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27/11/1997 | FRANCE | N°96-86658

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1997, 96-86658


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par : - X... Didier,

- Y... Luc, contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 1996 qui a condamné, le premier, pour a

bus de confiance, à 18 mois d'emprisonnement, le second, pour complicité et rec...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par : - X... Didier,

- Y... Luc, contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 1996 qui a condamné, le premier, pour abus de confiance, à 18 mois d'emprisonnement, le second, pour complicité et recel d'abus de confiance, à 12 mois d'emprisonnement, a prononcé à leur encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans, et a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

I - Sur le pourvoi de Luc Y... :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, alinéa 2, et 132-24 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a confirmé la condamnation de Luc Y... à une peine ferme d'emprisonnement d'un an ;

"aux motifs que la responsabilité de Luc Y... est moindre mais justifie pour lui aussi le prononcé d'une peine ferme à raison de la gravité des faits et du trouble social auquel il a participé, elle sera fixé à une année ;

"alors qu'il doit spécialement motiver le choix d'une telle peine sans sursis, en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur;

qu'en l'espèce en se référant à la responsabilité du coprévenu et sans tenir compte de la personnalité de Luc Y..., la Cour n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'après avoir relevé que le prévenu avait encaissé sur son compte bancaire des chèques d'un montant de 180 000 francs provenant des détournements commis par Didier X... et retenu qu'il n'avait pu ignorer l'origine frauduleuse des fonds dont son ami l'avait fait bénéficier au cours de leur vie commune, la cour d'appel l'a condamné à 12 mois d'emprisonnement en raison de la gravité des faits et du trouble social auquel il a participé ;

Qu'en l'état de ces énonciations, les juges du second degré ont justifié leur décision au regard des articles 132-19, alinéa 2, et 132-24 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 408, 460 anciens du Code pénal, 121-6, 121-7, 321-1 et 314-1 du nouveau Code pénal, 8, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a reconnu Luc Y... coupable de complicité d'abus de confiance pour la somme de 180 000 francs et de recel d'abus de confiance pour les autres faits et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il est établi que dès juillet 1991 le prévenu a connu le montant du salaire de Didier X..., 13 000 francs par mois, et que dès lors il ne pouvait que déduire la totale inadéquation entre le train de vie qu'ils menaient et le montant des salaires;

qu'il a accepté d'encaisser sur son propre compte des chèques pour un montant de 180 000 francs provenant de l'entreprise Z...;

que l'ensemble de ces circonstances conduit à éliminer le doute quant à la connaissance des faits que pouvait avoir le prévenu et donc de l'origine frauduleuse des fonds ;

"alors que, d'une part, il résulte de la prévention que les faits reprochés à Luc Y... ont été pour partie commis antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal;

qu'en se référant exclusivement aux dispositions du nouveau Code pénal, la Cour n'a pas légalement justifié son arrêt ;

"alors que, d'autre part, l'auteur principal du délit d'abus de confiance, pour avoir détourné en chèques la somme de 620 000 francs, a été retenu dans les liens de la prévention pour des faits commis de 1990 au 1er octobre 1993;

que dès lors, la Cour, qui a retenu le prévenu dans les liens de la prévention de complicité d'abus de confiance commis de juillet 1991 à septembre 1994, ne pouvait statuer ainsi sans relever expressément que la remise des chèques litigieux à Luc Y... a eu lieu entre juillet 1991 et le 1er octobre 1993 ; qu'à défaut, elle n'a pas légalement justifié son arrêt ;

"alors que, en tout état de cause, la Cour ne pouvait retenir Luc Y... dans les liens de la prévention du chef de recel d'abus de confiance pour les faits de détournement d'argent liquide sans caractériser plus avant l'élément matériel du délit, les séjours fréquents dans des hôtels restaurants de grand luxe, et l'achat de voiture de prestige et l'aménagement luxueux de la villa ne caractérisant pas, en ce qui concerne le prévenu, le recel d'argent liquide ;

"alors que, pareillement, la Cour ne pouvait retenir le demandeur dans les liens de la prévention du chef de recel d'abus de confiance du fait du détournement d'une carte d'essence, sans constater que le prévenu avait au moins une fois en toute connaissance de cause bénéficié des voyages ainsi effectués par le coprévenu;

qu'à défaut d'avoir caractérisé l'élément matériel et moral de l'infraction, la Cour n'a pas légalement justifié son arrêt ;

