabrication du Y...;

que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré les deux prévenus coupables de cette infraction ;

"alors que, d'une part, l'appellation d'origine contrôlée est, suivant les articles L. 115-1 et L. 115-16 du Code de la consommation, une dénomination apposée sur un produit;

qu'en ne précisant pas si et en quoi pouvait être une "dénomination" gouvernée par les textes précités la touche de caséine verte introduite par le fromager dans les moules avant le pressage des meules ultérieurement affinées en cave pour faire l'objet, des mois plus tard, d'un contrôle de "classement-qualité" déterminant la délivrance de l'appellation Y... ou Gruyère, la cour d'appel a privé son arrêt de toute base légale ;

"alors que, d'autre part, seule l'apposition sur un produit d'une appellation d'origine inexacte est incriminée par l'article L. 115-16 du Code de la Consommation;

qu'en déclarant le directeur technique de la fromagerie coupable de ce délit à la faveur de motifs inopérants sans établir que des meules insuffisamment pressées eussent bénéficié de l'appellation Y... lors de l'épreuve de "classement-qualité" lui incombant après affinage, la Cour a derechef privé son arrêt de toute base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle effectué par les services de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au sein d'un atelier de fabrication de fromage de Y... exploité par la société coopérative Union agricole comtoise, Thierry X..., responsable technique de la coopérative, et François A..., responsable de l'atelier, sont poursuivis pour apposition d'une appellation d'origine inexacte ;

Attendu que, pour caractériser le délit, les juges d'appel retiennent qu'au cours des mois de mars à juin 1995, en raison d'un manque de matériel ayant entraîné une réduction du temps de pressage des meules, les fromages n'ont pas été fabriqués dans les conditions fixées par le décret modifié du 29 décembre 1986 relatif à l'appellation d'origine "Y..." et ne pouvaient ainsi bénéficier de cette appellation;

que, cependant, les meules portaient sur le talon la marque qui assure l'identification du Y... aux termes de l'article 2-6 de ce décret et de l'arrêté du 8 septembre 1983 sur le marquage obligatoire de certains fromages et qui est constituée par une plaque de caséine teintée en vert apposée au moment de la fabrication ;

Attendu que, pour imputer l'infraction aux prévenus, les juges relèvent que François A... a mis en place les plaques de caséine alors qu'il savait que le temps de mise sous presse serait insuffisant au regard des normes de fabrication du Y...;

qu'ils énoncent que Thierry X... a, en connaissance de cause, laissé le fromager enfreindre la réglementation en ne lui fournissant pas les moyens adaptés à la production ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs qui établissent la faute personnelle de chacun des prévenus, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que le marquage du fromage par le signe distinctif de l'appellation d'origine contrôlée "Y..." constitue l'apposition de cette appellation, au sens de l'article L. 115-16 du Code de la consommation;

qu'il n'importe qu'au stade de la mise sur le marché, les produits, après affinage, fassent l'objet d'un contrôle de qualité pour bénéficier de l'appellation d'origine ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que la déclaration de culpabilité du chef d'apposition d'appellation d'origine inexacte justifiant la peine prononcée et les réparations civiles, il n'y a pas lieu d'examiner le troisième moyen relatif au délit de tromperie ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81260
Date de la décision : 01/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, 13 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 avr. 1998, pourvoi n°97-81260


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81260
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