AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par : - BERTRAND A..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 20 novembre 1996, qui, pour pollution de cours d'eau, l'a condamné à 50 000 francs d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit et les observations complémentaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 232-1 à L. 232-4, L. 231-3, L. 231-6 et L. 231-7 du Code rural, 470 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement entrepris, a déclaré Daniel X..., coupable d'avoir le 27 avril 1993, à Aillant Sur Tholon, rejeté en eau douce ou pisciculture des substances nuisibles au poisson ou à sa valeur alimentaire ;
"aux motifs que ce jour-là, vers 13 heures 30, M. F..., chauffeur vidangeur alors employé par l'entreprise d'assainissement, Daniel X... a déversé une partie du chargement du camion citerne, soit environ 1 500 litres dans une bouche d'égout du réseau de la commune d'Aillant Sur Tholon, ce pour éviter de retourner à son entreprise où le contenu de la citerne, qui était pleine, aurait dû normalement être vidangé, puis traité, avant de se rendre chez d'autres clients;
qu'en raison de l'arrêt momentané de la station d'épuration de la commune, affermée à la Compagnie générale des eaux, les produits ainsi déversés passaient directement dans le Tholon, auquel le réseau d'égouts se trouvait directement connecté;
que M. C... constatait, deux heures après, que des poissons morts remontaient à la surface de la rivière, ce qui correspond exactement aux dires de l'expert, M. Z..., à la durée du trajet des matières déversées entre la bouche d'égout et le moulin de Villers Sur Tholon;
que les gendarmes ont constaté que l'odeur de produits chimiques que dégageait la rivière s'accentuait au niveau de la bouche d'égout située rue Pasteur;
qu'à cet endroit existaient des traces de pollution et qu'il n'y avait plus aucune trace de ce type en amont;
qu'enfin, l'expert observe que, si l'on ne connaît pas la nature des produits à l'origine de la pollution, celle-ci peut avoir été provoquée par un déversement de produits toxiques mais également par des produits de vidange ou un mélange des deux;
que M. E... ayant vidangé le matin même un puisard et des bacs à graisse, il n'est pas exclu que la citerne ait contenu en outre, de manière résiduelle, d'autres matières polluantes, puisqu'elle n'est pas nettoyée tous les jours;
qu'il est démontré par la conjonction des éléments ci-dessus que le déversement opéré par le chauffeur de la société X... est à l'origine de la pollution qui a causé la mort des poissons ;
"alors qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs hypothétiques ne permettant pas de savoir si le préposé de Daniel X... avait ou non commis l'infraction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors, d'autre part, que Daniel X... avait fait valoir que le déversement d'une partie du contenu du camion citerne dans le réseau d'égout par l'employé de la société, si regrettable fût-il, n'avait pu avoir une quelconque incidence directe et causale sur la destruction du poisson, celle-ci n'ayant pu être occasionnée que par l'absence de fonctionnement de la station d'épuration;
que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas, de ce nouveau chef, donné une base légale à sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction ainsi que de tout caractère hypothétique, a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Aldebert conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Grapinet conseiller rapporteur, MM. D..., Y..., G..., Roger conseillers de la chambre, Mmes B..., Verdun conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;