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10/03/1998 | FRANCE | N°95-21126

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 1998, 95-21126


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Groupe Limagrain Holding, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 1995 par la cour d'appel de Dijon (1re Chambre, 1re Section), au profit de M. Louis X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'o

rganisation judiciaire, en l'audience publique du 27 janvier 1998, où étaient présent...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Groupe Limagrain Holding, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 1995 par la cour d'appel de Dijon (1re Chambre, 1re Section), au profit de M. Louis X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de la société Groupe Limagrain Holding, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 12 septembre 1995), que le 18 mars 1992, M. X... a accepté l'offre d'achat de la totalité des actions de la société française de biologie et de diététique (la société SFDB), formulée par la société Limagrain, dans un document qualifié "lettre d'intention", un "protocole définitif" devant être signé le 15 avril 1992;

que M. X... a le 30 avril 1992, notifié à la société Limagrain sa volonté de ne pas donner suite et de ne pas signer ce "protocole", en faisant valoir des différences existant sur des points importants, entre les termes de la "lettre d'intention" et ceux du projet de "protocole";

que la société Limagrain, soutenant que la vente était parfaite dés l'acceptation de l'offre d'achat, l'a assigné en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses huit premières branches :

Attendu que la société Limagrain fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la lettre d'intention du 8 mars 1992 signée par les deux parties énonçait : "Le prix de cession du solde des actions sera calculé sur la base d'une valeur globale de la société égale à 8 fois la valeur arithmétique des résultats nets avant impôt des exercices 1993 et 1994. En tout état de cause, cette valeur ne sera pas inférieure à 10 MF";

que le remplacement, dans le projet de protocole du mot "égale" par "estimée" et de l'expression "cette valeur" par "cette estimation de la société SFDB" n'a strictement rien modifié au mode de calcul du prix dès lors que, dans les deux actes, la valeur globale de la société est calculée en affectant la même base (la moyenne arithmétique des résultats nets avant impôt des exercices 1993 et 1994), du même facteur multiplicateur (8);

que dès lors, en affirmant l'existence d'une divergence de fond entre les deux libellés qui ne diffèrent qu'en la forme par l'emploi de mots et d'expressions ayant strictement la même portée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du projet de protocole et ainsi violé l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, qu'en affirmant en termes hypothétiques que la divergence grammaticale entre les deux actes "parait" traduire un désaccord de fond sur le prix des actions, sans caractériser en quoi aurait consisté cette divergence, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors, de plus, qu'au surplus et du même coup, faute d'avoir caractérisé en quoi consistait la divergence de fond des parties relativement au prix des actions qu'elle retenait pour dénier l'existence d'un accord entre elles sur le prix dès la lettre d'intention du 8 mars 1992, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1583 du Code civil;

alors, en outre, que dès lors que la société Limagrain avait satisfait à l'obligation stipulée dans l'acte du 18 mars 1992 en produisant le procès verbal de son conseil d'administration du 13 avril 1992 certifié conforme par son président, que M. X... avait élevé un doute sur la sincérité de la date dudit procès verbal, mais sans arguer de faux cet écrit sous seing privé, se bornant à demander qu'il fût fait injonction à la société Limagrain de communiquer l'original du registre coté et paraphé des conseils d'administration de la société pour l'année 1992, et que la cour d'appel n'avait pas fait droit à cette demande, celle-ci ne pouvait considérer que le refus de la société Limagrain de communiquer ledit registre sur sommation de M. X... ne permettait pas d'en vérifier la date, sans renverser la charge de la preuve et violer ainsi l'article 1315 du Code civil;

alors, encore, que le juge à qui il a été expressément demandé d'adresser à une partie une injonction de produire une pièce pour vérifier la date d'un écrit sous seing privé déjà produit mais non argué de faux et qui a refusé d'user de ce pouvoir ne peut reprocher à cette partie de n'avoir pas, en ne produisant pas ladite pièce sur sommation de son adversaire, permis cette vérification;

