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27/11/1997 | FRANCE | N°96-85520

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1997, 96-85520


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me BOUTHORS et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par : - A... Jean-Noël,

- X... Alain,

- Y... Vincent, contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 30 sept

embre 1996, qui a condamné : - Jean-Noël A..., pour confirmation d'informations mens...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me BOUTHORS et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par : - A... Jean-Noël,

- X... Alain,

- Y... Vincent, contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 1996, qui a condamné : - Jean-Noël A..., pour confirmation d'informations mensongères, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, - Alain X..., pour banqueroute, publication et présentation de comptes annuels infidèles, défaut d'établissement de procès-verbaux d'assemblée générale et de conseil d'administration et abus de confiance, à 2 ans et 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 ans de faillite personnelle, - Vincent Y..., pour publication et présentation de comptes infidèles, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Alain X..., pris de la violation des articles 196 et 197 de la loi du 25 janvier 1985, 1382 du Code civil, 2, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef de banqueroute par détournement d'actif et ordonné le versement à Me Villa ès-qualités de 962 568,13 francs de dommages-intérêts ;

"aux motifs que le prévenu agissant alors en qualité de dirigeant de la SA X... a signé le 16 novembre 1990 un ordre de virement de 962 568,13 francs destiné à rembourser les soldes créditeurs des comptes courants de certains associés;

que le 16 novembre 1990 est la date de cessation des paiements de certaines sociétés du groupe dont la SA X...;

qu'en 1989, cette dernière société enregistrait un résultat comptable négatif de 19 466 000 francs pour un capital social de 10 530 000 francs;

qu'au 31 décembre 1989, l'arrêté des comptes consolidés faisait ressortir une perte de 18 447 000 francs;

qu'en mai 1990, Jean-Paul et Alain X... avaient contacté un repreneur alors que la BNP chef de file du pool bancaire avait fait connaître qu'elle n'honorait pas l'échéance du 10 novembre 1990, ce qui a déterminé Jean-Paul X... à avoir des comptes dans une autre banque;

qu'ainsi, à la date du 10 novembre 1990, la SA X... se trouvait dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible;

qu'Alain X..., contrairement à ce qu'il soutient, avait parfaitement connaissance de la situation;

que la signature de l'ordre de virement du 16 novembre 1990 porte les signatures de Jean-Paul et Alain X...;

que ces faits s'analysent en un acte de disposition volontaire sur le patrimoine du débiteur en fraude des droits des autres créanciers constitutif du délit de banqueroute par détournement d'actif (arrêt, p. 14 et 15) ;

"1°) alors que la prévention portant sur un fait antérieur à l'ouverture de la procédure collective prononcée en l'espèce le 19 novembre 1990, manquait en l'espèce la condition préalable aux poursuites du chef de banqueroute ;

"2°) alors que le délit de banqueroute par détournement d'actif étant rapporté à la situation de cessation des paiements du groupe, la cour d'appel, en l'état de l'ordre de virement litigieux émanant du président-directeur général du groupe ne pouvait retenir la responsabilité pénale du prévenu à raison d'un simple contreseing, d'ailleurs exigé par la banque, dès lors que n'était nullement caractérisé de son chef une véritable gestion de fait du groupe" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société anonyme
X...
, dont Alain X... était administrateur, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 19 novembre 1990 ;

Attendu que, pour condamner Alain X... du chef de banqueroute, les juges, après avoir fixé au 10 novembre 1990 la date de la cessation des paiements de la société, relèvent qu'en sa qualité de dirigeant de celle-ci, il a signé, le 15 novembre 1990, un ordre de virement de la somme de 962 568,13 francs en vue de rembourser à certains associés, membres de sa famille, leur compte courant créditeur;

qu'ils énoncent que le prévenu, en accomplissant cet acte de disposition sur le patrimoine de la société, a eu conscience de porter atteinte aux droits des créanciers ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, d'une part, si le délit de banqueroute par détournement d'actif, tel que défini par l'article 197,2°, de la loi du 25 janvier 1985, suppose qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte contre le débiteur, il s'agit là d'une condition préalable à l'exercice de l'action publique, constitutive d'une règle simple de procédure ;

