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25/11/1997 | FRANCE | N°95-22097

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 1997, 95-22097


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Parfums Givenchy, société anonyme, ayant son siège social ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1995 par la cour d'appel de Rouen (2ème chambre), au profit :

1°/ de la société Montemar, société anonyme de droit uruguayen, ayant son siège social Rincon 541 Montevideo (Uruguay),

2°/ de la société Worms Service Maritime, société anonyme, ayant son siège social ..., défenderesses à

la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassatio...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Parfums Givenchy, société anonyme, ayant son siège social ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1995 par la cour d'appel de Rouen (2ème chambre), au profit :

1°/ de la société Montemar, société anonyme de droit uruguayen, ayant son siège social Rincon 541 Montevideo (Uruguay),

2°/ de la société Worms Service Maritime, société anonyme, ayant son siège social ..., défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :

LA COUR, en l'audience publique du 15 octobre 1997, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, MM. Grimaldi, Apollis, Lassalle, Tricot, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, M. Le Dauphin, Mme Geerssen, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Rémery, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Parfums Givenchy, de Me Le Prado, avocat de la société Montemar et de la société Worms Service Maritime, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 octobre 1995), qu'un conteneur renfermant des colis d'articles de parfumerie a été chargé au port du Havre à bord du navire "Europa Express" en vue de son transport par voie maritime jusqu'au port de Montevideo (Uruguay) par la société Montemar;

qu'au déchargement du navire, le 5 octobre 1991, il a été constaté que le conteneur était vide;

que, par actes d'huissier du 3 février 1993, la société Parfums Givenchy (société Givenchy), agissant en qualité de chargeur, a assigné en réparation de son préjudice le transporteur maritime et la société Worms services maritimes (société Worms), entreprise de manutention dont ce dernier avait requis les services pour le chargement du navire au port du Havre ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Givenchy reproche d'abord à l'arrêt d'avoir dit prescrite son action à l'encontre du transporteur maritime, malgré l'envoi, le 8 juin 1992, par celui-ci d'un télex par lequel il aurait reconnu sa responsabilité alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ce télex adressé à la société Givenchy par la société Montemar, cette dernière confirmait son "intention de régler cette réclamation à l'amiable avec vous" en ajoutant simplement, "mais vous comprendrez que le chiffre du règlement définitif ne peut être fixé avant que nous ayons reçu le formulaire de subrogation correspondant ainsi qu'un reçu attestant la somme effectivement versée au consignataire";

qu'ainsi, le principe du règlement par la société Montemar des sommes dues au titre du dédommagement du préjudice subi était acquis sans aucune équivoque, le versement de ces sommes étant simplement subordonné à la production d'une quittance subrogatoire;

qu'en énonçant que cette offre de règlement avait été "faite à titre de transaction pour mettre fin à un litige ou dans un souci de maintenir de bons rapports d'affaires", la cour d'appel a dénaturé le télex du 8 juin 1992 et violé l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part, qu'en énonçant que l'offre de règlement contenue dans le télex adressé le 8 juin 1992 par la société Montemar à la société Givenchy "ne peut être considérée comme une renonciation à la prescription", sans rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si cette offre de règlement ne valait pas comme acte interruptif de prescription à compter duquel un nouveau délai de prescription avait commencé à courir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2248 du Code civil;

et alors, enfin, que l'interruption de la prescription peut résulter de la reconnaissance tacite que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait;

qu'en exigeant de la société Givenchy la preuve d'une reconnaissance expresse de responsabilité émanant de la société Montemar, la cour d'appel a violé l'article 2248 du Code civil ;

Mais attendu que, sans poser le principe, inexact, qu'une reconnaissance de responsabilité ne pourrait jamais être tacite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprécier le caractère équivoque de la reconnaissance de responsabilité alléguée par la société Givenchy que la cour d'appel, en effectuant la recherche prétendument omise sur le caractère interruptif de prescription du télex du 8 juin 1992 et en procédant à son interprétation nécessaire, a retenu, compte tenu de l'absence de précision dans la rédaction de cet écrit, que la simple intention qu'il manifestait de la part de la société Montemar de régler le litige à l'amiable sans reconnaissance expresse de responsabilité ne constituait, en l'espèce, qu'une offre de règlement faite à titre transactionnel ou dans un souci de maintenir de bons rapports d'affaires et que l'envoi de ce document n'avait donc pas interrompu la prescription annale prévue à l'article 3, 6, alinéa 4, de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Givenchy reproche encore à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Worms alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en affirmant sans autre motivation que les marchandises avaient disparu au port de déchargement bien qu'il résultait des écritures d'appel émanant tant de la société Givenchy que du transporteur maritime, la société Montemar, que ces mêmes marchandises avaient été dérobées au Havre, port de chargement, à un moment où celles-ci étaient sous la garde de la société Worms, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

et alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société Givenchy avait invité la cour d'appel à rechercher si l'initiative prise par la société Worms, en sa qualité de manutentionnaire, de recourir à l'usage d'un conteneur plombé en dehors de toute instruction du chargeur n'avait pas eu pour seul objet de camoufler la disparition des marchandises en procédant au chargement d'un "conteneur vide de tout contenu", cette manoeuvre frauduleuse du manutentionnaire s'étant accompagnée de la signature par la même société Worms, agissant cette fois en qualité d'agent consignataire du navire, d'un connaissement net de toutes réserves;

qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'action en responsabilité délictuelle à l'encontre d'un entrepreneur de manutention maritime n'est ouverte qu'à celui qui ne dispose, pour la réparation des dommages imputables, notamment, à la mise à bord, d'aucune action en responsabilité contractuelle aux mêmes fins contre quiconque;

qu'en sa qualité de chargeur, partie au contrat de transport maritime, la société Givenchy pouvait agir en réparation de son préjudice à l'encontre de la société Montemar qui, en sa qualité de transporteur maritime, devait répondre contractuellement à son égard des dommages imputables à la manutention lors du chargement;

qu'il en résulte que le moyen, qui porte sur le bien-fondé des motifs de l'arrêt écartant l'existence de toute faute délictuelle de la société Worms envers la société Givenchy, est inopérant dès lors que cette dernière société n'était pas recevable à rechercher la responsabilité délictuelle de la société Worms, peu important que, par suite de la prescription, elle se soit trouvée privée de son action contractuelle à l'encontre du transporteur maritime;

que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Parfums Givenchy aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Montemar et Worms services maritimes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-22097
Date de la décision : 25/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Renonciation - Renonciation tacite - Caractère équivoque - Appréciation souveraine.

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Manutention maritime - Recours du transporteur - Action délictuelle ou contractuelle.


Références :

Code civil 1147, 1382 et 2248

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (2ème chambre), 26 octobre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 nov. 1997, pourvoi n°95-22097


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.22097
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