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25/11/1997 | FRANCE | N°94-44892

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 1997, 94-44892


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. François Joseph Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1994 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale), au profit de la Coopérative Agricole de Céréales (CAC), dont le siège social est ..., défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1997, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Le Roux-Cocheril, conseiller rapporteur, M. Cha

gny, conseiller, M. Frouin, Mme Lebée, conseillers référendaires, M. Terrail, a...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. François Joseph Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1994 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale), au profit de la Coopérative Agricole de Céréales (CAC), dont le siège social est ..., défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1997, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Le Roux-Cocheril, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller, M. Frouin, Mme Lebée, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de M. Z..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Coopérative Agricole de Céréales, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 septembre 1994), que M. Y..., engagé le 29 avril 1975, en qualité de sous-directeur administratif par la Coopérative agricole de céréales, a été licencié pour fautes graves le 4 décembre 1992 ;

Sur les deux premiers moyens réunis :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, de première part, que la faute grave s'apprécie in concreto eu égard à l'ancienneté du salarié, la qualité habituelle de son travail, sa qualification professionnelle, l'incidence de son comportement sur le fonctionnement de l'entreprise;

qu'en l'espèce, la cour d'appel qui considère que le salarié avait commis une faute grave sans nullement prendre en considération ces données a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail;

alors, de deuxième part, que le salarié faisait valoir que Mme D... dépendait de la société Impex dans laquelle la CAC avait des participations et que le dossier de cette société était géré par M. A... et M. C..., lesquels n'en n'informaient pas que M. Y...;

que le salarié ajoutait avoir le 27 avril 1992 attiré l'attention de M. B... sur les décisions juridiques qu'il y avait lieu de prendre en lui indiquant qu'il avait fait retirer les chéquiers et documents comptables par le comptable M. X... et ce à la suite de la seule réunion à laquelle le salarié avait été invité à participer;

qu'en décidant qu'il appartenait au salarié en sa qualité de directeur administratif et financier non d'attirer l'attention du directeur de la CAC et du gérant de la société Impex quant aux mesures juridiques qu'il y avait lieu de prendre suite au licenciement de Mme D... mais de prendre lui-même les mesures qui s'imposaient à cette occasion dans les plus brefs délais, sans rechercher si le fait que le salarié ait été mis à l'écart du dossier Impex sur lequel il n'était pas informé par sa direction ne révélait pas le caractère infondé du grief allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et suivants du Code du travail ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors, de troisième part, que le salarié faisait valoir que dès le 27 avril 1992 il avait attiré l'attention de M. A... sur les décisions juridiques qu'il y avait lieu de prendre en lui indiquant par ailleurs qu'il avait fait retirer les chéquiers et les documents comptables par le comptable et indiquait qu'il avait été mis à l'écart de toute décision relative à la société Impex dont la situation n'était pas lisible, le bureau de Strasbourg de cette société ayant été déménagé en janvier 1992 au domicile de Mme D... dont la fille continuait à être salariée, à mi-temps, au domicile de ses parents ; qu'en ne recherchant pas si ces éléments ne révélaient pas la particularité de la situation de Mme D... dont le domicile était aussi l'adresse -légalement irrégulière- du bureau de Strasbourg et donc une situation échappant à tout contrôle de M. Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et suivants du Code du travail ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors, de quatrième part, que le salarié contestant le grief allégué de trésorerie mal gérée générant des frais financiers faisait valoir que son activité s'était traduite par des gains approchant le million de francs au profit de l'entreprise;

qu'en relevant que par lettre datée du 19 novembre 1992, la société LA Consultants avait attiré l'attention de la CAC sur la baisse de la qualité du suivi quotidien de la trésorerie en valeur de compte Crédit agricole et lui avait signalé qu'au regard du caractère aléatoire de certains flux la gestion quotidienne se révélait moins fiable et donc générait des coûts financiers de l'ordre de 120 000 francs par an et qu'elle avait déjà diagnostiqué ce problème et suggéré à M. Y... de recourir à une communication bancaire de type Cerg tout en précisant que ce chantier informatique devrait être utilement réactivité puis en considérant que le salarié n'a pas assuré pleinement sa mission de gestion de la trésorerie de la CAC contrairement à ce qu'il affirme ce qui démontre son incurie dans l'exécution de ses obligations contractuelles de cadre supérieur, compromettant la bonne marche de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas constaté la réalité des frais financiers qu'aurait généré la prétendue incurie du salarié, selon les allégations de l'employeur, et a par là-même privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et suivants du Code du travail;

alors, de cinquième part, que contestant le grief allégué de trésorerie mal gérée générant des frais financiers, M. Y... faisait valoir que son activité avait permis des gains approchant le million de francs au profit de l'entreprise et ajoutait que la mise en place d'un système de connexion bancaire du logiciel de trésorerie n'avait pu être effectué en raison du report demandé jusqu'à septembre par le responsable informatique;

qu'ayant relevé qu'il ressortait de la lettre du 19 novembre 1992 de la société LA Consultant que cette dernière avait attiré l'attention de la CAC sur la baisse de la qualité des suivis quotidiens de la trésorerie en valeur de comptes Crédit agricole et lui avait signalé, d'une part, qu'au regard du caractère aléatoire de certains flux la gestion quotidienne se révélait moins fiable et donc générait des coûts financiers de l'ordre de 120 000 francs par an, d'autre part qu'elle avait déjà diagnostiqué ce problème et suggéré à M. Y... de recourir à une communication bancaire de type Cerg tout en précisant que ce chantier informatique devrait être utilement réactivé et en en déduisant que le salarié n'avait pas assuré pleinement sa mission de gestion de la trésorerie de la CAC, contrairement à ce qu'il affirme et démontrait la preuve d'incurie dans l'exécution de ses obligations contractuelles de cadre supérieur compromettant la bonne marche de l'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération le fait que jusqu'en septembre, soit deux mois avant son licenciement la connexion bancaire n'avait pu être effectuée à la demande du responsable informatique, n'a pas caractérisé l'incurie du salarié constitutive d'une faute grave et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et suivants du Code du travail;