Que, d'autre part, pour déclarer constitué le délit de banqueroute, le juge répressif a le pouvoir de retenir, en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction commerciale ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Alain X..., pris de la violation des articles 314-1 et suivants du Code pénal, 47 de la loi du 25 janvier 1985, 1382 du Code civil, 2, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef d'abus de confiance au préjudice de la BNP et a confirmé le jugement entrepris sur l'expertise destinée à établir le montant de la réparation revenant aux banques ;

"aux motifs que, le 18 avril 1989, la société X... services dont Alain X... était le président-directeur général signait avec la BNP et d'autres banques une convention cadre de cessions de créances professionnelles - loi Dailly;

que, vers le 10 novembre 1990, le prévenu, pour le compte de la société X... services, ouvrait sous sa seule signature un compte près d'une banque tierce, la BFCC, dans les livres de laquelle figuraient des comptes d'autres sociétés du groupe;

qu'à compter du 13 novembre 1990, la société X... services a remis à l'encaissement à la BFCC des chèques clients évalués par le pool bancaire, partie civile, à 3 345 063,02 francs;

que, pour solliciter sa relaxe, Alain X... soutient qu'en refusant d'honorer l'échéance du 10 novembre 1990, la BNP a résilié unilatéralement le contrat (article 14 de la convention);

que, cependant, le crédit correspondant ayant été mobilisé, la BNP ne peut être considérée comme ayant rompu unilatéralement la convention en refusant d'honorer l'échéance du 10 novembre 1990;

qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu Alain X... dans les liens de la prévention pour les seules créances de la société X... services (arrêt p. 17 à 18) ; qu'il y a lieu, par ailleurs, de confirmer le jugement entrepris ayant ordonné une expertise pour liquider le préjudice subi par les banques dont l'action à l'encontre du prévenu, qui n'est ni en redressement ni en liquidation judiciaire, ne se heurte pas aux dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 (arrêt p. 20) ;

"1°) alors qu'en l'état de la convention du 18 avril 1989 à laquelle la banque a brutalement mis fin le 10 novembre 1990 et de l'absence de précision de l'arrêt sur le volume du crédit antérieurement mobilisé, seul sujet à remboursement, la cour d'appel n'a caractérisé en aucun de ses éléments le délit d'abus de confiance reproché au prévenu à raison des remises de fonds clients près d'une tierce banque après le 10 novembre 1990 ;

"2°) alors que la faillite personnelle prononcée contre le requérant suspendait l'action en paiement des créanciers engagée devant le juge répressif" ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, le 18 avril 1989, la société anonyme
X...
Services, dont Alain X... était le président, a conclu avec cinq établissements bancaires, dont la BNP, désignée comme chef de file, une convention de cession de créances professionnelles, en vertu de laquelle le prévenu avait notamment l'obligation de remettre à cette dernière banque, dont il avait été constitué le mandataire, les paiements qui pourraient être effectués par les clients concernés par les factures cédées ;

Attendu que, pour condamner Alain X... du chef d'abus de confiance au préjudice de la BNP et ordonner une expertise en vue de déterminer le préjudice des banques, les juges retiennent qu'en violation de ses obligations contractuelles, il a ouvert, au nom de la société, un compte bancaire particulier sur lequel il a versé des sommes provenant du paiement de créances cédées ;

Qu'écartant le moyen de défense du prévenu, lequel soutenait que les actes reprochés avaient été commis après la résiliation unilatérale du contrat par la BNP, qui s'était refusée à délivrer les crédits consentis, ils énoncent que la convention n'avait nullement pris fin et que le refus de la banque de mettre des fonds à la disposition de la société était justifié par le fait que la demande présentée par celle-ci était supérieure au montant des créances cédées ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Alain X..., pris de la violation des articles 67, alinéa 2, et 211 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 437-2° et 457 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 1382 du Code civil, 2, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef de publication de comptes annuels inexacts et ordonné le versement à Me Villa ès-qualités d'une somme de 700 000 francs ;

