AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Columbia Picture, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 février 1995 par la cour d'appel de Paris (4e chambre, section A), au profit :
1°/ de Mme Inès D... veuve X..., demeurant ...,
2°/ de M. Jean X..., demeurant ...,
3°/ de B... Isabelle David A..., épouse Z..., demeurant ..., prise en sa qualité d'héritière de sa mère Mme Simone Y...,
4°/ de Mme Sylvie David A..., demeurant ..., prise en sa qualité d'héritière de sa mère Mme Simone Y...,
5°/ de Mme Barbe C... épouse C..., demeurant ...,
6°/ de Mme Christiane E..., demeurant 70, rue du ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 mars 1997, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Grégoire, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Columbia Picture, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme C..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que selon les juges du fond Mme Michèle C..., déclarant agir en qualité de coauteur du film "La Vérité", réalisé par Henri-Georges X... en 1960, a réclamé des redevances d'auteur en soutenant notamment que les coauteurs avaient conservé l'ensemble des droits d'exploitation autres que cinématographique - ces derniers étant détenus par la société de droit américain Columbia Picture; que l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 1995) a notamment jugé que Mme C... était coauteur du film, en tant qu'ayant participé à l'élaboration du scénario, et que son droit de se prévaloir de cette qualité n'était pas soumis à la prescription trentenaire, qui ne devait s'appliquer qu'au paiement des redevances; que la cour d'appel a, en outre, ordonné une expertise pour déterminer les sommes dues à Mme C... au double titre de l'exploitation illicite et du préjudice résultant d'un défaut d'exploitation ;
Sur les deux premiers moyens, tirés de la prescriptibilité des droits de l'auteur et de la courte prescription de l'action en paiement des redevances d'auteur :
Attendu que l'exercice par l'auteur du droit de propriété intellectuelle qu'il tient de la loi et qui est attaché à sa personne en qualité d'auteur n'est limité par aucune presciption; que l'arrêt attaqué est donc légalement justifié sur ce point ;
Sur les troisième et quatrième moyens, pris de l'inexistence d'une oeuvre protégeable dont Mme C... pourrait se dire l'auteur, et de la contestation de sa qualité de coauteur du film :
Attendu que la cour d'appel, qui a retenu que Mme C... bénéficiait de la présomption légale de titularité des droits d'auteur résultant de sa mention en qualité d'auteur dans le générique du film "La Vérité", a souverainement relevé que sa contribution avait trait à la composition du personnage principal de la meurtrière par l'analyse du milieu dans lequel elle devait évoluer et de sa personnalité; qu'elle a pu, en outre, déduire de sa qualité de coauteur du scénario celle de coauteur du film, en vertu de la présomption édictée par l'article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle, qui n'était pas, en l'espèce, mise en échec par une preuve contraire ;
Sur le cinquième moyen, qui invoque l'application, en la cause, de la présomption de cession au producteur de l'oeuvre audiovisuelle de l'ensemble des droits d'exploitation :
Attendu que les juges du second degré ont exactement estimé qu'en vertu de l'alinéa 3 de l'article 17 de la loi du 11 mars 1957, applicable en la cause, les seuls droits cédés à la société Columbia Picture étaient les droits d'exploitation cinématographique, à l'exclusion de l'exploitation notamment télévisuelle et vidéographique; que l'arrêt est, sur ce point encore, légalement justifié ;
Et attendu que les sixième et septième moyens sont irrecevables en ce qu'ils critiquent la disposition de l'arrêt attaqué qui ordonne une expertise ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Columbia Picture aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Columbia Picture à payer à Mme Michèle C... la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.