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20/01/1998 | FRANCE | N°95-20705;95-20750;95-21587

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 janvier 1998, 95-20705 et suivants


Joint les pourvois n°s 95-20.705, 95-20.750 et 95-21.587 qui attaquent le même arrêt ;

Statuant tant sur les pourvois principaux du groupement d'intérêt économique Aticam, de la Compagnie maritime d'affrètement et de la société des transports Delisle que sur le pourvoi incident du groupement d'intérêt économique Aticam ;

Donne acte à la société des transports Delisle et au groupement d'intérêt économique Aticam, de ce qu'ils se sont partiellement désistés de leur pourvoi, en tant que formé à l'encontre du capitaine du navire " Red Sea Elbe " et, en ce qui co

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Joint les pourvois n°s 95-20.705, 95-20.750 et 95-21.587 qui attaquent le même arrêt ;

Statuant tant sur les pourvois principaux du groupement d'intérêt économique Aticam, de la Compagnie maritime d'affrètement et de la société des transports Delisle que sur le pourvoi incident du groupement d'intérêt économique Aticam ;

Donne acte à la société des transports Delisle et au groupement d'intérêt économique Aticam, de ce qu'ils se sont partiellement désistés de leur pourvoi, en tant que formé à l'encontre du capitaine du navire " Red Sea Elbe " et, en ce qui concerne la société des transports Delisle, en tant que formé à l'encontre du liquidateur de la société Les Presses nouvelles de l'Est, du représentant des créanciers et de l'administrateur judiciaire de la société Loisel ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 24 octobre 1989, la société AG Kouris (société Kouris) a acquis de la société Les Presses Nouvelles de l'Est (société PNE) une presse d'imprimerie d'occasion que le vendeur avait chargé, en janvier 1988, la société des transports Delisle (société Delisle) de déplacer de Dijon à Dreux puis, en qualité de dépositaire, de garder en pièces détachées dans divers conteneurs et caisses en bois ; qu'après la vente, la société Kouris a confié à la société Delisle, en qualité de commissionnaire de transport, le soin d'organiser l'acheminement de la machine jusqu'au port du Pirée (Grèce) via celui du Havre, où elle a été mise à bord du navire " Red Sea Elbe " de la Compagnie maritime d'affrètement (le transporteur maritime) ; que d'importantes traces de corrosion ayant été constatées à l'arrivée en Grèce, la société Kouris a assigné en réparation de ses préjudices la société Delisle, le transporteur maritime ainsi que le groupement d'intérêt économique Aticam (GIE Aticam) , assureur des facultés ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi de la société Delisle et sur le deuxième moyen du pourvoi du GIE Aticam, réunis :

Attendu que le GIE Aticam et la société Delisle reprochent à l'arrêt, d'avoir retenu la responsabilité de cette dernière alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour affirmer que les dommages étaient liés, en partie, à l'absence de produit dessiccateur, la cour d'appel a considéré que les caisses en bois pour le contenu desquelles cette absence aurait constitué un facteur déterminant d'oxydation, avaient été utilisées par la société Delisle, avant le transfert de propriété, en vue de l'entreposage à Dreux, qui avait duré vingt-deux mois ; que cette considération de fait est en manifeste contradiction avec l'affirmation, par la cour d'appel, de ce que les caisses dont il s'agit ont été fabriquées à une époque certainement très proche du transport en Grèce, pour lequel elles ont été utilisées ; que, de la sorte, l'admission par la cour d'appel du rôle causal de l'absence de produit dessiccateur dans la partie de l'oxydation antérieure au transfert de propriété, dont la société Delisle a été dite quasi délictuellement responsable à l'égard de la société Kouris, procède d'une manifeste contrariété de motifs de fait et d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le défaut d'utilisation d'un produit dessiccateur, par la société Delisle, dépositaire d'un appareil métallique, n'aurait pu constituer, à l'égard de tiers, une faute quasi délictuelle que s'il avait constitué, d'abord, à l'égard du déposant, une faute contractuelle ; qu'un dépositaire n'est en effet pas tenu à d'autres obligations que d'entreposer le matériel qui lui est confié ; que, faute d'avoir précisé à quel titre la société Delisle se devait d'utiliser un produit dessiccateur, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, en outre, que la cour d'appel, en violation de l'article 1382 du Code civil, n'a pas établi en quoi les manquements de la société Delisle à ses obligations contractuelles envers la société PNE constituaient, à l'égard de la société Kouris, des fautes quasi délictuelles détachables du contrat et envisagées en elles-mêmes, indépendamment de tout point de vue contractuel ; et alors, enfin, que l'utilisation, lors du stockage, de deux conteneurs prétendument en mauvais état, ne pouvait constituer, une faute quasi délictuelle à l'égard du tiers qu'était l'acquéreur de la machine, dès lors que, selon la cour d'appel, les conteneurs dont il s'agit ont été placés dans les magasins de la société Delisle et que, par conséquent, leur utilisation a été sans incidence sur l'oxydation du matériel entreposé ; que la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Delisle, en sa seule qualité de commissionnaire de transport, était, par application des dispositions de l'article 98 du Code de commerce, garante des avaries constatées à l'arrivée au Pirée et, dès lors qu'elle était elle-même l'expéditeur et n'alléguait pas la force majeure, ne pouvait s'exonérer qu'en établissant le vice propre de la marchandise transportée, à condition qu'il constitue pour elle une cause étrangère ; qu'afin de rechercher si tel était le cas de la rouille affectant la machine dès avant sa prise en charge par la société Delisle en qualité de commissionnaire, la cour d'appel pouvait examiner les conditions de conservation mises en oeuvre par celle-ci pendant la longue période ayant précédé la vente et en déduire, au vu de ses constatations, que le vice propre allégué était imputable en fait à la société Delisle, sans qu'il puisse lui être reproché de s'être ainsi fondée sur la responsabilité délictuelle de celle-ci envers la société Kouris, tiers au contrat de dépôt ; que les motifs retenant également une telle responsabilité doivent donc être tenus pour surabondants ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, en relevant que les caisses fabriquées par la société Delisle pour contenir les parties les plus délicates de la machine l'ont été à une date " très certainement proche du transport en Grèce " et non pas " certainement très proche " de celui-ci, comme l'écrit le moyen, n'a pas exclu pour autant que ces caisses aient pu être utilisées sur une certaine durée, mais s'est bornée à tirer les conséquences de ses autres constatations suivant lesquelles elles n'avaient pas servi au déplacement de la machine entre Dijon et Dreux ; que la contradiction alléguée n'est ainsi pas établie ;

