AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de Me C... et de la société civile professionnelle Jean-Pierre GHESTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Alfred, prévenu,
- A... Michel, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, du 4 avril 1996, qui, pour homicide et blessures involontaires, a condamné le premier à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi de Michel A... :
Attendu que le demandeur s'est pourvu le 17 avril 1996 contre l'arrêt susvisé rendu contradictoirement le 4 avril 1996; qu'il s'ensuit que le pourvoi, formé après l'expiration du délai de 5 jours francs prévu par l'article 568 du Code de procédure pénale, n'est pas recevable ;
Sur le pourvoi formé par Alfred Z... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal, 221-6 et 222-19 du nouveau Code pénal, 427, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Alfred Z... coupable d'homicide et de blessures involontaires ;
"aux motifs que les deux experts ont indiqué, dans leur rapport complémentaire, que l'article 43 de l'arrêté municipal du 26 septembre 1960, modifié par l'arrêté du 13 novembre 1967, réglementant l'établissement et l'entretien de tous les foyers et conduits de fumée dans la commune de Marseille, enjoint, d'une part, aux propriétaires et locataires de locaux d'habitation de faire ramoner une fois par an les conduits de fumée, d'autre part, aux propriétaires, à l'entrée en jouissance de chaque nouveau locataire, de s'assurer que les cheminées et tous foyers quelconques ainsi que leurs conduits de fumée sont en bon état de propreté et au besoin de pourvoir à leur ramonage; que la mairie de Marseille s'était révélée dans l'incapacité, en sa qualité de propriétaire, de justifier qu'elle s'était acquittée de ses obligations ainsi définies; que la quantité de suie trouvée dans le conduit était absolument incompatible avec le combustible utilisé; que la présence dans la cheminée de suies est antérieure à l'installation de la chaudière à gaz; qu'il n'est pas douteux qu'à partir de leur prise de concession de la loge, l'obligation de ramonage incombait uniquement à Marcelle A...; que, cependant, en application de l'article 43 de l'arrêté municipal
susvisé, il appartenait au responsable de la ville de Marseille, propriétaire de la loge, de faire vérifier les conduits de fumée avant l'entrée dans les lieux des époux A... et au besoin, à ce moment-là, de faire procéder au ramonage; qu'il est certain qu'aucune vérification n'a été faite; qu'il résulte de l'information qu'Alfred Z... a été le responsable du service de chauffage de la ville de Marseille entre le 1er octobre 1980 et le 16 juin 1983; qu'il exerçait donc ces fonctions au moment de l'entrée dans les lieux des époux A... ;
qu'il a reconnu lui-même que le service chauffage avait en charge les problèmes relatifs au chauffage dans les locaux publics ou affectés à l'usage privé, appartenant à la ville, et que, pour ces derniers, le service avait en charge les travaux habituellement faits par le propriétaire ;
qu'il lui incombait, par conséquent, de faire vérifier l'installation de chauffage des époux A...; qu'il ne peut valablement soutenir qu'il n'aurait pas été informé de l'entrée dans les lieux de ces derniers par le service de l'instruction publique; qu'il lui appartenait, en effet, dès lors qu'il était responsable des problèmes de chauffage, de faire en sorte d'être informé des lieux où des vérifications devaient être effectuées; que la négligence dont il a fait preuve et l'inobservation par ses soins de l'arrêté municipal du 26 septembre 1960 ont incontestablement concouru à la survenance de l'intoxication ayant entraîné la mort de Victor A... et des blessures aux deux autres victimes (arrêt, pages 7 et 8) ;
"1°) alors qu'il résulte des pièces du dossier que lors du remplacement, en 1974, de la chaudière à charbon par une chaudière à gaz, l'entreprise Brunetti, installateur, a délivré un certificat de vérification des conduits; qu'ainsi, en estimant que les manquements reprochés au demandeur auraient concouru à la réalisation de l'accident, tout en relevant que la présence des suies, cause des dommages, était antérieure à l'installation de la chaudière à gaz, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par fausse application, les textes susvisés ;
"2°) alors que, pour relaxer le prévenu, le tribunal a pris soin de relever que, conformément aux obligations qui lui incombaient, la commune de Marseille a fait procéder du 7 au 11 septembre 1981, soit postérieurement à l'entrée des époux A... dans les lieux, à une vérification de l'installation litigieuse par l'entreprise SCPEC qui, dans un certificat du 2 octobre 1981, a attesté avoir opéré une vérification des conduits de fumée de la loge; qu'ainsi, en estimant que les manquements reprochés au demandeur auraient concouru à la réalisation de l'accident, dû à la présence de suies accumulées exclusivement avant l'entrée des époux A... dans les lieux, sans réfuter les motifs péremptoires des premiers juges, démontrant qu'en l'état des vérifications opérées postérieurement à cette date, et auxquelles le demandeur pouvait légitimement se fier, aucune faute ne pouvait être reprochée au responsable du chauffage, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué partiellement reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, le délit d'homicide involontaire, ainsi que les contraventions de blessures involontaires dont elle a déclaré le prévenu coupable notamment au regard des articles 319, R. 40-4 anciens, 221-6, R. 625-2 du Code pénal et de l'article 11 Bis A de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996 ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
- Sur le pourvoi formé par Michel A... :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
- Sur le pourvoi formé par Alfred Z... :
Le REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Fabre conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Aldebert conseiller rapporteur, Mme X..., MM. Le Gall, Farge, Mistral conseillers de la chambre, Mmes Y..., B..., Verdun conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;