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26/02/1998 | FRANCE | N°97-83695

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 février 1998, 97-83695


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de NANCY, du 24 septembre 1996, qui, dans la procédure sui

vie contre lui des chefs de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, a...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de NANCY, du 24 septembre 1996, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, a rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu la requête du procureur général près la Cour de Cassation, en date du 3 décembre 1997 ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 12, 16, 20, 62, dernier alinéa, 75, 171 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 24 septembre 1996, a rejeté la demande d'annulation du procès-verbal du 7 mars 1995 (cote D 7) ;

"aux motifs que l'article 62, alinéa 4, du Code de procédure pénale autorise les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 du Code de procédure pénale à procéder à des auditions sous le contrôle d'un officier de police judiciaire ;

"que le contrôle que l'officier de police judiciaire doit exercer sur les actes de procédure diligentés par un agent de police judiciaire n'oblige pas l'officier de police judiciaire à être présent durant l'audition réalisée par l'agent de police judiciaire ;

"que, pour la régularité de l'acte, il suffit de s'assurer que cet acte a bien été fait sous le contrôle d'un officier de police judiciaire ;

"que tel est bien le cas en l'espèce ;

"qu'en effet, le 6 mars 1995, l'inspecteur principal Lamboley, officier de police judiciaire, a reçu la dénonciation des faits de la part de Mme Laguerre (cote D 21), puis la plainte du père de la mineure (cote D 19) et la déclaration de la victime (cote D 18);

le lendemain, le 7 mars 1996, l'officier de police judiciaire Lamboley, poursuivant l'enquête assisté des enquêteurs de police Pierre Pujol, Claude Chaffaut et Daniel Parmentelot, conformément aux instructions du substitut du procureur de la République informé de la plainte, s'est transporté au domicile de Louis X... aux fins d'interpeller ce dernier, lequel a été conduit dans les locaux du commissariat de police où il a été immédiatement placé en garde à vue et informé de ses droits par l'officier de police judiciaire;

puis au cours de cette garde à vue qui s'est déroulée sous le contrôle de cet officier de police judiciaire (cote D 15), Louis X... a été entendu à plusieurs reprises dont une fois (cote D 7) par Daniel Parmentelot, enquêteur de police ;

"que, cependant, celui-ci a agi sous le contrôle de l'officier de police judiciaire Lamboley comme en font foi les procès-verbaux cotés D 15 et D 17 ;

"alors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la procédure qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal du 7 mars 1995 que Daniel Parmentelot, enquêteur de police en fonction à la brigade des mineurs dont il n'est pas contesté qu'il n'avait pas la qualité d'officier de police judiciaire, ait agi sous le contrôle de l'officier de police judiciaire Lamboley ;

"alors que la garde à vue consiste, pour l'officier de police judiciaire, à garder à sa disposition, pour les nécessités de l'enquête, une personne susceptible de lui fournir des renseignements sur les faits ou les objets et documents saisis;

que les dispositions de l'article 75 du Code de procédure pénale aux termes duquel "les officiers de police judiciaire, et sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire, les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 procèdent à des enquêtes préliminaires soit sur les instructions du procureur de la République, soit d'office" sont, quant à elles, destinées à empêcher qu'au cours de la garde à vue, n'importe quel agent de police judiciaire se trouvant dans les locaux où la personne est gardée à vue, puissent procéder en dehors de tout contrôle de l'officier de police judiciaire, à son interrogatoire, acte distinct de la mesure de rétention et que la preuve de ce contrôle doit, à peine de nullité, résulter d'une mention expresse de la procédure ;

que tel n'est pas le cas en l'espèce, en sorte que la chambre d'accusation aurait dû annuler le procès-verbal en cause ;

"alors que si, selon les mentions du procès-verbal coté D 17, lors du transport au domicile de Louis X... le 7 mars 1995, l'inspecteur principal de police Lamboley était assisté des enquêteurs de police Pierre Pujol, Claude Chaffaut et Daniel Parmentelot, il est impossible de déduire de cette circonstance que, le même jour, Daniel Parmentelot ait été habilité par le même officier de police judiciaire à interroger lui-même Louis X... avec l'assistance de Pierre Pujol, les deux actes étant nécessairement distincts et le second impliquant des pouvoirs conférés aux agents de police judiciaire que ceux-ci n'avaient pas, de toute évidence, lors du transport au domicile de Louis X..." ;

