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10/12/1996 | FRANCE | N°95-20931

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 décembre 1996, 95-20931


Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Somaba, opérateur de manutention portuaire, a demandé, à partir de 1984, à M. X..., travailleur indépendant, puis à la Société de travaux portuaires (STP), constituée par lui, d'effectuer des opérations de réparation de conteneurs appartenant à des armateurs en relation d'affaires avec la société Somaba ; que cette entreprise, dans le cadre de ces relations de sous-traitance, a mis à la disposition de la société STP un emplacement sur le terre-plein qui lui était loué par le port autonome du Havre

; que la société STP a constaté depuis 1992 une baisse d'activité très ...

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Somaba, opérateur de manutention portuaire, a demandé, à partir de 1984, à M. X..., travailleur indépendant, puis à la Société de travaux portuaires (STP), constituée par lui, d'effectuer des opérations de réparation de conteneurs appartenant à des armateurs en relation d'affaires avec la société Somaba ; que cette entreprise, dans le cadre de ces relations de sous-traitance, a mis à la disposition de la société STP un emplacement sur le terre-plein qui lui était loué par le port autonome du Havre ; que la société STP a constaté depuis 1992 une baisse d'activité très sensible et a reçu le 8 février 1993 une lettre recommandée de la société Somaba lui demandant de libérer le local dont elle disposait avant le 31 mars 1993 pour en permettre l'occupation par la société Ateliers de Normandie, nouvelle locataire à la suite de la restructuration des terminaux de l'Océan et de Normandie ; que la société STP, estimant que cette éviction, ainsi que le fait que les surfaces de terre-plein sur lesquelles pouvaient être réalisées les réparations de conteneurs avaient été louées à d'autres sociétés de maintenance, condamnaient définitivement son activité, a assigné devant le tribunal de commerce la société Somaba aux fins de la voir condamner à lui verser une indemnité pour abus de position dominante, ce par application de l'article 8.2 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 8.2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Attendu que, pour déclarer que la société Somaba avait abusé de la situation de dépendance économique dans laquelle la société STP se trouvait à son égard, l'arrêt énonce que la société STP justifie avoir été dans l'impossibilité de trouver, d'une part, un emplacement sur la zone portuaire et, d'autre part, d'autres commandes de réparation de conteneurs sur le site du port du Havre, et que, de surcroît, l'importance de la part des commandes de la société Somaba dans le chiffre d'affaires de la société STP et l'impossibilité pour cette dernière de trouver d'autres entreprises susceptibles de fournir des commandes équivalentes caractérisent l'état de dépendance économique dans laquelle se trouve, à l'égard de la société Somaba, la société STP, qui ne dispose d'aucune solution équivalente ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que " les parties " n'étaient " liées par aucun écrit et par aucun engagement formel d'exclusivité ", tant en ce qui concerne l'emplacement portuaire sur lequel la société STP travaillait que pour les prestations en matière de réparations de conteneurs qui lui étaient demandées par la société Somaba, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié de façon concrète si la société STP était, par le fait de la société Somaba, dans l'impossibilité de trouver d'autres débouchés sur le marché local concurrentiel de la réparation des conteneurs ou si elle avait négligé de s'assurer de solutions de substitution, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Somaba à verser des dommages-intérêts à la société STP l'arrêt énonce que le caractère abusif des agissements de la société Somaba à l'égard de la société STP résulte du fait qu'elle a procédé à l'éviction de la société STP uniquement avec l'intention d'installer en ses lieu et place la société Saga Réparation Containers et la société Setrec, avec lesquelles elle a des liens indiscutables ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que " les parties " n'étaient " liées par aucun écrit et par aucun engagement formel d'exclusivité " en ce qui concerne l'emplacement portuaire sur lequel la société STP travaillait, tout en s'abstenant de préciser de façon concrète quels éléments de fait lui permettaient d'affirmer que la société Somaba avait agi avec intention d'évincer la société STP ou, à tout le moins, avec une légèreté blâmable, en ne permettant pas à cette dernière de disposer d'un délai utile pour organiser de façon différente ses activités commerciales, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier et le quatrième moyens pris en leurs deux branches :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-20931
Date de la décision : 10/12/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Exploitation abusive de la dépendance économique d'autrui - Conditions - Dépendance économique - Solution équivalente - Absence - Vérification concrète.

1° Une société de manutention portuaire ayant pendant plusieurs années confié à une société sous-traitante des réparations de conteneurs et mis à sa disposition un emplacement, puis réduit très sensiblement ses commandes avant de demander la libération de cet emplacement, ne donne pas de base légale à sa décision de condamnation de la société de manutention, sur le fondement de l'article 8.2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatif à l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique, une cour d'appel qui, après avoir constaté que les parties n'étaient liées par aucun écrit et par aucun engagement formel d'exclusivité, ne vérifie pas de façon concrète si la société sous-traitante était, par le fait de la société de manutention, dans l'impossibilité de trouver d'autres débouchés sur le marché local concurrentiel de la réparation des conteneurs ou si elle avait négligé de s'assurer de solutions de substitution.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Abus de droit - Bail commercial - Eviction d'un tiers par le locataire - Intention de nuire ou légèreté blâmable - Constatations nécessaires.

2° Ne justifie pas sa décision de condamner une société de manutention locataire d'un emplacement portuaire à payer des dommages-intérêts à une société de travaux pour abus de son droit d'éviction la cour d'appel qui, après avoir constaté que les parties n'étaient liées par aucun écrit et par aucun engagement formel d'exclusivité en ce qui concerne cet emplacement sur lequel la société de travaux opérait, s'abstient de préciser de façon concrète les éléments de fait qui lui permettaient d'affirmer que la société locataire avait agi avec intention d'évincer la société de travaux ou, à tout le moins, avec une légèreté blâmable, en ne permettant pas à cette dernière de disposer d'un délai utile pour organiser de façon différente ses activités commerciales.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 14 septembre 1995

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1994-07-05, Bulletin 1994, IV, n° 258, p. 204 (cassation) ; Chambre commerciale, 1995-02-28, Bulletin 1995, IV, n° 63, p. 60 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 déc. 1996, pourvoi n°95-20931, Bull. civ. 1996 IV N° 309 p. 262
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 309 p. 262

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Léonnet.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Célice et Blancpain.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.20931
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