AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I. Sur le pourvoi n° C 94-11.740 formé par :
1°/ la société Union des assurances de Paris (UAP), société anonyme, dont le siège est ...,
2°/ la société Saunier Duval, venant aux droits de la société Régent Saunier Duval, dont le siège est Les Miroirs, ... Paris La Défense Cedex 27,
en cassation d'un arrêt rendu le 1er octobre 1993 par la cour d'appel d'Angers (audience solennelle) , au profit :
1°/ de la société Le Garff et Piolaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2°/ de M. Y..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Le Garf et Piolaine, demeurant ... de Lôme, 56100 Lorient,
3°/ de la société SMABTP, dont le siège est ..., intervenante en appel,
défendeurs à la cassation ;
II. Sur le pourvoi n° S 96-14.176, réitérant le pourvoi n° Q 89-15.756 formé par :
1°/ la société Union des assurances de Paris (UAP), société anonyme,
2°/ la société Saunier Duval, venant aux droits de la société Régent Saunier Duval,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 février 1989 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre, section A) au profit de :
1°/ M. Yannick X..., demeurant ...,
2°/ la société Le Garff et Piolaine, et également à ce jour :
3°/ M. Y..., ès qualités de mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Le Garff et Piolaine,
4°/ de la société SMABTP, subrogée dans les droits de son assurée la société Le Garff et Piolaine,
défendeurs à la cassation ;
La SMABTP, la société Le Garff et Piolaine et M. Y..., ès qualités, ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt;
l'UAP et la société Saunier Duval invoquent, à l'appui du pourvoi n° C 94-11.740, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;
Elles invoquent à l'appui du pourvoi n° S 96-14.176 les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt;
La SMABTP, la société Le Garff et Piolaine et M. Y..., ès qualités, demandeurs au pourvoi provoqué dans le dossier n° S 96-14.176, invoquent à l'appui de leur recours un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Chartier, conseiller rapporteur, MM. Grégoire, Thierry, Renard-Payen, Ancel, Durieux, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Chartier, conseiller, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Union des assurances de Paris (UAP) et de la société Saunier Duval, de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de M. X..., de Me Odent, avocat de la société SMABTP, de la société Le Garff et Piolaine, de M. Y..., ès qualités, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Joignant les pourvois n° C 94-11.740 et Q 89-15.756 réenrôlé sous le n° S 96-14.176, formés par la société Saunier Duval et la compagnie d'assurances Union des assurances de Paris (UAP), qui attaquent respectivement un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 1er octobre 1993, et un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 février 1989;
Attendu que M. X... a ressenti divers troubles au moment où il prenait appui sur un chauffe-eau électrique de marque Saunier Duval installé par la société Le Garff et Piolaine, assurée par la société SMABTP ;
que, faisant valoir qu'il avait été victime d'un début d'électrocution, M. X... a assigné en réparation de son préjudice l'installateur, qui a appelé en garantie le fabricant, assuré par la compagnie UAP; que la cour d'appel de Rennes a, par l'arrêt précité, retenu la responsabilité de la société Le Garff et Piolaine et condamné la société Saunier Duval à garantir l'installateur des condamnations prononcées contre lui; que la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 février 1989 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Angers; qu'un second arrêt de la cour d'appel de Rennes du 15 mai 1990 a statué sur le montant des préjudices;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, du pourvoi n° C 94-11.740 formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 1er octobre 1993 par la société Saunier Duval et la compagnie UAP :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'instance devait être interrompue et que l'arrêt de cassation désignant la cour d'appel d'Angers était caduc en toutes ses dispositions, alors, selon le moyen, que les parties ont toujours la faculté de reprendre l'instance par des actes non équivoques manifestant une telle volonté de sorte qu'en s'abstenant de rechercher si l'intervention du syndic de la société Le Garff et Piolaine devant la Cour de Cassation sur le pourvoi formé par la compagnie UAP et la société Saunier Duval tendant à la cassation par voie de conséquence de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes du 15 mai 1990, qui s'est expressément associé au pourvoi pour demander la cassation, ne valait pas nécessairement reprise d'instance, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article 372 du nouveau Code de procédure civile ;