"alors qu'enfin, la Cour ne pouvait retenir Luc Y... dans les liens de la prévention de complicité et de recel d'abus de confiance pour une période de prévention s'achevant postérieurement à celle visée au titre de l'infraction principale;

qu'en l'espèce, l'auteur principal a été retenu dans les liens de la prévention d'abus de confiance pour la période de 1990 au 1er octobre 1993 et Luc Y... pour celle de juillet 1991 à septembre 1994;

qu'en retenant Luc Y..., dans les liens de la prévention de recel et de complicité d'abus de confiance du 1er octobre 1993 à septembre 1994, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le moyen pris en sa première branche ;

Attendu que les faits reprochés au prévenu sous la qualification de complicité et recel d'abus de confiance entrent dans les prévisions tant des dispositions anciennes que nouvelles du Code pénal;

qu'il ne saurait, dès lors, se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué n'ait pas visé l'ensemble des textes applicables pour la période de la prévention antérieure au 1er mars 1994 ;

Sur le moyen pris en sa deuxième branche ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, pour s'être concerté avec Didier X... afin d'encaisser sur son compte bancaire des chèques de l'entreprise Z... totalisant la somme de 180 000 francs que ce dernier avait détourné au préjudice de son employeur, Luc Y... s'est rendu complice des abus de confiance imputés à son coprévenu dans le temps même où ceux-ci ont été commis, soit au cours de la période visée par la prévention et non atteinte par la prescription ;

Sur le moyen pris en ses troisième et quatrième branches ;

Attendu que, pour déclarer Luc Y... coupable de recel d'abus de confiance, les juges retiennent, d'une part, qu'il a été mis en cause par le plaignant, pour avoir utilisé à des fins personnelles une carte d'essence destinée aux besoins de l'entreprise, et, d'autre part, qu'il ne pouvait ignorer, dès le mois de juillet 1991, que l'argent dont il tirait parti en raison de sa vie commune avec Didier X... avait une origine frauduleuse, que rendait évidente la disproportion existant entre les ressources régulières de son ami et le caractère somptuaire du train de vie qu'il lui faisait partager ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui relèvent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel le délit de recel reproché au prévenu, a justifié sa décision ;

Sur le moyen pris en sa dernière branche ;

Attendu que le demandeur, qui a été retenu dans les liens de la prévention pour le délit de complicité d'abus de confiance commis en concomitance avec les faits reprochés à son coprévenu, ne saurait par ailleurs se faire un grief de ce que les juges aient relevé que le recel d'abus de confiance, dont ils l'ont également reconnu coupable, se soit déroulé pour partie postérieurement aux faits imputés à l'auteur principal, dès lors que le recel est une infraction continue qui se consomme tant que dure la détention ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

II - Sur le pourvoi de Didier X... :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 42, 408 du Code pénal, 314-1, 131-21, 314-10 du nouveau Code pénal, 8, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a reconnu Didier X... coupable d'abus de confiance pour l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, en répression l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 18 mois et à l'interdiction des droits civiques et de famille pour une durée de cinq ans et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments de l'information que Didier X... disposait de sommes en espèces qui provenaient de retraits au guichet de la banque au moyen de chèques de retraits préalablement signés de Guy Z...;

par ailleurs, lorsque Guy Z... était absent, Didier X... pouvait se rendre lui-même à la banque pour opérer des retraits au guichet et il signait, bien que n'étant titulaire d'aucune procuration ni signature, pour le compte de l'entreprise, les bordereaux de retrait correspondants;

que ces sommes alimentaient la caisse;

que Didier X... prélevait dans cette caisse d'importantes sommes d'argent qu'il a fixées à 400 000 francs sur trois ans;

qu'il est établi en conséquence que ces sommes d'argent lui étaient remises dans le cadre de son travail et qu'il les a détournées à son profit personnel;

que dès lors ces faits doivent être qualifiés, ainsi qu'ils l'ont été par les premiers juges, d'abus de confiance;

que pour les sommes détournées par chèques, Didier X... a reconnu qu'il établissait plusieurs dizaines de chèques chaque semaine pour le fonctionnement de l'entreprise et qu'il les classait dans un parapheur pour les faire signer par Guy Z...;