Attendu, enfin, que c'est par une appréciation souveraine des faits de la cause que la cour d'appel a retenu que l'absence de produit dessiccateur pouvant absorber la condensation dans des caisses en bois " destinées à un entreposage dont la durée pouvait être fort longue " ainsi que l'emploi de deux conteneurs défectueux, même stockés à l'abri dans les magasins de la société Delisle à Dreux, étaient, de façon déterminante, à l'origine de la rouille ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi de la société Delisle : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi de la société Delisle, sur le moyen unique, pris en ses sixième et septième branches, du pourvoi du transporteur maritime et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, du GIE Aticam : (sans intérêt) ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi de la société Delisle :

Sur la nouveauté prétendue de ce moyen : (sans intérêt) ;

Et sur ce moyen :

Vu l'article 98 du Code de commerce ;

Attendu que pour condamner la société Delisle à rembourser à la société Kouris la somme de 430 000 francs " pour frais du transport ", l'arrêt retient que le commissionnaire a mal exécuté sa prestation ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans dire en quoi, une fois la machine réparée et le préjudice commercial de la société Kouris spécialement indemnisé, celle-ci subissait un autre préjudice justifiant qu'elle soit dispensée, à titre de dommages-intérêts supplémentaires, de payer le prix d'un déplacement entre Dreux et Le Pirée effectivement réalisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi du transporteur maritime :

Vu l'article 4-2, de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, applicable en la cause ;

Attendu que le transporteur maritime s'exonère totalement ou partiellement de la responsabilité qui est présumée à son encontre, quant aux pertes ou avaries aux marchandises transportées, s'il démontre l'existence de l'une des causes d'exonération admises par le texte susvisé et, en tout ou en partie, de son lien de causalité avec le dommage ;

Attendu que, pour déclarer le transporteur maritime responsable in solidum avec la société Delisle de la totalité du dommage subi par la société Kouris, l'arrêt retient que le vice propre de la marchandise, constitué par sa corrosion antérieure au transport ne lui permet que " de se dégager dans ses seuls rapports avec son commettant, la société Delisle " et qu'il a fourni cinq conteneurs inadaptés au transport ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le vice propre de la marchandise est l'un des cas exceptés de responsabilité du transporteur maritime, que celui-ci peut opposer au destinataire et que la faute du transporteur ayant aggravé les conséquences de ce vice ne justifie qu'une condamnation partielle de ce dernier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Et attendu que la cassation de ce chef atteint, par voie de conséquence, le partage de responsabilité opéré par l'arrêt dans les rapports entre la société Delisle et le transporteur maritime ;

Et sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi du GIE Aticam :

Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le GIE Aticam, en sa qualité d'assureur des facultés, ne pouvait bénéficier de l'exclusion légale de garantie du vice propre, prévue à l'article L. 174-5, alinéa 2, du Code des assurances, l'arrêt retient que, dans le cadre d'une autre police, il était également " l'assureur de la marchandise pendant la période d'entreposage où avait pris naissance une rouille... " et qu'il " ne saurait donc qualifier cette rouille, dont (il) couvrait le risque, de vice propre de la marchandise " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties, dont aucune n'a prétendu que le GIE Aticam était intervenu à un autre titre que celui d'assureur maritime sur facultés, à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, ni sur le pourvoi incident du GIE Aticam :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions concernant la Compagnie maritime d'affrètement et le groupement d'intérêt économique Aticam et en ce qu'il a condamné la société des transports Delisle à payer à la société AG Kouris la somme de 430 000 (quatre cent trente mille) francs " pour frais du transport ", l'arrêt rendu le 7 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-20705;95-20750;95-21587
Date de la décision : 20/01/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Commissionnaire de transport - Responsabilité - Perte ou avarie - Limitation de responsabilité du transporteur - Condition .

Le commissionnaire de transport, garant des avaries constatées à l'arrivée, ne peut s'exonérer que par la force majeure, la faute de l'expéditeur ou le vice propre de la marchandise transportée, à condition qu'il constitue pour lui une cause étrangère.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 jan. 1998, pourvoi n°95-20705;95-20750;95-21587, Bull. civ. 1998 IV N° 37 p. 26
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 37 p. 26

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : MM. Delvolvé, Le Prado, la SCP Richard et Mandelkern, M. Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.20705
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