AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Genevrier, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1995 par la cour d'appel de Paris (21e chambre, section C), au profit de Mlle Annick X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 janvier 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bouret, conseiller rapporteur, M. Le Roux-Cocheril, conseiller, M. Frouin, Mme Lebée, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les observations de Me Guinard, avocat de la société Genevrier, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mlle X..., employée de la société Genevrier, a été licenciée pour faute grave par lettre du 27 juin 1991 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 1995) d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, d'une part, dans ses conclusions d'appel, la société Genevrier soutenait que "loin de prétendre ne pas avoir pu arrêter les comptes, Mlle X... affirmait au contraire son intention de les préparer complètement -lettre du 10 avril 1990" (conclusions p. 8, 4);
que, pour déclarer le licencement de Mlle X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt a énoncé que le grief tiré de l'absence d'arrêt définitif des comptes de l'exercice 1989 au mois d'avril 1990 avait trait à une tâche incombant à l'expert-comptable;
qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mlle X... avait tenu à la disposition de l'expert-comptable en temps utile les éléments comptables nécessaires à l'arrêté des comptes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-4 du Code du travail;
alors que, d'autre part, à l'appui du grief tiré du comportement injurieux de Mlle X... envers ses supérieurs, la société Genevrier versait aux débats l'attestation de M. Y... suivant laquelle la salariée avait eu à deux reprises une attitude insolente envers la directrice;
qu'en affirmant qu'aucun élément d'information n'était apporté de ce chef devant elle, la cour d'appel a violé l'article 1341 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du fond, qui n'étaient pas tenus d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis, ont retenu que les faits n'étaient pas établis;
que le moyen, irrecevable en sa première branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Genevrier aux dépens ;
Vu l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Genevrier à une amende civile de 10 000 francs envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.