qu'en se déterminant pourtant de la sorte pour considérer implicitement que n'était pas probant le procès verbal produit par la société Limagrain et non argué de faux par M. X..., au surplus sans avoir constaté le caractère injustifié du refus de celle-ci de communiquer à celui-ci le registre des délibérations de son conseil d'administration qui comportait nécessairement des informations confidentielles, la cour d'appel a violé les articles 11 et 142 du nouveau Code de procédure civile; alors, de surcroît , que les clauses relatives à la garantie de passif, à la non concurrence et aux fonctions conservées par M. X... au sein de la société SFDB figuraient déjà de façon détaillée dans l'acte du 18 mars 1992 qui se bornait à indiquer que le protocole d'accord plus complet devrait prévoir ces clauses;

que, dès lors, en affirmant que l'acte du 18 mars 1992 réservait expressément au futur protocole lesdites clauses, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, en violation de l'article 1134 du Code civil;

alors, au surplus, qu'en affirmant l'existence d'une évolution importante sur ces différents points dans le texte du 1er avril 1992, sans préciser en quoi le projet de protocole aurait ajouté à la lettre d'intention des précisions telles que l'accord des parties ne pouvait être regardé comme résultant déjà de l'acte du 18 mars 1992, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1583 du Code civil;

et alors, enfin, que dès lors que les parties étaient d'accord sur la chose et sur le prix dès le 18 mars 1992, la circonstance que le projet de protocole ait ajouté une clause de sauvegarde non prévue initialement était sans effet sur l'existence de l'accord des parties et permettait au contraire à M. X... de se prévaloir de celui-ci pour refuser cette stipulation nouvelle;

qu'en déduisant au contraire de cette dernière l'absence d'accord préalable sur tous les autres points, notamment sur la chose et sur le prix, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1583 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt confirmatif, qui reproduit exactement sans les dénaturer les termes du projet de "protocole d'accord", retient par motifs propres et adoptés que la rédaction de ce projet de "protocole" différait de celle de la "lettre d'intention" quant à la fixation du prix minimum de cession du solde des actions, susceptible de conduire à une interprétation qui dans le premier cas fixe ce minimum à 10 millions de francs et dans l'autre cas à 3,3 millions de francs et que la différence pouvant en découler pour le vendeur ne peut être qualifiée de mineure au vu des enjeux existants;

qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel qui n'a pas statué par un motif hypothétique, a pu, par ces seuls motifs, statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ;

d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses huit premières branches ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :

Attendu que la société Limagrain fait le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'engage sa responsabilité quasi-délictuelle celui qui, de mauvaise foi, pousuit des pourparlers précontractuels qu'il sait n'avoir pas l'intention de faire aboutir; que, dès lors, en se bornant à relever de façon inopérante, pour débouter la société Limagrain de sa demande subsidiaire en dommages-intérêts du fait de la rupture abusive des pourparlers par M. X..., que celui-ci n'avait pris aucun engagement d'exclusivité envers le goupe Limagrain, sans rechercher comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas agi de mauvaise foi en poursuivant les pourparlers alors même qu'il avait déjà pris la décision de contracter avec un autre acquéreur et en rompant brutalement ceux-ci, le jour même où les parties devaient se rencontrer pour signer le "protocole" définitif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et alors, d'autre part, qu'en justifiant le comportement de M. X... par le fait qu'il aurait été alerté le 8 avril 1992 sur une difficulté existant en matière de prix, laquelle difficulté était totalement imaginaire au regard des termes clairs, précis et concordant de la lettre d'intention du 18 mars 1992 et du projet de protocole définitif, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant justement estimé que la lettre d'intention était susceptible de deux interprétations différentes et retenant par motifs propres et adoptés, que M. X... avait repris des négociations avec son acquéreur definitif après sa rupture avec la société Limagrain et que cette rupture était intervenue rapidement après l'apparition de la difficulté en matière de prix , qu'une réunion n'avait pas permis de résoudre, ce dont il résultait qu'il n'avait pas poursuivi des pourparlers sans l'intention de les faire aboutir, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux dernières branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupe Limagrain Holding aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-21126
Date de la décision : 10/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon (1re Chambre, 1re Section), 12 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 1998, pourvoi n°95-21126


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.21126
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