AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Milio,
- Z... Sylvia, épouse Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 13 mai 1996, qui, après les avoir déclarés coupables d'escroquerie, a ajourné le prononcé de la peine et statué sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a évalué le préjudice subi par Gérard X... à la somme de 1 700 000 francs et celui subi par la société Franceaux à la somme de 4 850 000 francs et a condamné les prévenus à payer lesdites sommes ;
"aux motifs que si le préjudice subi par chacune des parties civiles appelantes et résultant directement de l'escroquerie ne peut se confondre avec la perte découlant de la non-exécution des contrats de prêt à court terme souscrits, il n'en demeure pas moins qu'au-delà de la privation du capital remis et non restitué, les agissements des prévenus ont empêché Gérard X... et la société Franceaux de percevoir les intérêts des sommes qui étaient destinées à être placées; qu'en raison de la date de l'escroquerie, la Cour possède donc les éléments d'appréciation suffisants pour fixer les dommages-intérêts dus aux parties civiles à hauteur respectivement de 1 700 000 francs et de 4 850 000 francs ;
"alors que si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice découlant d'une infraction, la réparation due par l'auteur ne saurait dépasser le préjudice directement subi; que si la cour d'appel a, à bon droit, relevé que le préjudice subi par les parties civiles ne peut se confondre avec la perte découlant de la non-exécution des contrats de prêt à court terme prévoyant un intérêt annuel de 17 %, elle ne pouvait se borner à énoncer qu'elle prenait en compte les intérêts des sommes qui étaient destinées à être placées à la date de l'escroquerie, sans préciser si le taux d'intérêt retenu était celui habituellement consenti sur le marché pour les sommes prêtées et priver ainsi sa décision de motifs" ;
Attendu qu'après avoir déclaré Milio Y... et Sylvia Z... coupables d'escroquerie, la cour d'appel les a condamnés à payer des réparations civiles à deux victimes en prononçant par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que les juges répressifs apprécient souverainement, dans les limites des conclusions des parties, la consistance du préjudice et le montant de l'indemnité propre à le réparer, sans être tenus de préciser les bases sur lesquelles ils l'ont calculée, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme,
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Roman, Martin, Pibouleau, Mmes Anzani, Garnier conseillers de la chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;