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09/01/1997 | FRANCE | N°96-80972

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 1997, 96-80972


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de Me CHOUCROY, de Me BLONDEL et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Joséphine épouse C...,

- MOLINA B...,

- LA SOCIETE LA SCALA,

- LA SOCIETE MARTINI ET ROSSI, devenue<

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BACARDI-MARTINI,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 25 janv...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de Me CHOUCROY, de Me BLONDEL et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Joséphine épouse C...,

- MOLINA B...,

- LA SOCIETE LA SCALA,

- LA SOCIETE MARTINI ET ROSSI, devenue

BACARDI-MARTINI,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 25 janvier 1996, qui les a déclarés coupables d'infractions à la législation des contributions indirectes et les a condamnés solidairement à des pénalités fiscales;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'à la suite d'un contrôle sur les expéditions de spiritueux, effectué le 9 février 1989 par des agents de l'administration des contributions indirectes, au siège de la SA Martini et Rossi, en application de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales, il est apparu que des quantités très importantes d'alcool facturées au centre d'exploitation automobile de l'Ecole Militaire (CEAEM) étaient en réalité livrées, par un employé de cet établissement, à des bars et discothèques qui les réglaient en espèces, sans facture et sans titre de mouvement;

Attendu que, saisi parallèlement d'une information pour escroquerie et faux en écritures de commerce, le juge d'instruction a délivré, le 10 mars 1989, une commission rogatoire qui a permis aux officiers de police judiciaire délégués de perquisitionner, le 18 avril 1989, dans les locaux du CEAEM, puis le 25 avril 1989, dans ceux de la société la Scala et au domicile de ses dirigeants, les époux C...;

Attendu que, sur communication, par l'autorité judiciaire, des éléments recueillis dans le cadre de l'instruction de droit commun, des procès-verbaux ont été dressés par l'administration fiscale à l'encontre de la société Martini et Rossi, ainsi que contre les personnes morales et physiques exploitant les discothèques;

Attendu qu'au vu de ces procès-verbaux, l'Administration a cité directement devant le tribunal correctionnel notamment les époux C..., la société la Scala et la société Martini et Rossi, comme prévenus d'expédition, transport et réception de spiritueux sous couvert de titres de mouvement inapplicables;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Choucroy pour les époux C... et la SA "la Scala", pris de la violation des articles 443, 479, 1805, 1806 et 1791 du Code général des impôts, L. 16 B, L. 38, L. 26 et L. 47 du Livre des procédures fiscales, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale, violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure soulevée par les époux C... et la société Scala de Paris et tirée d'un détournement de procédure;

"aux motifs que les agents de l'administration des impôts qui avaient procédé dans le cadre des pouvoirs qui leur sont dévolus à un contrôle, début 1989, au siège de la SA Martini et Rossi, étaient d'une part en droit, et dès lors que leurs investigations tendaient à faire ressortir l'existence, parallèlement à des faits de fraude fiscale, d'un trafic portant sur des ventes et achats de boissons sans facture, de transmettre directement les renseignements recueillis sur ce point aux services de la police judiciaire compétents pour diligenter l'enquête préliminaire;

"qu'il était d'autre part loisible au juge d'instruction, compte tenu de l'imbrication des faits dont il était saisi avec ceux de fraude fiscale révélés par le contrôle opéré au siège de la SA Martini et Rossi, de laisser la possibilité aux services de police judiciaire par lui désignés dans sa commission rogatoire du 30 mars 1989, de se faire assister, pour les besoins de leur enquête, par les agents de l'administration des impôts;

"qu'à cet égard et, contrairement à ce qui est soutenu par les époux C..., il ne ressort d'aucune des pièces de la procédure que lesdits agents aient outrepassé la mission d'assistance qui leur avait été assignée par le magistrat instructeur;

"que l'article L. 47 n'est pas applicable en matière de contributions indirectes;

"que l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales prévoit que les agents de l'administration des impôts peuvent intervenir sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, dans les locaux professionnels des personnes soumises en raison de leur profession à la législation des contributions indirectes pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation de la garantie de l'impôt et généralement aux contrôles quantitatifs et qualitatifs prévus par ces législations;

"que les agents ayant été avertis de ce qu'une fraude fiscale pouvait être commise, se sont présentés sur les lieux et ont effectué les constatations, régulièrement s'agissant en l'espèce d'un contrôle ayant pour objet exclusivement le contrôle des mouvements des alcools par la constatation matérielle du contenu des réserves;

"que les prévenus ont été avertis de leur faculté de se faire assister d'un conseil;

"qu'il n'est en conséquence nullement démontré que les droits de la défense ont été lésés;

"qu'aucun détournement de procédure ne peut être constaté en l'espèce et que la procédure est régulière;

"alors que, d'une part, en l'état des constatations de l'arrêt relatives à l'existence, antérieurement aux perquisitions et saisies effectuées dans les locaux professionnels et au domicile des époux C..., de présomptions d'achats et de ventes d'alcools sans facture, découvertes au cours d'un précédent contrôle, la Cour a violé l'article 16B du Livre des procédures fiscales dont les demandeurs invoquaient les dispositions dans leurs conclusions d'appel laissées sans réponse pour soutenir qu'ils avaient été victimes d'un détournement de procédure, en prétendant que le magistrat instructeur chargé de l'information ouverte à la suite de ce précédent contrôle, pouvait autoriser les agents de l'administration des impôts à assister les services de la police judiciaire qu'il avait chargés par une commission rogatoire d'effectuer ces perquisitions et saisies, le texte précité imposant, pour de telles visites, qu'elles soient autorisées par une ordonnance du président du tribunal de grande instance qui doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée et cette ordonnance étant susceptible d'un pourvoi en cassation;

