AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Coulommière, dont le siège est 49410 Saint-Laurent du Mottay,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 novembre 1994 par la cour d'appel d'Angers (1re Chambre, Section A), au profit de la Coopérative agricole de la Noelle X... (CANA), dont le siège est La Noelle, 44150 X...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 décembre 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Marc, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme Marc, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat du GAEC de la Coulommière, de Me Thomas-Raquin, avocat de la CANA, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche ;
Vu l'article R. 522-5 du Code rural ;
Attendu que, selon ce texte, les statuts d'une société coopérative doivent prévoir que l'associé coopérateur s'engage, en cas de mutation de propriété ou de jouissance de l'exploitation au titre de laquelle ont été pris les engagements d'activité, à transférer ses parts sociales au nouvel exploitant qui sera substitué, sous certaines réserves, pour la période postérieure à l'acte de mutation, dans tous les droits et obligations de son auteur vis-à-vis de la société, et, notamment, dans l'engagement d'activité pour la durée restant à courir au moment de la mutation;
Attendu qu'après constitution, par M. Maurice Y... (et non pas Dubois) et par son fils, du Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Coulommière, les parts sociales de M. Maurice Y... dans le capital de la Coopérative agricole de la Noelle X... (CANA) à laquelle il avait adhéré ont été transférées, en janvier 1983, à ce groupement; que ce dernier a cessé de livrer sa production à la CANA en juillet 1991 après l'avoir informée de sa démission; que, reprochant au GAEC d'avoir mis fin à son obligation d'apport sans avoir respecté le délai de préavis prévu pour un retrait en cours de période d'engagement, la CANA a assigné le GAEC en paiement de pénalités mises à sa charge par le conseil d'administration; que le GAEC s'est opposé à cette demande en soutenant qu'il y avait eu non pas souscription d'un nouvel engagement de sa part, mais continuation de celui de M. Maurice Y..., et a sollicité reconventionnellement le remboursement de ses parts; que l'arrêt attaqué a accueilli les demandes principale et reconventionnelle et ordonné la compensation entre les créances respectives des parties;
Attendu que, pour condamner le GAEC au paiement de pénalités pour cessation prématurée de son obligation d'apport, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que les statuts de la CANA fixaient à 10 ans la durée de l'engagement des associés coopérateurs et qu'ils reprenaient les dispositions de l'article R. 522-5 du Code rural, a retenu que l'adhésion du GAEC avait pris effet en janvier 1983, qu'elle ne pouvait rétroagir à la date de celle de son auteur et qu'ainsi, la cessation, en 1991, par ce groupement de tout apport de sa production était intervenue avant le terme normal de son engagement;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la CANA avait accepté de transférer par "virement interne" au nom du GAEC les parts sociales de M. Maurice Y... et relevé que le bulletin d'adhésion du GAEC mentionnait l'indication "changement de situation" et avait été signé par M. Maurice Y... en qualité de "démissionnaire" pour "la décharge de remise" des parts, ce dont il résultait que le GAEC avait repris les parts sociales de M. Y... ainsi que l'engagement d'activité de celui-ci pour la durée restant à courir, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ai lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le GAEC au paiement de pénalités et ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties, l'arrêt rendu le 7 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers;
Condamne la CANA aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la CANA à payer au GAEC de la Coulommière la somme de 12 000 francs; rejette la demande de la CANA;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.