Attendu que, pour refuser d'annuler le procès-verbal d'audition de Louis X..., du 7 mars 1995, la chambre d'accusation énonce que le contrôle que l'officier de police judiciaire doit exercer sur les actes de procédure diligentés par un agent de police judiciaire, n'oblige pas le premier à être présent durant l'audition réalisée par le second et relève que l'intéressé a été entendu par l'enquêteur de police au cours de sa garde à vue qui s'est déroulée sous le contrôle de l'officier de police judiciaire, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal du 7 mars 1995, relatif à cette mesure ;

Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 62, alinéa 3, et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des principes généraux du droit, défauts de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué du 24 septembre 1996 a refusé d'annuler les procès-verbaux du 7 mars 1995 cotés D 7 et D 16 ;

"aux motifs qu'à aucun moment, ni pendant sa garde à vue, ni devant le magistrat instructeur en première comparution, Louis X... n'a fait état de ses problèmes de vue l'empêchant de lire ;

"que vérification faite par le juge d'instruction (cote D 62), X... ne disposait pas de ses lunettes en garde à vue et ne les a pas réclamées, pas plus en garde à vue que lors de la perquisition à son domicile ou lors de sa présentation devant le magistrat instructeur ;

"qu'à aucun moment, Louis X..., invité à relire ses déclarations, n'a allégué une quelconque difficulté de vue l'empêchant de procéder à la relecture de ses déclarations ;

"qu'il convient de relever que, lors de sa présentation devant le magistrat instructeur, Louis X... était assisté d'un avocat, lequel a pu s'entretenir librement avec le mis en examen avant sa comparution devant le juge;

qu'aucune difficulté n'a été évoquée alors, résultant de ce que Louis X... ne possédait pas ses lunettes de vue ;

"que cet argument n'a été avancé par Louis X... pour expliquer ses aveux, puis ses rétractations que le 21 juillet 1995, lors de sa quatrième présentation devant le juge d'instruction, si l'on tient compte du procès-verbal d'interrogatoire de curriculum-vitae du 28 avril 1995;

que s'il n'est pas contestable que Louis X... éprouve des difficultés pour lire sans ses lunettes, il n'est pas établi que les enquêteurs puis le magistrat instructeur ont volontairement fait échec aux droits de la défense en empêchant Louis X... de relire ses dispositions ;

"que, jusqu'au 21 juillet 1995, tant les enquêteurs que le magistrat instructeur étaient dans l'ignorance des problèmes de vue du mis en examen, lequel n'en a manifestement pas souffert jusque là puisqu'il n'en a informé aucune autorité, pas même pas courrier alors que, par ailleurs, Louis X... a écrit plusieurs fois au magistrat instructeur, le 20 mars 1995 (cote D 32), le 8 avril 1995 (cote D 37) ;

"alors qu'il résulte des dispositions de l'article 62, alinéa 3, du Code de procédure pénale et des principes généraux du droit que, dès lors qu'indiscutablement une personne entendue au cours de l'enquête préliminaire a des problèmes de vue, il est interdit à l'officier de police judiciaire de mentionner sur le procès-verbal ses déclarations;

qu'en énonçant inexactement que Louis X... avait relu ses déclarations, l'enquêteur de police avait porté atteinte aux droits de la personne entendue et que, dès lors, en omettant d'annuler les procès-verbaux en cause tout en constatant expressément "qu'il n'est pas contestable que Louis X... éprouve des difficultés pour lire sans ses lunettes", la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susvisés, un tel mode opératoire portant par lui-même atteinte aux droits de la personne entendue" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 106, 121 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des principes généraux du droit, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 24 septembre 1996, a refusé d'annuler le procès-verbal de première comparution du 8 mars 1995 (cote D 25) ;

"aux motifs qu'à aucun moment, ni pendant sa garde à vue, ni devant le magistrat instructeur en première comparution, Louis X... n'a fait état de ses problèmes de vue l'empêchant de lire ;

"que, vérification faite par le juge d'instruction (cote D 62), Louis X... ne disposait pas de ses lunettes en garde à vue et ne les a pas réclamées, pas plus en garde à vue que lors de la perquisition à son domicile ou lors de sa présentation devant le magistrat instructeur ;

"qu'à aucun moment, Louis X..., invité à relire ses déclarations, n'a allégué une quelconque difficulté de vue l'empêchant de procéder à la relecture de ses déclarations ;

"qu'il convient de relever que, lors de sa présentation devant le magistrat instructeur, Louis X... était assisté d'un avocat, lequel a pu s'entretenir librement avec le mis en examen avant sa comparution devant le juge;

qu'aucune difficulté n'a été évoquée alors, résultant de ce que Louis X... ne possédait pas ses lunettes de vue ;

