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13/05/1997 | FRANCE | N°95-85171

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mai 1997, 95-85171


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Claude,

- LA SOCIETE CALCIA, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de MONT

PELLIER, chambre correctionnelle, en date du 24 mai 1995, qui, sur renvoi après cassati...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Claude,

- LA SOCIETE CALCIA, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 24 mai 1995, qui, sur renvoi après cassation, a condamné le premier, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité du travail, à 5 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a déclaré la seconde civilement responsable ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 22 et 31a, 31b du décret du 22 août 1947, 112-1, al. 1 du Code pénal, 320 de l'ancien Code pénal, L. 263-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Claude Y... coupable de coups et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel pendant plus de trois mois et d'infraction à la réglementation sur la sécurité du travail sur la personne de Eric A... et, en répression, l'a condamné sur l'action publique à une peine d'amende de 5 000 F ainsi qu'à la publication par extraits de la présente décision dans "Le Dauphiné Libéré", édition de l'Ardèche, ainsi qu'à son affichage à la porte de l'établissement, pendant quinze jours ;

"aux motifs que le 1er mars 1991, Eric A... a été victime d'un accident du travail; que quatre ouvriers ayant terminé leurs travaux, étaient occupés à ranger leur matériel et utilisaient un palan électrique équipé d'un porte-palettes à fourches pour descendre leur outillage depuis le premier étage du bâtiment; qu'après avoir descendu un poste à souder, l'un d'entre eux faisait remonter le porte-palettes; que le bas des fourches étant arrivé à 50 cm au-dessus du plancher, il voulait faire entrer le palan dans le bâtiment; qu'à ce moment précis le câble cassait et le porte-palettes, tombant d'une hauteur de quatre mètres, atteignait Eric A... qui se trouvait au sol sous la charge; qu'il ressort du rapport du comité d'hygiène et de sécurité :

1°) que le câble a cassé au niveau du serre-câble inférieur monté à l'envers, côté fixation du brin fixe, le câble ayant été enroulé au maximum et tendu jusqu'à ce qu'il casse ;

2°) que la tige du fin de course actionnée par l'enroulement du câble, passait au-dessus du contact de l'interrupteur de fin de course de montée; qu'en effet, un écrou du boulon de fixation de l'interrupteur n'était plus sur la vis, le trou sur le bâti étant oblong, l'interrupteur était légèrement descendu, suffisamment pour ne pas être actionné ;

3°) que le 18 février 1991, lors d'une coupure d'électricité, le service électrique de l'usine avait alimenté celle-ci avec des groupes électrogènes; que lors de l'utilisation du palan, le préposé à la manoeuvre avait constaté qu'il fallait appuyer sur le bouton "descendre" pour monter et vice versa; qu'après analyse, il était apparu qu'avec le branchement du groupe, les phases s'étaient inversées, et par voie de conséquence également le sens de rotation du moteur de levage; que lorsque le préposé de la manoeuvre monta les fourches, il ne se rendit pas compte que le câble était enroulé au maximum sur le tambour, que la câble tendu cassa; que le fin de course haut n'a pas été opérant car il était branché en série sur le circuit de montée et n'avait aucune action sur le circuit de descente qui était utilisé à ce moment là pour monter la charge; que suite à cet incident, un câble neuf a été installé et l'alimentation EDF rétablie ;

4°) que le dernier rapport de l'organisme de prévention agrée (AIF) ne fait apparaître aucune observation sur le fin de course de montée; que dans ces conditions, le comité d'hygiène et de sécurité attribue les causes de l'accident aux faits suivants : a) Eric A... est resté sous la charge pendant la manoeuvre de montée des fourches au premier étage; b) le préposé chargé de la manoeuvre a effectué celle-ci avec une personne sous la charge; c) une mauvaise manoeuvre de ce préposé - ou bien, a-t-il fait monter le moufle du palan directement en position très haute d'où rupture du câble trop tendu, - ou bien, après avoir stoppé la montée, a-t-il appuyé à nouveau sur le bouton de montée, au lieu d'appuyer sur le bouton de direction; d) le fin de course a été inopérant suite au desserrement de l'écrou du boulon de fixation; e) le serre-câble inférieur étant monté à l'envers a probablement dû diminuer la résistance du câble; qu'en définitive, plusieurs de ces constatations établissent des déficiences relevant manifestement d'un défaut de surveillance et d'entretien du matériel, qui caractérisent une négligence du responsable de l'établissement dûment alerté sur les risques de défaillance de ce palan, d'une part par le rapport de l'organisme de prévention agrée (AIF) ayant relevé dans ses observations les 17 et 18 mai 1990 : 1) mettre en service le fin de course côté extérieur et refixer le limitateur sur palan; 2) serre-câble inférieur monté à l'envers; d'autre part par l'incident survenu le 18 février 1991, au cours duquel le câble de ce palan avait déjà cassé, par suite d'une inversion du sens de rotation du moteur de levage; que Claude Y... aurait dû par son action personnelle veiller à la surveillance, à l'entretien et au bon fonctionnement des machines et matériels placés sous son autorité ;