"aux motifs qu'il est reproché à Alain X... d'avoir, en qualité d'administrateur de la SA Loiseau et Cie, présenté aux actionnaires lors de l'assemblée générale du 23 juin 1990 des comptes inexacts dont il avait été informé par une note interne du 14 juin 1990 faisant état d'un défaut de provision de 195 000 francs;

que si Alain X... ne conteste pas avoir eu connaissance de cette inexactitude, il fait valoir qu'il n'avait pas eu l'intention de dissimuler la véritable situation de la société;

qu'il avait, cependant, la qualité de dirigeant au sein de la société Loiseau dès lors qu'il était membre du comité de direction du groupe X...;

qu'à défaut pour lui d'avoir attiré l'attention des actionnaires sur les inexactitudes affectant les comptes annuels, il doit être considéré comme ayant agi sciemment en vue de dissimuler la véritable situation de la société (arrêt, p. 16 et 17);

qu'une somme de 700 000 francs réparant l'aggravation du passif née de cette infraction sera accordée à Me Villa, ès-qualités, dont l'action est recevable (arrêt, p. 21 et 22) ;

"1°) alors qu'en se bornant à déduire l'intention prêtée au prévenu de sa connaissance d'inexactitudes figurant au bilan sans autre examen des procès-verbaux susceptibles d'établir que le prévenu n'avait pas cherché à cacher la situation de la SA Loiseau à ses actionnaires, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ;

"2°) alors qu'en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA Loiseau, Me Villa n'était pas recevable en sa constitution de partie civile pour initier une action étrangère à ses attributions, s'agissant d'un délit de publication, présentation et confirmation de comptes inexacts, lequel n'est pas visé au Titre VII de la loi du 25 janvier 1985" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Vincent Z... et Jean-Noël A..., pris de la violation des articles 67, alinéa 2, et 211 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 437-2° et 457 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 1382 du Code civil, 2, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit Me Villa, commissaire à l'exécution du plan de la SA Loiseau et Compagnie, recevable en sa constitution de partie civile du chef des délits de publication et présentation de comptes inexacts ainsi que de confirmation d'informations mensongères, et a condamné Vincent Z... et Jean-Noël A..., solidairement entre eux et avec Alain X..., à verser 700 000 francs à titre de dommages et intérêts à la partie civile ;

"alors qu'en vertu des dispositions combinées des articles 67, alinéa 2, et 211 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, le commissaire à l'exécution du plan n'a le pouvoir que de poursuivre les actions engagées par le représentant des créanciers ou l'administrateur antérieurement au jugement qui arrête le plan, et d'engager lui-même les seules actions afférentes à l'exécution du plan ainsi que celles aux fins de poursuivre les infractions limitativement visées au titre VII de ladite loi, parmi lesquelles ne figurent pas les délits de publication, présentation et confirmation des comptes inexacts;

qu'en déclarant en l'espèce Me Villa, commissaire à l'exécution du plan de la SA Loiseau et Compagnie, recevable à se constituer partie civile en vue de défendre l'intérêt collectif des créanciers, au titre des infractions de publication, présentation et certification des bilans inexacts reprochées à Jean-Noël A..., et Vincent Z..., et ce, peu important l'inaction des précédents organes de la procédure, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Sur le moyen proposé pour Alain X..., pris en sa première branche ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de publication de comptes infidèles dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne saurait être admis ;

Sur les autres moyens ;

Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile du commissaire à l'exécution du plan adopté pour la société Loiseau, des chefs de présentation et publication de comptes annuels infidèles ainsi que de confirmation de comptes inexacts, les juges énoncent que si ce mandataire de justice ne peut invoquer les dispositions de l'article 211 de la loi du 25 janvier 1985, lequel ne concerne que le délit de banqueroute et les infractions qui lui sont assimilées, il tient de l'article 67 de cette loi le pouvoir d'exercer toute action en paiement de dommages-intérêts contre les personnes ayant porté atteinte aux intérêts collectifs de créanciers ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, le commissaire à l'exécution du plan trouve dans les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 67, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, qualité pour engager également une action au nom des créanciers ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Pelletier, Roger conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-85520
Date de la décision : 27/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) BANQUEROUTE - Détournement d'actif - Procédure de redressement judiciaire - Nécessité - Portée.

BANQUEROUTE - Eléments constitutifs - Retournement d'actif - Cessation de paiement - Date - Fixation par le juge pénal.


Références :

Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 197-2°

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, 30 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1997, pourvoi n°96-85520


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.85520
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