"que cet argument n'a été avancé par Louis X... pour expliquer ses aveux, puis ses rétractations que le 21 juillet 1995, lors de sa quatrième présentation devant le juge d'instruction, si l'on tient compte du procès-verbal d'interrogatoire de curriculum-vitae du 28 avril 1995;

que s'il n'est pas contestable que Louis X... éprouve des difficultés pour lire sans ses lunettes, il n'est pas établi que les enquêteurs puis le magistrat instructeur ont volontairement fait échec aux droits de la défense en empêchant Louis X... de relire ses dépositions ;

"que, jusqu'au 21 juillet 1995, tant les enquêteurs que le magistrat instructeur étaient dans l'ignorance des problèmes de vue du mis en examen, lequel n'en a manifestement pas souffert jusque là puisqu'il n'en a informé aucune autorité, pas même par courrier alors que, par ailleurs, Louis X... a écrit plusieurs fois au magistrat instructeur, le 20 mars 1995 (cote D 32), le 8 avril 1995 (cote D 37) ;

"alors qu'il résulte des dispositions de l'article 106 du Code de procédure pénale et des principes généraux du droit que, dès lors qu'indiscutablement une personne déférée devant le juge d'instruction a des problèmes de vue, il est interdit ce magistrat de mentionner sur le procès-verbal que cette personne a procédé elle-même à la lecture de ses déclarations;

qu'en énonçant inexactement que Louis X... avait relu ses déclarations, le magistrat instructeur a, dans le procès-verbal susvisé, porté atteinte aux droits du mis en examen et que, dès lors, en omettant de constater cette irrégularité et d'annuler le procès-verbal de première comparution, la chambre d'accusation a méconnu les textes et les principes susvisés, un tel mode opératoire portant par lui-même atteinte aux droits de la personne concernée" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux d'audition et de première comparution de Louis X..., tirée de la violation des droits de la défense, l'arrêt attaqué relève notamment qu'à aucun moment, ni pendant sa garde à vue, ni devant le juge d'instruction, l'intéressé n'a fait état de ses problèmes de vision l'empêchant de procéder à la lecture de ses déclarations ;

Qu'ainsi, la chambre d'accusation ayant justifié sa décision, les moyens ne sauraient être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 31, 39, 80 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 24 septembre 1996, a refusé d'annuler le réquisitoire introductif ;

"aux motifs que le réquisitoire introductif a été régulièrement signé par M. Villardo, alors substitut du procureur de la République au tribunal de grande instance de Nancy, aux lieux et place du procureur, comme l'indique l'apposition de la lettre "p" (pour le procureur) et comme sa qualité lui en confère le pouvoir, conformément à l'article 39 du Code de procédure pénale, quelles que soient l'illisibilité de la signature et l'absence de sceau, aucune disposition de procédure pénale n'imposant l'apposition d'un sceau, la rédaction et la signature d'un réquisitoire de la main du magistrat compétent du parquet étant un signe personnel suffisant pour identifier l'auteur de ces réquisitions et vérifier sa compétence ;

"alors que le réquisitoire introductif dont la signature est illisible ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;

"alors que l'identification des signatures des pièces de la procédure doit nécessairement résulter des éléments du dossier et qu'en ne constatant pas que l'identité du signataire du réquisitoire introductif résulte de la procédure, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision et a méconnu les droits de la défense" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que le réquisitoire introductif du 8 mars 1995, au vu duquel une information a été ouverte des chefs de viols sur mineure de 15 ans par ascendant légitime, ait porté une signature illisible après la mention "pour le procureur de la République", dès lors que ladite mention indique bien que les réquisitions ont été prises, non par le chef du parquet, mais par un de ses substituts, lequel, en raison du principe d'indivisibilité du ministère public, puise dans sa seule qualité le droit d'accomplir tous les actes rentrant dans l'exercice de l'action publique, et qu'en outre, sa signature, signe personnel lisible ou non, a, par elle-même, pour effet d'identifier l'auteur des réquisitions ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83695
Date de la décision : 26/02/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) CRIMES ET DELITS FLAGRANTS - Garde à vue - Audition - Audition par un agent de police judiciaire - Contrôle d'un officier de police judiciaire - Modalités.


Références :

Code de procédure pénale 62 al. 4

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, 24 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 fév. 1998, pourvoi n°97-83695


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.83695
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