La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/1998 | FRANCE | N°97-82299

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mars 1998, 97-82299


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Auguste, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, du 25 mars 1997, qui, pour fraude fisc

ale, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Auguste, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, du 25 mars 1997, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article 1741 du Code général des impôts ;

"en ce que la décision attaquée a refusé de considérer que la poursuite était irrégulière et atteinte de violation des droits de la défense du fait que la lettre de saisine de la commission des infractions fiscales ne figurait pas au dossier ;

"aux motifs que l'avis de la commission des infractions fiscales mentionne qu'elle a été saisie le 3 juillet 1992 par le ministre du Budget, que cette mention est revêtue d'une présomption d'authenticité, la lettre de saisine de la Commission des infractions fiscales n'a pas à être jointe à la procédure ;

"alors, d'une part, que tout homme qui fait l'objet d'une accusation en matière pénale a droit à un procès équitable;

que ceci implique la possibilité pour lui d'exercer un contrôle sur tous les actes de poursuite;

qu'il en est en particulier ainsi des actes concernant la saisine de la Commission des infractions fiscales ;

"alors, d'autre part, qu'aucun texte ne confère une mention d'authenticité aux mentions de l'avis de la Commission des infractions fiscales;

que les prévenus doivent être mis à même de le vérifier sous peine de ne pas bénéficier d'un procès équitable, ce qui implique l'obligation pour l'Administration de produire les pièces justifiant l'exactitude des mentions et, en particulier, la lettre de saisine de la Commission" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des poursuites invoquée par le prévenu et tirée de l'absence, au dossier de la procédure, de la lettre de saisine de la Commission des infractions fiscales, les juges du second degré, après avoir relevé que l'avis de cette Commission mentionne qu'elle a été saisie le 3 juillet 1992 par le ministre du Budget, énoncent que, cette mention étant revêtue d'une présomption d'authenticité, la lettre de saisine de ladite Commission n'a pas à être jointe à la procédure ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1741 du Code général des Impôts, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, de la violation de la règle "non bis in idem" ;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de fraude fiscale et a rejeté l'exception tirée de la violation de la règle non bis in idem ;

"aux motifs que la règle "non bis in idem" consacrée par l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit donc pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux poursuites et aux sanctions infligées par le juge répressif;

qu'au surplus, les sanctions pénales du chef de fraude fiscale qui visent à réprimer les comportements délictueux qui relèvent de la compétence exclusive des juridictions répressives ont une nature et un objet différent des majorations et pénalités fiscales, exclusivement pécuniaires, infligées par l'Administration fiscale sous le contrôle, en cas de recours, du juge administratif;

qu'en effet, les premières sanctionnent la fraude fiscale, tandis que les secondes même s'il leur a été reconnu un caractère pénal au sens de l'article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tendent uniquement à garantir le recouvrement de l'impôt ;

"alors, d'une part, que nul ne peut être condamné pour une infraction pour laquelle il lui a déjà été infligé une peine, que ce soit par une juridiction ou par une décision de l'autorité administrative, dès lors que la peine subie a un caractère pénal, au sens de la Convention européenne de sauvegarde;

que la règle "non bis in idem" est énoncée, en ce qui concerne l'interdiction d'une double condamnation par une juridiction, par l'article 7 du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme mais résulte également de l'obligation de réserver au prévenu un procès équitable, règle qui se trouverait violée si un prévenu subit une condamnation pour des faits qui ont déjà été réprimés ;

"alors, d'autre part, que les réserves ne sont admises en droit international que si elles sont compatibles avec l'objet et le but de la Convention;

que la réserve faite par la France étant contraire au but même du protocole n° 7, est irrégulière au regard de ce protocole et doit donc être écartée ;

"alors, enfin, que les sanctions infligées par l'Administration pour sanctionner la fraude fiscale constituent des sanctions pénales au sens de la Convention européenne de sauvegarde et constituent une mesure de répression et non pas une mesure de coercition destinée à obtenir le recouvrement de l'impôt" ;

Attendu que, pour écarter les conclusions d'Auguste X... qui soutenait qu'ayant déjà été l'objet de sanctions fiscales sur le fondement des articles 1728 et 1729 du Code général des impôts, et le condamner à des peines d'emprisonnement et d'amende en application de l'article 1741 dudit Code, les juges d'appel énoncent que l'interdiction d'une double condamnation à raison du même fait prévue par l'article 4 du protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit donc pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux peines infligées par le juge répressif ;

Que les juges ajoutent que les sanctions pénales du chef de fraude fiscale répriment des comportements délictueux, alors que les majorations et pénalités fiscales, même s'il leur a été reconnu un caractère pénal au sens de l'article 6, alinéa 1, de la Convention européenne précitée, tendent uniquement à garantir le recouvrement de l'impôt ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1741 du Code général des impôts, des articles 585 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de fraude fiscale ;

"aux motifs que lors de sa création, la société Chauffage Sanitaire 93 a repris l'exploitation du fonds de commerce de la société Noisy Sanitaire dont Auguste X... était le dirigeant (Auguste X... a été employé comme directeur commercial de la société Chauffage Sanitaire 93, tandis que son futur gendre, désigné comme gérant, était employé dans un centre Leclerc jusqu'en septembre 1989, date à laquelle il a exercé les fonctions de magasinier au sein de la société, avant d'en devenir le comptable et d'exercer effectivement, vers la mi-1990, les fonctions de gérant) ;

qu'Auguste X... a reconnu, devant les services de police, avoir dirigé la société Chauffage Sanitaire 93 jusqu'à son licenciement;

qu'il a confirmé, le 21 février et le 2 mars 1994, qu'il était en relation avec l'expert-comptable, qu'il avait procédé à l'embauche de salarié et avait travaillé dans la société jusqu'à la fin de la société;

que Bruno Y..., comptable salarié, a expliqué qu'il tenait la comptabilité et remplissait les déclarations de TVA sur les directives d'Auguste X..., précisant qu'une partie du chiffre d'affaires était réalisée sans factures et que la comptabilité ne reflétait donc pas l'activité économique de la société;

que, dès lors, Auguste X... a été dirigeant de fait de la société Chauffage Sanitaire 93 ;

"alors que ne peut être considéré comme gérant de fait que celui qui accomplit des actes relevant des fonctions du gérant et engageant la société vis-à-vis des tiers pour la réalisation de son objet social;

que le seul fait d'avoir été directeur commercial et d'avoir accompli des fonctions relevant de cette qualité et même d'avoir donné des instructions au comptable de la société, n'a pas pour effet de constituer Auguste X... gérant de fait de la société Chauffage Sanitaire 93" ;

Attendu que, pour déclarer Auguste X... coupable de fraude fiscale, en qualité de dirigeant de fait de la société Chauffage Sanitaire 93, la juridiction du second degré, par motifs propres et adoptés, relève que la société a été créée à son initiative et a poursuivi l'exploitation d'une société déclarée en liquidation judiciaire, dont il avait été le gérant ;

qu'elle retient que le prévenu a reconnu, notamment, qu'il a donné des instructions au comptable et embauché des salariés ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant d'une appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, MM. Soulard, Sassoust conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award