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19/02/1998 | FRANCE | N°97-80177

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 1998, 97-80177


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 1996, qui, statuant sur intérêts civils et après condamnation de Monique X..., épouse Y..., des chefs de faux et escroquerie, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 47, 48 et 50 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 2, 475-1

et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légal...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 1996, qui, statuant sur intérêts civils et après condamnation de Monique X..., épouse Y..., des chefs de faux et escroquerie, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 47, 48 et 50 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 2, 475-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté l'ANAH de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
" aux motifs que la prévenue a été poursuivie pour altération de la vérité dans un écrit et escroquerie après une plainte de l'ANAH auprès du parquet ; que la prévenue a reconnu avoir réalisé et présenté à l'ANAH des situations relatives à des chantiers de rénovation dont le montant avait été artificiellement augmenté afin d'obtenir indûment des subventions plus élevées de l'organisme public ; que, compte tenu de la prescription de certains faits, seules deux situations relatives aux travaux effectués par la SCI Adam et le dossier Icardi étaient retenues dans la poursuite ; que le montant des subventions indues s'élevait à environ 400 000 francs ; que la prévenue a été condamnée pour ces faits le 16 février 1995 à 1 an d'emprisonnement avec sursis ; qu'en ce qui concerne les dispositions civiles, il convient de constater que le tribunal de commerce de Rouen ayant prononcé la liquidation judiciaire de la prévenue exerçant personnellement sous l'enseigne CCRE, tous les créanciers antérieurs devaient déclarer leurs créances auprès de Me Z... désigné mandataire liquidateur conformément à l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 ; que, dans ce cadre, les créances doivent être déclarées, qu'elles soient certaines ou éventuelles ; qu'en effet, il suffit que la créance ait pris naissance avant le jugement d'ouverture pour qu'elle doive faire l'objet de la déclaration ; qu'en l'espèce, la partie civile soutient que sa créance n'a pris naissance dans son principe qu'à compter du jugement du tribunal correctionnel du 11 mai 1995, confondant ainsi le fait générateur de la créance avec le titre la constatant ; que, dans la mesure où le fait générateur de la créance se trouve dans les malversations de la prévenue qui ont fait l'objet de la condamnation pénale susvisée, il y a lieu de constater que la créance est née à l'époque des faits reprochés, c'est-à-dire courant 1988-1989 ; que, d'ailleurs, la partie civile elle-même ne s'y trompe pas qui réclame elle-même dans ses écritures une somme forfaitaire de 400 000 francs, montant approximatif des subventions indûment versées à la prévenue ; que seul le fait générateur devant être pris en compte pour déterminer si la créance devait ou non faire l'objet d'une déclaration, il convient de constater que l'ANAH devait, en l'espèce, s'y soumettre ; que, dans la mesure où elle ne l'a pas fait, sa créance est éteinte puisqu'aucun relevé de forclusion n'a été demandé ; que la partie civile sera donc déboutée de ses demandes, fins et conclusions ;
" alors que, d'une part, le préjudice résultant, pour un organisme public tel que l'ANAH qui a pour mission de verser des subventions à des propriétaires désireux de faire effectuer des travaux d'amélioration portant sur des logements qu'ils possèdent au vu de devis et de factures, de la fausseté de ces documents et des escroqueries qu'ils ont permis de réaliser à son détriment, est sans commune mesure avec le montant des subventions indues que cet organisme a versées et que les premiers juges avaient fixées à 216 057 francs pour les deux dossiers faisant l'objet des poursuites, ce préjudice, pour lequel l'ANAH réclamait le versement d'une somme forfaitaire de 400 000 francs, résultant du discrédit porté sur cet organisme par la révélation publique des malversations qui résulte de la condamnation pénale d'une prévenue ; que, dès lors, en l'espèce, la créance invoquée par la partie civile ne pouvait être considérée comme trouvant son origine dans les délits de faux et d'escroquerie commis par la prévenue, mais dans la condamnation de cette dernière prononcée plusieurs années après la commission des infractions et la mise en liquidation judiciaire de la prévenue, en sorte que la Cour a fait une application erronée des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 en prétendant que la créance servant de fondement à l'action de la partie civile demanderesse aurait son origine dans les faits poursuivis, pour décider que cette action était irrecevable parce que ladite créance n'avait pas fait l'objet d'une déclaration ;