"alors que, d'autre part, il résulte que l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, que, hormis le cas de flagrance, les agents des impôts doivent, pour procéder à des visites domiciliaires, en matière de contributions indirectes, y avoir été autorisés par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter; qu'en décidant que les perquisitions et saisies pratiquées au domicile des demandeurs l'avaient été régulièrement parce qu'elles avaient été effectuées en exécution d'une commission rogatoire délivrée par un juge d'instruction par des policiers assistés par des agents de l'administration des Impôts, afin d'établir l'existence d'un trafic de ventes et d'achats de boissons alcoolisées sans facture, la Cour a violé le texte susvisé;

"qu'en outre, il résulte des dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales que ce texte est applicable en cas de vérification de comptabilité et que même en cas de contrôle inopiné des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, un avis de vérification doit être remis à l'intéressé au début des opérations matérielles, l'examen au fond des documents comptables ne pouvant commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister d'un conseil; qu'en l'espèce, où les demandeurs soutenaient que ces dispositions avaient été méconnues lors de la vérification de leur comptabilité effectuée pour déceler l'existence de fraudes éventuelles à d'autres groupes d'impôts que les contributions indirectes, la Cour a violé ce texte en refusant d'en faire application en l'espèce sous prétexte qu'il ne s'applique pas en matière de contributions indirectes;

"et qu'enfin, la Cour a violé l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales en invoquant ce texte qui ne s'applique qu'en cas de contrôle dans les locaux professionnels d'une personne soumise à la législation des contributions indirectes, pour admettre la régularité des perquisitions et saisies effectuées notamment au domicile personnel des demandeurs";

Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité de procédure régulièrement présentées par les demandeurs, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs exactement reproduits au moyen;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les articles L. 16B et L. 47 du Livre des procédures fiscales sont inapplicables en matière de contributions indirectes, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision;

Qu'en effet, il n'existe aucun détournement de procédure lorsque, comme en l'espèce, une perquisition dans un domicile personnel est effectuée par des officiers de police judiciaire sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, saisi de poursuites pour un délit de droit commun, et que les agents des contributions indirectes, sans user du droit de visite que leur reconnaissent les articles L. 38 à L. 43 du Livre des procédures fiscales établissent un procès-verbal d'infraction sur les résultats d'un tel acte d'instruction, dont ils ont eu communication conformément à l'article L. 101 de ce livre;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Blondel pour la société Bacardi-Martini pris de la violation des articles 460, 513 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des articles 443 à 448, 451 et 614, 1802, 1804-A et 1805-1 du Code général des impôts, ensemble violation des droits de la défense, de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Martini et Rossi aujourd'hui dénommée Bacardi-Martini coupable d'enlèvement, transport et réception de spiritueux, sous couvert de titres de mouvement inapplicables, et ce état de récidive et en conséquence a condamné ladite société solidairement avec les consorts E..., Cuny, Pouch, David, les époux C..., la société la Scala, MM. Y..., A..., D..., Z..., la société Vima-les- Bains, l'Espace, le Bilitis, à toute une série d'amendes et à des pénalités, ensemble au paiement d'indemnités pour tenir lieu de confiscation des marchandises saisies;

"alors qu'en matière de contributions indirectes, l'administration des Douanes et des Droits indirects est seule chargée des poursuites; qu'il ressort de la procédure que cette administration a relevé appel pour voir déclarer la SA Martini et Rossi coupable d'enlèvement, transport et réception de spiritueux, sous couvert de titres de mouvement inapplicables; qu'il ressort du dispositif de l'arrêt que cette société a été déclarée coupable d'enlèvement, transport et réception de spiritueux, sous couvert de titres de mouvement inapplicables, et ce, en récidive, cependant qu'il appert des commémoratifs de l'arrêt que le conseil de la société Martini et Rossi n'a pas eu la parole le dernier, d'où une violation des articles 460 et 513 du Code de procédure pénale, ensemble des droits de la défense";

Et sur le même moyen repris par la société la Scala et les époux C...;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'aux termes de l'article 513, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, si les époux C..., ainsi que leur avocat, - qui était aussi celui de la société la Scala - ont eu la parole en dernier, lors des débats du 5 octobre 1995, il n'en est pas de même pour la société Martini et Rossi, également prévenue, dont les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries avant les réquisitions de l'avocat général et la plaidoirie de l'avocat de l'administration poursuivante;

Mais attendu qu'en l'état de ces mentions, il n'a pas été satisfait aux prescriptions du texte susvisé;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés propres à la société Martini et Rossi,

I - Sur les pourvois des époux C... et de la société la Scala ;

Les REJETTE ;

II - Sur le pourvoi de la société Martini et Rossi devenue la Société Bacardi-Martini ;

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris du 25 janvier 1996, en ses seules dispositions concernant la société Martini et Rossi , toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues;

Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gunehec président, M. Culié conseiller rapporteur, MM. Roman, Schumacher, Martin, Pibouleau, Mme Chanet conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires;

Avocat général : M. Le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-80972
Date de la décision : 09/01/1997
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Infraction - Constatation - Droit de communication de l'administration des impôts - Communication par l'autorité judiciaire - Détournement de procédure (non).

DROITS DE LA DEFENSE - Juridictions correctionnelles - Débat - Prévenu - Audition - Audition le dernier - Domaine d'application - Infractions fiscales.


Références :

Livre des procédures fiscales L168, L47, L101, 513 dernier al.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13ème chambre, 25 janvier 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 1997, pourvoi n°96-80972


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.80972
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