AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Claude X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 26 juin 1995 par le tribunal d'instance de Luxeuil-les-Bains, au profit de la société Thévenin Ducrot distribution, société anonyme, dont le siège est ... et pour le Centre régional Est, Zone industrielle, 90140 Bourogne, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1997, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, MM. Grégoire, Renard-Payen, Chartier, Ancel, Durieux, Guérin, Sempere, Bargue, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X..., de la SCP Defrénois et Levis, avocat de la société Thévenin Ducrot distribution, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Luxeuil-les-Bains, 26 juin 1995), qu'au cours de la livraison de fioul qu'a effectuée la société Thévenin Ducrot distribution à M. X..., il s'est produit un débordement dû au mauvais fonctionnement de la jauge;
que celui-ci a assigné en responsabilité la société ;
Attendu qu'il est fait grief au jugement d'avoir rejeté cette demande, alors que, d'une part, la responsabilité du vendeur-livreur est engagée sur la seule constatation d'un dommage en relation causale avec la livraison;
qu'en ne retenant pas la responsabilité de la société, le Tribunal a violé l'article 1147 du Code civil;
alors que, d'autre part, le vendeur-livreur étant tenu d'une obligation de résultat, seule la faute du créancier, peut l'enoxérer de sa responsabilité;
qu'en l'espèce, le vendeur-livreur avait connaissance du fonctionnement défectueux de la jauge et qu'il lui appartenait d'adapter sa livraison aux circonstances particulières;
et alors que, enfin, le vendeur-livreur, même tenu d'une simple obligation de moyens, doit refuser d'exécuter sa mission lorsqu'elle risque de dégénérer en dommage;
qu'en considérant que le vendeur-livreur qui connaissait la déficience de la jauge n'avait commis aucune faute en prenant le risque de livrer le fuel dans ces conditions, le Tribunal a encore violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que le jugement relève que la livraison, compte tenu de la configuration des lieux, ne permettait pas la surveillance simultanée de la quantité livrée et stockée dans la citerne et celle servie par le camion-livreur;
que, dès lors, le tribunal d'instance a pu estimer que, bien que le livreur ait eu connaissance du mauvais fonctionnement de la jauge, aucune faute ne pouvait être retenue à son égard dans la survenance du dommage, lequel était exclusivement imputable à l'incurie du donneur d'ordre qui avait négligé de réparer la jauge avant la livraison de fioul ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Thévenin Ducrot distribution ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.