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27/11/1997 | FRANCE | N°96-80032

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 1997, 96-80032


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me ROUE-VILLENEUVE et de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Anne Marie, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du

16 novembre 1995, qui, pour diffamations publiques envers un particulier, a dé...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me ROUE-VILLENEUVE et de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Anne Marie, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 1995, qui, pour diffamations publiques envers un particulier, a déclaré l'action publique éteinte par l'amnistie, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu l'article 21 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation ;

"aux motifs que, si la plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire visent seulement le délit de diffamation publique envers un particulier et ne mentionnent pas l'article 31 concernant notamment le délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, les premiers juges se devaient de déterminer ceux des faits qui n'étaient pas compris dans la poursuite et ne prononcer que la nullité partielle de celle-ci ;

"et au motifs que les passages contenus dans l'article n° 679 contiennent des passages contenant des imputations diffamatoires à l'égard de Gérard Y... en ce qu'il est indiqué qu'il est un des principaux protagonistes de l'affaire Z..., relative à un détournement de subventions européennes, qu'il lui est reproché de recourir à la menace et l'intimidation, qu'il utilise ses responsabilités dans un but personnel;

qu'il fait pression sur les adhérents, les salariés de Z... ainsi que sur les habitants de la ville ;

"que le dernier article contenu dans le n° 680 reproche à Gérard Y... de se donner une apparence honorable et de faire indirectement pression sur la justice;

que "les éléments dévoilés par la presse au fil des mois, malgré les intimidations réitérées de Gérard Y..., se trouvent confortés par l'articulation rigoureuse d'un document carré qui ne laisse rien dans l'ombre et dont nous donnons ci-dessous de larges extraits", que ces reproches ne concernent que Gérard Y... pris en sa qualité de maire ;

"alors que, d'une part, les dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 sont d'ordre public et prescrites à peine de nullité ; que, dès lors que la plainte et le réquisitoire ne contiennent pas uniquement la critique d'actes visés par la qualification retenue, le juge ne peut, dans le cadre du contrôle qu'il exerce, que prononcer la nullité des poursuites, à peine de porter atteinte aux droits de la défense ;

"alors que, d'autre part, dans ses conclusions, la demanderesse avait fait valoir que les passages incriminés du n° 679 de "La Feuille" contenaient des imputations qui visaient non pas Gérard Y... en qualité de particulier, mais en celle de maire à raison de l'utilisation de ses fonctions de maire, la cour d'appel, qui était ainsi invitée à examiner l'article litigieux dans son contexte qui incriminait ouvertement Gérard Y... en sa qualité d'élu communal et visait les abus de fonctions commis en tant que maire du Temple-sur-Lot, n'a pas donné de base légale à sa décision en omettant de se prononcer sur ce chef de conclusions ;

"alors, qu'enfin, le dernier article incriminé du n° 680 visait Gérard Y... non pas en sa qualité de particulier mais en celle de maire en ce qu'il y était indiqué;

que, "sentant le procès en appel proche, tous les moyens sont bons pour se rendre incontournable, les casquettes servent à protéger les têtes qui sont dessous... à celle de maire Y... ajoute celle de BIP quand çà l'arrange" ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Gérard Y..., en qualité d'arboriculteur, a porté plainte avec constitution de partie civile, à Agen, contre Anne-Marie X..., directeur de la publication du journal La Feuille hebdo - L'hebdomadaire satirique de la région", en raison de sa mise en cause par des articles dont celle-ci était l'auteur, dans quatre numéros dudit journal : - le numéro 674, daté des 23 au 30 septembre 1993, sous le titre "Licenciement collectif volontaire à la feuille", et en surtitre On veut flinguer la presse libre" ; - le numéro 676, daté des 7 au 13 octobre 1993, dans la rubrique Cactus", sous le titre Le journal des Y..." ; - le numéro 679, daté des 28 octobre au 4 novembre 1993, sous le titre L'incroyable impudence de Gérard Y...", et en surtitre Z... and Co" ; - le numéro 680, daté des 4 au 11 novembre 1993, sous le titre Les dirigeants de Z... affichent un insolent mépris de la justice", et Affaire Z... - Ce que l'enquête a révélé" ;

