La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/1997 | FRANCE | N°96-85372

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 décembre 1997, 96-85372


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Christian, contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, chambre correctionnelle, en date du 24 octo

bre 1996, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 12 mois d'emp...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Christian, contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 1996, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 4 du protocole n°7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de fraude fiscale, en rejetant le moyen tiré par lui de la règle "non bis in idem", en raison du fait qu'il avait déjà été l'objet d'une sanction fiscale consistant en une amende ; "aux motifs que la loi prévoit tant des sanctions fiscales représentées par des majorations et pénalités que des sanctions pénales, mais seulement si, pour ces dernières, il y a fraude;

qu'une chose est de ne pas payer l'impôt dont on est redevable;

qu'une autre est de commettre une fraude fiscale;

que la jurisprudence de la Cour européenne évoquée par Christian X..., n'a pas pour conséquence de faire considérer les sanctions administratives fiscales comme des sanctions pénales, mais de faire rechercher si la sanction de droit interne sanctionnant une violation des règles générales concernant tout citoyen a un but non de réparation d'un préjudice mais à la fois préventif et dissuasif, punitif et ce aux fins de l'application de l'article 6 paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, selon laquelle toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal qui décidera de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle;

qu'en application Christian X... pouvait faire état du caractère pénal des sanctions de pénalités assortissant les droits fraudés dans une contestation portée devant un tribunal le jugeant équitablement sur lesdites pénalités, c'est à dire par le juge administratif;

que c'est là, la seule portée de la jurisprudence de la Cour européenne de sauvegarde en l'état d'évolution de son interprétation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme;

qu'en deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du protocole additionnel 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif, conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat";

que la France a émis la réserve suivante, quant à l'application de cette disposition : "seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale, doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 et 4 du présent protocole";

que les sanctions fiscales et les sanctions pénales sont de nature différentes, même si les sanctions fiscales, pécuniaires et exclusivement, ont un caractère pénal aux fins de l'application de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qu'elles sont appliquées pour les premières par l'Administration, sous le contrôle des tribunaux administratifs, pour les secondes, prononcées par les tribunaux judiciaires qui peuvent être autres que pécuniaires, pouvant aller jusqu'à des peine de substitution à l'emprisonnement et au prononcé de peines complémentaires toutes inconnues de l'Administration;

que la procédure tendant au recouvrement des droits et pénalités, comme en l'espèce à la contestation de majoration de pénalités fiscales n'est pas une procédure pénale qui n'est pas statuée en matière pénale, au sens du droit interne, ni au sens de la Convention internationale ratifiée avec réserve par la France;

que la poursuite pénale pour fraude fiscale et la procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette de l'impôt assorti de majoration et de pénalités, sont par leur nature et par leur objet différentes et indépendantes l'une de l'autre;

qu'ainsi au regard de l'article 4 du protocole n°7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en l'espèce, ni par la procédure administrative non qualifiable de pénale, ni par la nature de la sanction pécuniaire administrative dont le caractère préventif et répressif n'a d'intérêt que pour l'exigence de l'application des garanties essentielles de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme;

que Christian X... ne peut prétendre dès lors avoir déjà été pénalement poursuivi au seul motif qu'il s'est vu infligé des pénalités affectant les droits éludés en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; "alors que le délit prévu et réprimé par l'article 1741 du Code général des impôts est constitué par le fait de s'être frauduleusement soustrait, ou d'avoir tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés par le Code général des impôts, soit que le prévenu ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujet à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt;

que l'expression "s'être frauduleusement soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt" ne vise pas l'existence de manoeuvres frauduleuses mais caractérise seulement l'intention coupable ; "alors, d'autre part, que nul ne peut être condamné pour une infraction pour laquelle il lui a déjà infligé une peine, que ce soit par une juridiction, ou par une décision de l'autorité administrative, dès lors que la peine subie a un caractère pénal, notamment au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme;

que la règle "non bis in idem" est énoncée en ce qui concerne l'interdiction d'une double condamnation par une juridiction, par l'article 7 du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, mais résulte également de l'obligation de réserver au prévenu un procès équitable, règle qui se trouve violée si un prévenu subit une condamnation pour des faits qui ont été réprimés ; "alors, de troisième part, que les amendes fiscales imposées par l'Administration, notamment pour inobservation des règles gouvernant la déclaration, l'établissement et le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, sont des sanctions ayant une nature pénale au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, peu important que leur contentieux relève, du point de vue du droit interne de la juridiction administrative;

que la règle "non bis in idem" qui interdit d'infliger deux sanctions pour le même fait, est un principe général du droit qui, en droit interne, ne s'applique qu'aux cas de condamnation par deux juridictions, cependant que les principes issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme conduisent à interdire d'infliger pour le même fait deux sanctions;

une sanction administrative et une sanction pénale" ; Attendu que, pour écarter les conclusions de Christian X..., qui soutenait qu'ayant déjà été l'objet d'une sanction fiscale, il ne pouvait plus être poursuivi pour les mêmes faits, et le condamner à des peines d'emprisonnement et d'amende en application de l'article 1741 du Code général des Impôts, la cour d'appel énonce que la poursuite pénale pour fraude fiscale, visant un comportement délictueux, et la procédure administrative, tendant à la fixation de l'assiette de l'impôt, assorti de majorations et de pénalités, sont par leur nature et leur objet différentes et indépendantes l'une de l'autre ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; Qu'en effet, l'interdiction d'une double condamnation à raison des mêmes faits prévue par l'article 4 du protocole n°7, additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux peines infligées par le juge répressif ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré :

M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. A..., Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Z... de Champfeu conseiller référendaire ; Avocat général : M. de Gouttes ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-85372
Date de la décision : 11/12/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Protocole additionnel n° 7 - Article 4 - Principe de l'interdiction des doubles poursuites - Violation - Cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales (non).

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Pénalités et peines - Cumul idéal d'infractions - Faits constituant à la fois une infraction fiscale et une infraction de droit commun - Poursuites distinctes - Peines applicables.


Références :

CGI 1729 et 1741
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950, protocole additionnel n° 7, art. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, 24 octobre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 déc. 1997, pourvoi n°96-85372


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.85372
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award