1°) alors que dans ses conclusions datées, signées et visées, Claude Y... avait fait valoir qu'après l'incident survenu moins d'un mois avant l'accident litigieux, il avait, en sa qualité de chef d'établissement, fait procéder par un technicien qualifié et spécialisé à une inspection du palan, préalablement à sa remise en service, de sorte qu'ayant rempli les obligations que lui imposaient les articles 31a, al.2,3 et 4 et 31b du décret du 23 août 1947, aucune négligence ne lui était imputable en tant que chef d'établissement; qu'en omettant de répondre à ses conclusions, la cour d'appel à privé sa décision de motifs, en violation des textes susvisés ;

2°) alors qu'après avoir constaté que Claude Y... avait satisfait à l'article 31a du décret du 23 août 1947, suivant lequel les appareils de levage doivent être examinés "à fond" à douze mois d'intervalle au plus, la cour d'appel devait rechercher si les observations formulées par le contrôleur lors de cet examen "à fond", avaient été suivies des mesures nécessaires; qu'en reprochant à Claude Y... un défaut de surveillance et d'entretien, sans avoir procédé à cette investigation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

3°) alors que le chef d'établissement qui a fait exécuter les épreuves, examens et inspections prévus par l'article 31a du décret du 23 août 1947, n'a pas, au titre de l'inobservation de ce règlement, à répondre devant les juridictions répressives des conséquences des erreurs techniques commises lors du graissage, du nettoyage, de l'entretien ou de la réparation des matériels de levage, par le personnel qui en a la charge; qu'en considérant, au contraire, que la responsabilité pénale de Claude Y..., en sa qualité de chef d'établissement, pouvait être engagée dans des circonstances de fait de ce type, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4°) alors qu'à supposer qu'il ait appartenu au chef d'entreprise de répondre pénalement du fait qu'un boulon se soit desserré, après avoir constaté que le desserrement du boulon de fixation de l'interrupteur de fin de course constituait une des causes de l'accident, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, lors du contrôle consécutif à l'incident du 18 février 1991, ce boulon avait fait l'objet d'une vérification; qu'en reprochant à Claude Y... un défaut de surveillance et d'entretien, sans avoir procédé à cette investigation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

5°) alors qu'à supposer qu'il ait appartenu au chef d'établissement de répondre pénalement du fait qu'un serre-câble avait été monté à l'envers, après avoir constaté cette défaillance, la cour d'appel ne pouvait condamner Claude Y... sans déterminer avec certitude le lien de causalité entre celle-ci et l'accident; qu'en se bornant à énoncer que "le serre-câble inférieur était monté à l'envers et a probablement diminué la résistance du câble", la cour d'appel par cette constatation incertaine, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

6°) alors, en outre, qu'en énonçant d'une part, que lors du dernier examen annuel l'organisme de contrôle avait observé "mettre en service le fin de courses côté extérieur et refixer le limitateur sur palan" et, d'autre part, que "le dernier rapport de cet organisme ne faisait apparaître aucune observation sur le fin de course de montée", la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction, méconnaissant les exigences des textes susvisés ;

7°) alors, enfin, que faute d'avoir caractérisé en quoi Claude Y..., aurait manqué à ses obligations telles qu'elles résultaient du décret du 23 août 1947 sur les mesures particulières de sécurité relatives aux appareils de levage autres que les ascenseurs et monte-charge, et d'avoir précisé quelle réglementation il aurait enfreint et donc en quoi il avait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité pénale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Eric Z..., salarié de la société de tuyauteries générales en mission auprès de la société des Ciments Français, a été blessé par la chute d'un porte-palette dont le câble s'est rompu; que Claude Y..., directeur de l'usine de Cruas de la société des Ciments Français aux droits de laquelle se trouve la société Calcia, a été poursuivi pour blessures involontaires et infraction à l'article 22 du décret du 23 août 1947 alors en vigueur ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ces chefs, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les causes de la rupture du câble telles qu'elles résultent du rapport d'enquête du comité d'hygiène et de sécurité, retient que ces constatations "établissent des déficiences relevant d'un défaut de surveillance et d'entretien du matériel, qui caractérisent une négligence du responsable de l'établissement dûment alerté, d'une part par le rapport de l'organisme de contrôle AFI", et d'autre part "par l'incident survenu le 18 février 1991, au cours duquel le câble du palan avait déjà cassé par suite d'une inversion du sens de rotation du moteur de levage"; que les juges ajoutent que le prévenu aurait dû, par son action personnelle, veiller à l'entretien et au bon fonctionnement des machines et matériels placés sous son autorité dans l'établissement dont il avait la responsabilité, dès lors qu'il n'invoque aucune délégation à l'un de ses préposés; que l'éventuelle fausse manoeuvre de l'ouvrier manipulateur du palan ou imprudence de la victime sont sans influence sur les délits reprochés ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à des conclusions inopérantes, ont caractérisé la faute personnelle du prévenu, tant au regard des textes visés au moyen qu'au regard des dispositions de l'article 121-3 du Code pénal, issu de la loi du 13 mai 1996, ainsi que son lien de causalité avec l'accident, et en conséquence décidé à bon droit que la faute éventuelle d'un tiers ou de la victime n'exonérait pas le prévenu de sa responsabilité ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guerder conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Karsenty conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Françoise Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, M. Desportes conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85171
Date de la décision : 13/05/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, 24 mai 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mai. 1997, pourvoi n°95-85171


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GUERDER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.85171
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