Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 décembre 1994), rendu sur renvoi après cassation, qu'après avoir fait l'acquisition, en janvier 1986, d'un certain nombre d'actions de la société anonyme Nord matériel médical (la société) dont Mme X... était le président, le Comité de développement économique de Liévin (le comité) a exercé les fonctions d'administrateur de la société du 21 juin 1986 jusqu'à la mise en redressement judiciaire de celle-ci, prononcée sur saisine d'office le 5 décembre 1986 et suivie de sa liquidation judiciaire ; que le Tribunal, se saisissant d'office, a condamné le comité, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à supporter les dettes sociales à concurrence d'une somme de 5 millions de francs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le comité fait grief à l'arrêt d'avoir révoqué l'ordonnance de clôture du 19 septembre 1994 et confirmé le jugement entrepris, alors, selon le pourvoi, que lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision doit intervenir avant la clôture des débats ou, sinon, s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci ; que l'arrêt, qui a en même temps révoqué l'ordonnance de clôture et statué au fond, sans ordonner la réouverture des débats, a été rendu en violation des articles 16, 784 et 910 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la révocation de l'ordonnance de clôture ayant été ordonnée à la demande du comité pour lui permettre de déposer des conclusions en réplique, celui-ci est irrecevable faute d'intérêt à reprocher à l'arrêt d'en avoir ainsi décidé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la déclaration de cessation des paiements est faite par les organes de la personne morale, c'est-à-dire, pour une société anonyme, par le président du conseil d'administration ou du directoire ; que ne caractérise pas une faute de gestion en relation de causalité avec une insuffisance d'actif la cour d'appel qui retient à l'encontre du comité, membre du conseil d'administration, lequel n'avait à titre individuel aucun pouvoir de décision et siégeait au surplus aux côtés d'administrateurs de complaisance qui étaient en fait les " hommes de paille " du président du conseil d'administration, le fait de n'avoir pas exigé en temps utile la déclaration de cessation des paiements ; qu'en décidant du contraire la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part et en toute hypothèse, que l'arrêt constate que des subventions avaient été accordées à hauteur de 1 164 000 francs, que la perte de l'exercice arrêté au 31 décembre 1985 était apparemment limitée à 847 000 francs, que le comité avait souscrit en janvier 1986 à une augmentation du capital social, qu'une nouvelle machine ayant de meilleures conditions de rentabilité devait être livrée au mois d'octobre 1986, que Mme X... avait indiqué qu'une nouvelle augmentation de capital pour un montant de 450 000 francs avait été souscrite et que le prix régional du Grand prix de l'initiative d'un montant de 100 000 francs avait été attribué à Mme X... ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, d'où il résultait que le comité ayant seulement exercé la fonction d'administrateur pendant une durée de 5 mois environ, était en droit de croire que la société, malgré une situation difficile, pouvait connaître une amélioration, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que la cessation des paiements suppose l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible ; qu'en se bornant à affirmer que l'administrateur, qui connaissait la situation difficile de l'entreprise, aurait commis une faute de gestion en n'exigeant pas en temps utile la déclaration de cessation des paiements, sans rechercher à quelle date l'administrateur aurait pu se convaincre que l'entreprise ne pouvait faire face au passif exigible avec l'actif disponible, la cour d'appel a, au surplus, privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'ayant accepté les fonctions d'administrateur le comité était tenu à une surveillance et à un contrôle sérieux de l'administration de la société et qu'il ne peut prétendre s'exonérer de la responsabilité encourue à ce titre en invoquant la présence au conseil d'administration d'administrateurs de complaisance dévoués au président ; qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, retenu que la prise de participation du comité au capital social devait être libérée par compensation avec les loyers impayés de l'immeuble où s'exerçait l'activité industrielle de la société et cautionnés par le comité, ce dont il résulte que celui-ci était intervenu à un moment où il ne pouvait ignorer que la société se trouvait déjà en état de cessation des paiements, l'arrêt relève que la perte de l'exercice arrêté au 31 décembre 1985 excédait de plus de deux fois le montant du capital social en dépit des subventions accordées, que les perspectives immédiates de redressement alléguées par Mme X... pour justifier la poursuite de l'activité, lors de la réunion du 13 mai 1986 à laquelle assistait le représentant permanent du comité, étaient illusoires dès lors que près de la moitié des tampons produits par l'appareil de fabrication étaient inutilisables et qu'une nouvelle machine ne pourrait être livrée avant octobre 1986 ; qu'il relève qu'un autre administrateur a démissionné peu après cette réunion en raison du caractère fantaisiste des renseignements comptables obtenus ; qu'il estime encore souverainement que l'augmentation de capital évoquée lors de la réunion du 18 octobre 1986 n'était pas d'un montant suffisant pour laisser légitimement espérer une amélioration sensible de la situation et que l'attribution du premier prix régional du Grand prix de l'initiative ne pouvait masquer l'état critique de la société dès lors que le président du conseil d'administration venait de révéler que la vente en France des tampons fabriqués par la société n'avait pas encore reçu l'agrément nécessaire et que la mise en chômage technique du personnel de fabrication devait être envisagée ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le comité avait commis une faute de gestion en s'abstenant d'exiger du président qu'il effectue la déclaration de cessation des paiements de l'entreprise, qui s'imposait en vue d'obtenir le bénéfice du redressement judiciaire ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que le même grief est enfin fait à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que le dirigeant d'une société ne peut être condamné, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, au paiement d'un montant supérieur à l'insuffisance d'actif existant au moment où le juge statue ; qu'en se bornant, dès lors, pour condamner l'administrateur au paiement d'une somme de 5 millions de francs, à affirmer que l'augmentation de l'insuffisance d'actif entre juin 1986 et décembre 1986 était établie sans préciser si, au jour où elle statuait, l'insuffisance d'actif excédait ce dernier montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu que, le Tribunal l'ayant condamné à payer 5 millions de francs sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que le comité ait soutenu que la somme mise à sa charge aurait été supérieure à l'insuffisance d'actif existant à la date du jugement entrepris ou que, par suite de la réduction, pendant l'instance d'appel, de l'insuffisance d'actif, elle serait devenue supérieure à celle-ci ; que, dès lors, nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.