à cette occasion, il mêlait à ces chèques des chèques qu'il avait établi soit à l'ordre de Luc Y... qui les encaissait sur son compte personnel et lui rétrocédait le montant en espèces ou les utilisait pour régler ses dépenses personnelles;

que le total des sommes ainsi détournées était fixé à 620 000 francs par Didier X... qui précisait avoir remis pour 180 000 francs de chèques à Luc Y...;

que ces faits ont été qualifiés d'escroqueries par les premiers juges;

qu'en l'absence de manoeuvre véritablement caractérisée, c'est la qualification d'abus de confiance qui doit être retenue;

Didier X..., auquel des chèques avaient été confiés pour en faire un usage déterminé, les a détournés de l'usage prévu à son profit personnel ou à celui de Luc Y...;

que Didier X... a reconnu l'utilisation de ces cartes mais soutient qu'il avait l'accord de Guy Z... car il ne disposait pas de véhicule de fonction et devait se déplacer pour le compte de l'entreprise;

ainsi que l'ont fait observer les premiers juges, il est peu vraisemblable que Guy Z... ait pu ignorer cet usage pendant trois ans qu'il a duré ; cependant, il est tout aussi vraisemblable que l'usage de ces cartes à des fins non professionnelles n'a pas été accordé, or l'information a révélé que des pleins avaient été effectués dans des régions fort éloignées de Graulhet où Didier X... n'avait aucune raison de se rendre à des fins professionnelles;

cet usage abusif caractérise l'abus de confiance retenu par les premiers juges;

la responsabilité de Didier X... est principale et conduit pour ces raisons, gravité des faits, importance des sommes détournées, trouble social, au prononcé d'une sévère peine d'emprisonnement ferme qui a été judicieusement fixée à 18 mois;

il sera en outre privé des droits civils, civiques et de famille pour une durée de cinq années en application des dispositions de l'article 131-26 du Code pénal ;

"alors que, d'une part, en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues;

que, dès lors, la Cour qui a déclaré Didier X... coupable des faits cités à la prévention, laquelle visait des faits commis "de 1990 au 1er octobre 1993", soit sur une période supérieure à trois ans, sans s'expliquer sur ceux atteints par la prescription de l'action publique, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors que, d'autre part, il résulte de la prévention que les faits litigieux ont été commis antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal;

que, dès lors, la Cour, laquelle ne s'est fondée uniquement, tant en ce qui concerne l'incrimination que les peines prononcées sur les dispositions des articles 314-1, 314-2, 131-26 et 314-10 du nouveau Code pénal, plus sévères que celles figurant à l'article 408 du Code pénal, applicable à la date de la commission des faits, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que la cour d'appel, qui était saisie des détournements imputés au prévenu pour la période comprise entre 1990 et le 1er octobre 1993, n'a pas statué sur ceux qu'il aurait commis antérieurement au 1er octobre 1990, dès lors qu'elle a fixé le montant de ses prélèvements en espèces à la somme de 400 000 francs en les calculant pour la durée de trois ans non couverte par la prescription ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le moyen pris en sa seconde branche ;

Vu les articles 121-1, alinéa 2, 131-26-3° nouveau du Code pénal, 4, 42 et 408 anciens du Code pénal ;

Attendu que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;

Attendu que, si les faits reprochés au prévenu sous la qualification d'abus de confiance et la peine d'emprisonnement dont il a été sanctionné de ce chef, entrent dans les prévisions tant des dispositions anciennes que nouvelles du Code pénal, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, dont il a été l'objet au titre de l'article 131-26 nouveau du Code pénal, ne pouvait être ordonnée, dès lors qu'elle emporte l'interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, qui n'était pas prévue à l'époque de la commission des faits par les articles 42 et 408 anciens du Code pénal alors applicable ;

Qu'en prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue, et qu'en raison du caractère d'ordre public qui s'attache aux règles relatives à la légalité des peines, elle doit s'étendre à Luc Y..., autre demandeur au pourvoi ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen produit par Luc Y... au soutien de son pourvoi :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt précité de la cour d'appel de Toulouse, en date du 5 décembre 1996, mais en ses seules dispositions portant condamnation de Didier X... et Luc Y... à l'interdiction pendant 3 ans de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Challe, Pelletier, Roger conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-86658
Date de la décision : 27/11/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, 05 décembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1997, pourvoi n°96-86658


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.86658
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