AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par : - LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, du 14 octobre 1996, qui, dans la procédure suivie contre Denise Y..., épouse LANGER, pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné les Mutuelles du Mans Assurances et Denise Langer à payer à Nelly X... la somme de 367 133,60 francs en réparation de son préjudice corporel soumis à recours ;
"aux motifs que le préjudice corporel soumis à recours doit être évalué à la somme de 367 133, 60 francs;
que par lettre du 4 mars 1996, la CPAM de l'Eure indique que sa créance s'élève à 810 573, 08 francs, qu'aucune des parties ne conteste cette créance, qu'il convient donc d'en adopter le montant ;
"alors que la créance des organismes sociaux s'impute sur la somme allouée à la victime en réparation de son préjudice corporel autre que personnel;
que la cour d'appel a évalué le préjudice soumis à recours de la victime à la somme de 367 133, 60 francs;
qu'en s'abstenant de déduire de cette somme le montant de la créance de la CPAM de l'Eure s'élevant à la somme de 810 573, 08 francs - d'où il ressortait qu'il ne pouvait revenir aucun solde indemnitaire à la victime - la Cour a violé le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le dommage résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour chacune des parties ;
Attendu qu'appelée à se prononcer sur la réparation des dommages résultant de l'atteinte à l'intégrité physique de Nelly X..., blessée lors d'un accident dont Denise Y..., épouse Langer, a été reconnue responsable, la juridiction du second degré évalue son préjudice soumis à recours à la somme de 367 133,60 francs, sur laquelle elle omet d'imputer, pour fixer l'indemnité complémentaire lui revenant, les prestations de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, dont elle fixe par ailleurs le montant à 810 573,08 francs ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue;
qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit méconnue, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire et de mettre fin au litige ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, du 14 octobre 1996, mais seulement en ses dispositions relatives à la réparation du préjudice découlant de l'atteinte à l'intégrité physique de Nelly X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Constate qu'après imputation sur le préjudice soumis à recours de Nelly X..., de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, aucune indemnité complémentaire n'est due à la victime ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Pelletier, Roger conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;