alors que, d'autre part, et en tout état de cause, l'interruption de l'instance n'a d'autre but que de protéger les intérêts de la partie en faveur de laquelle elle est instituée, de sorte qu'en déclarant la SMABTP recevable à invoquer le bénéfice de l'interruption devant profiter à la société Le Garff et Piolaine et à son syndic, M. Y..., l'arrêt attaqué a violé les articles 372 et 114 du nouveau Code de procédure civile; alors, enfin et subsidiairement, qu'à supposer même que l'instance ne fût pas reprise et que la SMABTP ait eu qualité pour invoquer le moyen, l'interruption de l'instance ne pouvait avoir pour effet de clore le litige et la cour d'appel d'Angers se devait de renvoyer le litige et les parties devant la juridiction dont l'instance avait été interrompue par le jugement de liquidation judiciaire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 374 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que le moyen tiré du fait que les organes de la liquidation judiciaire seraient intervenus dans une autre instance devant la Cour de Cassation et intéressant ces parties n'a pas été soulevé devant la cour d'appel, et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable;
Et attendu que la cour d'appel retient, à bon droit, que les articles 369 et suivants du nouveau Code de procédure civile sur l'interruption d'instance figurent dans les dispositions générales de ce Code et s'appliquent devant toutes les juridictions; et qu'ayant constaté que cette interruption s'est produite pendant l'instance de cassation, elle en a déduit exactement que l'arrêt de la Cour de Cassation est caduc;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé, et qu'il convient de statuer, à nouveau, sur le pouvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 4 février 1989, M. Y... étant désormais dans la cause en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Le Garff et Piolaine;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi provoqué formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 février 1989 par la SMABTP, subrogée dans les droits de son assurée, la société Le Garff et Piolaine, cette société et M. Y... ès qualités :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société Le Garff et Piolaine responsable de l'accident, alors, selon le moyen, que, d'une part, les juges du second degré ont inversé la charge de la preuve et alors que, d'autre part, il n'a pas été répondu à des conclusions faisant valoir que le chauffe-eau n'étant pas sous tension ne pouvait être à l'origine d'une électrocution;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a fondé sa décision sur les conclusions du rapport d'expertise; qu'elle a ainsi, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision;
Et attendu, ensuite, que les juges du second degré ont retenu, tant par motifs propres qu'adoptés, que si le générateur n'était pas sous tension lors de l'accident, il n'en était pas moins branché et que l'humidité due à une fuite d'eau avait atteint le boîtier électrique et provoqué le passage du courant, celui-ci étant d'une intensité trop faible pour déclencher le disjoncteur; qu'ainsi, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 février 1989 par la société Saunier Duval et la compagnie UAP :
Vu les articles 455, 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que, pour condamner la société Saunier Duval à garantir la société Le Garff et Piolaine des condamnations prononcées contre celle-ci, la cour d'appel s'est fondée sur les conclusions d'un rapport d'expertise établi en exécution d'une ordonnance de référé à laquelle la société Saunier Duval n'avait pas été partie;
Attendu qu'en statuant ainsi, et sans répondre à des conclusions faisant valoir qu'il était constant que le fabricant n'avait pas été partie aux opérations d'expertise, les juges du second degré n'ont pas satisfait aux exigences des textes susvisés;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 février 1989 par la société Saunier Duval et par l'UAP :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 1er octobre 1993;
CONSTATE l'interruption de l'instance sur le pourvoi n° Q 89-15.756;
Donne acte à la société Saunier Duval de sa reprise d'instance;
CASSE ET ANNULE sur le premier moyen du pourvoi principal en ce qu'il a jugé que la société Saunier Duval était tenue de garantir les condamnations prononcées contre la société Le Garff et Piolaine, l'arrêt rendu le 14 février 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers;
Condamne M. Y..., ès qualités, la société Le Garff et piolaine et la SMABTP aux dépens;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.