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29/04/1997 | FRANCE | N°95-20001

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 avril 1997, 95-20001


Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Béthune, 1er août 1995), que M. X..., propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 23 chevaux, a, après le rejet de sa réclamation présentée le 11 mai 1994, assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance pour obtenir la restitution de la taxe différentielle acquittée au titre de l'année 1993 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, M. X... fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part,

que la Cour de justice des Communautés européennes ayant constaté, dans l'...

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Béthune, 1er août 1995), que M. X..., propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 23 chevaux, a, après le rejet de sa réclamation présentée le 11 mai 1994, assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance pour obtenir la restitution de la taxe différentielle acquittée au titre de l'année 1993 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, M. X... fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que la Cour de justice des Communautés européennes ayant constaté, dans l'arrêt rendu le 17 septembre 1987, que le mode de détermination de la puissance fiscale des véhicules alors en vigueur avait un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du Traité, le système de taxation comportant ce mode de détermination doit rester sans application ; que dès lors, le Tribunal, dont les constatations établissent que la puissance administrative du véhicule de M. X... a été déterminée suivant ces mêmes modalités, a violé, par refus d'application, l'article 95 du traité de Rome, et alors, d'autre part, que la circulaire du 28 décembre 1956 prenait en compte un facteur K, dans des conditions que M. X... critiquait dans ses mémoires ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal de grande instance a violé ledit texte ;

Mais attendu que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain), la Cour de Justice des Communautés européennes a seulement jugé incompatible la limitation du facteur K dans le mode de calcul de la puissance fiscale introduite par la circulaire du 23 décembre 1977 ; qu'il en résulte que la taxe perçue en 1993 sur des véhicules dont le mode de calcul de la puissance fiscale n'a pas subi cette limitation est compatible avec l'article 95 du Traité ; que c'est donc à bon droit, que le Tribunal a jugé la taxe en cause compatible avec cette disposition ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief au jugement d'avoir rejeté sa demande de restitution de la taxe différentielle acquittée au titre de l'année 1993, alors, selon le pourvoi, que comporte un effet discriminatoire ou protecteur prohibé par l'article 95 du traité de Rome, le système de taxation appliquant un coefficient multiplicateur dont la progression de tranche en tranche est plus forte à partir de celles qui correspondent à des véhicules d'importation que pour les tranches inférieures auxquelles correspond l'essentiel de la production nationale ; le tribunal, qui n'a pas déchargé le demandeur de la taxe établie par application de l'article 20-1 de la loi du 30 décembre 1987, qui établit un tel système, a violé ledit article du traité de Rome ;

Mais attendu que, dans un arrêt du 30 novembre 1995 (Casarin), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur qui prévoit une augmentation du coefficient de progressivité au-delà du seuil de 18 chevaux, dès lors que cette augmentation n'a pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d'autres Etats membres ; qu'elle a constaté, dans le même arrêt, qu'il n'apparaît pas que, dans le système de la loi du 30 décembre 1987, l'augmentation du coefficient de progressivité puisse avoir pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale ; que, c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé le système de taxe issu de la loi du 30 décembre 1987 compatible avec l'article 95 du Traité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour écarter l'application de la disposition susvisée, le Tribunal retient que les pénalités prévues par l'article 1840 N quater du Code général des impôts résultent de la seule constatation matérielle par l'administration fiscale du non-paiement de la taxe, exclusive de toute appréciation du comportement du contribuable, et que la décision de l'Administration est susceptible de recours devant un tribunal ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que l'amende fiscale prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et que cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende ; qu'il en résulte que l'application de l'article 1840 N quater doit être écartée dans cette mesure au regard de l'article 6-1 susvisé, le Tribunal a violé cette disposition ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... au paiement des pénalités pour le non-paiement de la taxe différentielle due au titre de l'année 1993, le jugement rendu le 1er août 1995, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Béthune ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Lille.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-20001
Date de la décision : 29/04/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Enregistrement - Taxe différentielle - Facteur K - Limitation non subie - Compatibilité.

1° Dans un arrêt Feldain du 17 septembre 1987, la Cour de justice des Communautés européennes a seulement jugé incompatible la limitation du facteur K dans le mode de calcul de la puissance fiscale introduite par la circulaire du 23 décembre 1977 ; il en résulte que la taxe différentielle perçue en 1993 sur des véhicules dont le mode de calcul de la puissance fiscale n'a pas subi cette limitation est compatible avec l'article 95 du Traité.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Enregistrement - Taxe différentielle - Loi du 30 décembre 1987 - Compatibilité.

2° Dans un arrêt Casarin du 30 novembre 1995, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur qui prévoit une augmentation du coefficient de progressivité au-delà du seuil de 18 chevaux, dès lors que cette augmentation du coefficient de progressivité n'a pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d'autres Etats membres. Elle a constaté, dans le même arrêt, qu'il n'apparaît pas que, dans le système de la loi du 30 décembre 1987, l'augmentation du coefficient de progressivité puisse avoir pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale. C'est dès lors à bon droit qu'un tribunal juge le système de taxe issu de la loi du 30 décembre 1987 compatible avec l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne.

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 6 - 1 - Procès équitable - Impôts et taxes - Recouvrement - Pénalités et sanctions - Double droit - Principe et montant.

3° IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Double droit - Principe et montant - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Procès équitable.

3° Un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte. L'amende fiscale prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende. Il en résulte que l'application de l'article 1840 N quater doit être écartée dans cette mesure au regard de l'article 6.1 susvisé.


Références :

2° :
3° :
3° :
CGI 1840-N
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Loi 87-1060 du 30 décembre 1987
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 95

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béthune, 01 août 1995

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1995-06-13, Bulletin 1995, IV, n° 179 (3), p. 165 (cassation partielle). A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1989-11-07, Bulletin 1989, IV, n° 280, p. 190 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 avr. 1997, pourvoi n°95-20001, Bull. civ. 1997 IV N° 110 p. 96
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 110 p. 96

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, M. Goutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.20001
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