" alors, d'autre part, que les sommes allouées à une partie civile en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ne constituent pas des dommages-intérêts et n'obéissent pas, en conséquence, aux dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, en sorte qu'une prévenue déclarée coupable d'une infraction peut être condamnée à payer ces mêmes sommes à une partie civile bien qu'elle ait été mise en liquidation judiciaire ; que, dès lors, la Cour a violé le texte précité en infirmant le jugement qui avait fixé à 3 000 francs la somme revenant à la partie civile sur le fondement de ce texte et en condamnant cette dernière à verser au liquidateur de la liquidation judiciaire de la prévenue une somme de 2 000 francs au titre de ces mêmes dispositions sous prétexte que l'action de la partie civile serait irrecevable parce qu'elle n'avait pas déclaré sa créance " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 48 et 50 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 475-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté l'ANAH, partie civile, de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à Me Z..., es-qualité de liquidateur de la prévenue, la somme de 2 000 francs au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" aux motifs que, dans la mesure où la partie civile n'a pas déclaré sa créance dont l'origine se trouve dans les malversations de la prévenue qui ont entraîné sa condamnation pour des faits commis courant 1988-1989, cette créance est éteinte puisqu'aucun relevé de forclusion n'a été demandé et la partie civile sera déboutée de ses demandes, fins et conclusions ; il n'apparaît pas inéquitable d'allouer à Me Z... la somme de 2 000 francs au titre des frais irrépétibles annoncés par lui pour soutenir ses prétentions devant la Cour ;
" alors que, d'une part, en application de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, les actions des créanciers d'un débiteur déclaré en liquidation judiciaire et dont les créances ont leur origine antérieurement au jugement d'ouverture, sont seulement suspendues jusqu'à ce que les créanciers poursuivants aient procédé à la déclaration de leurs créances, en sorte qu'en déboutant la partie civile de l'intégralité de ses demandes la Cour a violé le texte précité ;
" alors que, d'autre part, les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale permettent seulement à la juridiction pénale de condamner l'auteur d'une infraction à payer à la partie civile les frais irrépétibles ; qu'en condamnant, sur le fondement de ce texte, une partie civile à payer une somme d'argent au liquidateur de la liquidation judiciaire de la prévenue condamnée pour faux et escroquerie commis au préjudice de cette même partie civile, la Cour a violé le texte dont elle a prétendu faire application " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que seul l'auteur de l'infraction peut être condamné au paiement des frais visés à l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que la somme ainsi déterminée ne peut être allouée à une personne autre que la partie civile ;
Attendu que ladite somme, qui n'a pas le caractère de dommages-intérêts et n'obéit pas aux règles fixées par les articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires, peut être mise à la charge d'un prévenu se trouvant dans les liens d'une procédure collective ;
Attendu que, par un jugement devenu définitif, Monique Y... a été déclarée coupable de faux et d'escroqueries commis en 1988 et 1989 au préjudice de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) ;
Attendu qu'après avoir énoncé que la créance de cet organisme, ayant son origine antérieurement au jugement du 12 juin 1990 par lequel la prévenue a été déclarée en liquidation judiciaire, était éteinte faute d'avoir été déclarée au représentant des créanciers et d'avoir donné lieu à relevé de forclusion, la cour d'appel, saisie des intérêts civils, a débouté l'ANAH non seulement de sa demande tendant à la fixation du préjudice résultant des délits susvisés, mais aussi de celle formée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Que, par ailleurs, la juridiction du second degré a condamné la partie civile, sur le fondement de ce même texte, au paiement d'une somme de 2 000 francs au profit du mandataire liquidateur appelé à intervenir en la cause ;
Mais attendu qu'en cet état, si l'arrêt n'encourt pas la censure pour avoir écarté la demande indemnitaire de la partie civile, en constatant à bon droit l'extinction de la créance de l'ANAH par application de l'article 53, dernier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître le sens et la portée des textes et principes ci-dessus rappelés, ni rejeter la demande en paiement d'une somme au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, présentée par la partie civile, laquelle, en dépit de l'extinction de sa créance, était fondée à intervenir en cette qualité à seule fin de corroborer l'action publique, ni condamner la demanderesse à payer une somme sur le fondement du même texte au mandataire liquidateur ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ces chefs ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, en date du 27 novembre 1996, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80177
Date de la décision : 19/02/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Frais non recouvrables - Auteur de l'infraction - Débiteur en liquidation judiciaire

La somme allouée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, qui n'a pas le caractère de dommages-intérêts et n'obéit pas aux règles fixées par les articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires, peut être mise à la charge de l'auteur de l'infraction personnellement dans les liens d'une procédure collective


Références :

2° :
Code de procédure pénale 475-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 27 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 1998, pourvoi n°97-80177, Bull. crim.Bull. crim. 1998, n° 72, p. 189
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle Bull. crim. 1998, n° 72, p. 189

Composition du Tribunal
Président : M. Schumacher (conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président)
Avocat général : M. Cotte
Rapporteur ?: M. Martin
Avocat(s) : M. Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80177
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