Que pour chaque article, la plainte a articulé les passages incriminés, les a qualifiés de diffamation publique envers un particulier, et a visé l'article 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881;

que le procureur de la République a requis, dans les mêmes termes, l'ouverture d'une information, à l'issue de laquelle Anne X... a été renvoyée devant la juridiction correctionnelle;

Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les juges ont écarté à bon droit l'exception de nullité de la poursuite invoquée par la prévenue, et fondée sur la mise en cause du plaignant, par certaines imputations, en sa qualité de maire de la commune du T..., dès lors que la plainte avec constitution de partie civile, qui constituait l'acte initial de la poursuite, répondait aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, et fixait irrévocablement l'objet et l'étendue de la poursuite soumise à l'appréciation de la juridiction de jugement, ainsi que les points sur lesquels la prévenue avait à se défendre ;

Sur la deuxième branche du moyen :

Attendu que dans le numéro 679, la plainte a articulé cinq passages de l'article incriminé;

que les juges ont estimé, à juste titre, que les quatre premiers passages visaient le plaignant, en sa qualité d'exploitant agricole dirigeant une société coopérative et de syndicaliste agricole;

que si le dernier passage imputait à Gérard Y..., en qualité de maire, la faramineuse augmentation d'impôts due à des chantiers trop nombreux" dont se plaignaient les habitants de la commune, les juges, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, n'ont pas retenu cette imputation à la charge de la prévenue ;

Sur la troisième branche du moyen :

Attendu que les juges ont considéré à bon droit que le titre du premier article et les passages du second article incriminés dans le numéro 680 du journal ne visaient pas Gérard Y... comme maire, à raison de sa fonction et de sa qualité, mais comme simple particulier, poursuivi en justice, "affichant un insolent mépris pour celle-ci et exerçant des pressions ou des intimidations" ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, pour accueillir l'action civile, déclaré établie l'infraction de diffamation publique envers un particulier et a condamné Anne-Marie X... à payer à Gérard Y... la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

"aux motifs que, "les imputations diffamatoires sont réputées faites avec mauvaise foi;

que la bonne foi ne résulte pas de l'absence d'animosité;

que la seule intention de renseigner le public ne suffit pas davantage à réaliser la bonne foi;

que les allégations et imputations retenues comme diffamatoires par la Cour et dont la vérité n'a pas été prouvée ont excédé en l'espèce le droit de libre critique de la prévenue, dans la mesure où elles ont gravement nui à la réputation de Gérard Y... ";

"alors que dans ses conclusions totalement délaissées la journaliste avait expressément invoqué le sérieux de l'enquête qu'elle avait conduite en se fondant sur les investigations menées et les documents réunis, excipant de son devoir d'information sur la conduite de Gérard Y..., en tant que maire de la commune de le T..., qui utilisait les services municipaux pour assurer la promotion d'un syndicat, relatant une décision de justice rendue en précisant qu'elle était frappée d'appel, en soulignant qu'il s'agissait d'un journal satirique;

qu'en se déterminant par une motivation abstraite et générale, la cour d'appel a privé de base légale sa décision" ;

Attendu que l'arrêt énonce qu'Anne-Marie X... invoque le bénéfice de la bonne foi en alléguant le sérieux de son enquête;

qu'après avoir analysé les conclusions de la prévenue, et les éléments de conviction versés aux débats, les juges se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu que par ces énonciations, desquelles il résulte que la prévenue n'a pas apporté la preuve, qui lui incombait, de faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision sans encourir les griefs invoqués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, réunis en formation restreinte, conformément aux dispositions de l'article L. 131-6 du Code de l'organisation judiciaire : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Simon conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-80032
Date de la décision : 27/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, 16 novembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 1997, pourvoi n°96-80032


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.80032
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