alors, de sixième part, que le salarié indiquait que l'employeur savait parfaitement qu'il travaillait sur une thèse de doctorat dont le sujet était le développement des Coopératives agricoles françaises, ces travaux étant réalisés dans le cadre de la formation continue financée par l'employeur lequel lui remboursait ses frais de déplacements à Paris sur justification, que c'était dans le cadre de ces travaux qu'il avait interrogé les banques de données par minitel;

que M. Y... indiquait que l'employeur, en toute hypothèse, de ce fait, n'avait pu se méprendre sur les termes de sa lettre du 3 novembre 1992 par laquelle il l'avait informé qu'il était l'auteur des interrogations minitel "afin de tirer les bilans d'un certain nombre d'entreprises agro-alimentaires françaises qui me sont nécessaires dans le cadre de ses travaux";

qu'en se contentant d'affirmer que M. Y... prétend en vain s'être cru dans son bon droit en ayant utilisé le minitel pour les besoins de la rédaction de sa thèse, donc à des fins personnelles, dès lors qu'il n'avait pas spontanément reconnu être responsable de l'augmentation de la consommation téléphonique et qu'il avait essayé de cacher la vérité à son supérieur hiérarchique, la cour d'appel qui ajoute qu'il ne pouvait donc ignorer avoir violé le règlement intérieur de son employeur interdisant les travaux personnels sur les lieux de travail et que ces faits révélaient sa déloyauté à l'égard de son employeur, sans prendre en considération le fait que les travaux sur sa thèse étaient financés par l'employeur et donc n'étaient pas à des fins personnelles la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du code du travail;

et alors, de dernière part, qu'il résulte de la lettre du 3 novembre 1992 envoyée par le salarié qu'il reconnaissait avoir utilisé le minitel "afin de tirer les bilans d'un certain nombre d'entreprises agro-alimentaires françaises qui me sont nécessaires dans le cadre de mes travaux";

qu'en affirmant que le salarié n'avait pas spontanément reconnu être responsable de l'augmentation de la consommation téléphonique et qu'il avait essayé de cacher la vérité à son supérieur hiérarchique, la cour d'appel qui a constaté l'existence de cette lettre, que l'employeur le lendemain puis le 6 novembre lui avait demandé de préciser quel était le cadre desdits travaux, ce à quoi, il avait répondu le 10 novembre, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si dès le 3 novembre l'employeur n'avait pas parfaite connaissance des travaux en question la thèse étant rédigée dans le cadre de la formation continue financée par l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'il appartenait au salarié, en raison de ses responsabilités, d'adopter un mode de gestion bancaire moins onéreux ainsi qu'il le lui avait été suggéré, d'autre part, qu'il avait négligé de procéder à l'annulation de la signature bancaire d'une salariée licenciée et, enfin, qu'il avait utilisé à des fins personnelles le matériel de l'entreprise et avait ainsi entraîné des dépenses importantes pour celle-ci;

qu'en l'état de ces constatations, sans encourir les griefs du moyen, elle a pu décider que le comportement du salarié constituait une faute grave rendant impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise pendant la durée du préavis;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire, alors, selon le moyen, d'une part, que le salarié faisait valoir qu'il résultait de son contrat de travail que sa rémunération devait être calculée d'après les régles de l'accord paritaire national des cadres dirigeants de la coopération agricole qui n'avait pas été respectées, l'employeur ayant réduit par note du 27 novembre 1990 les coefficients de sous directeur de 0,70 à 0,60 et la compétence professionnelle du salarié de 1, 1 à 0,85 sans explication écrite fondée comme une réduction réelle de sa rémunération prohibée;

qu'en énonçant que le salarié n'établit nullement que sa rémunération de base était inférieure à celle à laquelle il pouvait prétendre;

que son coefficient hiérarchique et sa rémunération n'ont cessé d'augmenter au cours des années pour en déduire que sa demande en paiement d'un rappel de salaire n'est donc pas fondée, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur la baisse de rémunération résultant de la modification des coefficients dont il bénéficiait ainsi qu'elle y était expressément invitée et a dès lors violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

et alors, d'autre part, que les régles d'évolution de la rémunération fixée dans le contrat de travail ne peuvent être unilatéralement modifiées par l'employeur sauf à constater une renonciation expresse voire tacite du salarié;

que la renonciation à un droit ne se présumant pas doit être caractérisée par des faits non équivoques ; qu'en se contentant de viser les articles 23 et 24 de l'APN, la cour d'appel qui affirme que le salarié n'établit nullement que sa rémunération de base était inférieure à celle à laquelle il pouvait prétendre, par motifs adoptés que ses fonctions du salarié ne permettent pas de penser que celui-ci aurait pu se méprendre quant à ses droits et que dès lors son accord était pour le moins tacite pour ce qui est des conditions de rémunération, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'existence d'une renonciation du salarié a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2121 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que M. Y... bénéficiait d'un coefficient hiérarchique et d'une rémunération conformes à l'accord national invoqué et qui n'avaient cessé de croître au cours des années, a, par ces motifs, et sans faire référence à une renonciation du salarié, justifié sa décision;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Coopérative Agricole de Céréales ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 94-44892
Date de la décision : 25/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre sociale), 22 septembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 1997, pourvoi n°94-44892


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CARMET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:94.44892
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