AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Claude Y..., demeurant à Sentous, 65330 Galan, en cassation d'un arrêt rendu le 26 janvier 1994 par la cour d'appel de Pau (2e chambre), au profit :
1°/ de la CANCAVA, dont le siège est ...,
2°/ de M. Jean-Pierre X..., demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de M. Claude Y..., défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1997, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Tricot, conseiller rapporteur, MM. Grimaldi, Apollis, Lassalle, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, M. Le Dauphin, Mme Geerssen, M. Rémery, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la CANCAVA, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt déféré (Pau, 26 janvier 1994) de l'avoir mis en redressement judiciaire alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture du redressement judiciaire;
qu'en retenant qu'il appartenait à M. Y..., dont le passif exigible faisait présumer l'état de cessation des paiements, de rapporter la preuve qu'il était en mesure de rembourser ses dettes et qu'il avait refusé de payer les cotisations sociales recouvrées par la CANCAVA pour suivre un mot d'ordre syndical, ce dont il se révélait incapable, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil et l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;
alors, d'autre part, que l'état de cessation des paiements ne peut résulter de la seule existence d'un passif exigible;
qu'en déduisant l'état de cessation des paiements de M. Y... de la seule existence de dettes impayées, sans rechercher si le débiteur se trouvait alors effectivement dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;
alors, en outre, que l'actif disponible comprend tous les biens du débiteur qui peuvent être réalisés rapidement;
qu'en refusant, par principe, d'inclure les biens professionnels de M. Y... dans son actif disponible en considération de leur seule insaisissabilité, la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir d'un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985;
et alors, enfin, que l'ouverture d'une procédure collective ne peut être substituée à une voie d'exécution au profit d'un créancier impayé;
qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. Y... qui faisait valoir que la CANCAVA était créancière d'une simple somme de 42 307,34 francs en principal, majorations de retard et frais, qui pouvait notamment être recouvrée par voie de saisie sur ses biens meubles, corporels et incorporels, et immeubles, lorsqu'elle l'avait assigné en redressement judiciaire, et que c'est parce qu'elle redoutait de se heurter à des manifestations syndicales si elle y faisait procéder, et qu'elle espérait pouvoir tirer profit du caractère dissuasif de cette voie de fait qu'elle avait finalement agi de la sorte, "calcul qui constitue un détournement de la loi, les procédures collectives n'étant pas prévues pour se substituer à des voies d'exécution", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant écarté l'argument de M. Y... selon lequel il refusait de payer la CANCAVA, non par manque d'actif disponible, mais pour suivre un mot d'ordre syndical, en retenant qu'il n'avait pas consigné les sommes représentant le montant des cotisations dues et qu'il ne précisait pas avec quel actif il serait en mesure de rembourser ses dettes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant énoncé à la dernière branche dès lors qu'elle n'était saisie que d'une demande d'ouverture de procédure collective exclusive de toute autre, a pu déduire de ces constatations, sans inverser la charge de la preuve, ni présumer la cessation des paiements de l'existence d'un passif exigible, et sans avoir à prendre en considération, au titre de l'actif disponible, les biens professionnels du débiteur, qu'au jour où elle a statué, M. Y... se trouvait en état de cessation des paiements;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Y... et de la CANCAVA ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.